Arménie : Démission du président Armen Sarkissian

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Déplorant, dans un communiqué, le fait de ne point disposer « des outils nécessaires pour influer sur les processus importants de la politique étrangère et intérieure dans des moments difficiles pour le peuple et le pays », dès lors qu’en Arménie, l’essentiel du pouvoir exécutif est détenu par le Premier ministre Nikol Pachinian, le président Armen Sarkissian, 68 ans, qui avait occupé le poste de Premier ministre de Novembre 1996 à Février 1997 avant d’accéder, en Avril 2018, à la présidence de la République en remplacement de son homonyme Serge Sarkissian et pour un mandat qui devait durer jusqu’en 2025, a présenté, ce dimanche 23 Janvier 2022, sa démission « après quatre ans de travail actif en tant que président ».

Rappelant qu’ « il ne s’agit pas d’une décision motivée par l’émotion » puisqu’elle « découle d’une logique spécifique », Armen Sarkissian a souhaité, néanmoins,  « que les modifications dans la Constitution » soient « finalement mises en œuvre » pour que son successeur puisse travailler « dans un environnement plus équilibré ».

Les relations entre le Président arménien et son Premier ministre sont au plus bas depuis que le conflit qui avait opposé, durant l’automne 2020,  l’Azerbaïdjan à l’Arménie pour le contrôle de la zone contestée du Nagorny-Karabakh, a pris fin quand le Premier ministre arménien Nikol Pachinian avait accepté de signer, le 10 Novembre 2020 et sous l’égide de la Russie, un accord de paix alors même que l’Arménie avait perdu 6.500 hommes et de larges pans de son territoire.

Pour comprendre la situation il faudrait revenir à la création de l’URSS et principalement à l’année 1921 lorsqu’en voulant donner naissance au plus grand Etat fédéral transcontinental communiste, Staline avait décidé, le 5 Juillet 1921, en accord avec le Bureau caucasien du P.C.U.S., de rattacher la région du Haut-Karabakh – dont la population est majoritairement arménienne chrétienne  – à l’Azerbaïdjan dont les habitants sont, pour la plupart, de confession musulmane chiite et de couper, ainsi, tous liens entre l’Arménie et son territoire du Haut-Karabakh.

Ce « mariage forcé » va durer jusqu’en 1988 lorsque la « Perestroïka » initiée par Gorbatchev et le climat « libéral » qu’elle avait engendré vont permettre aux dirigeants du Haut-Karabakh de voter leur « séparation » de l’Azerbaïdjan et leur « rattachement » à l’Arménie car, en ne répondant à aucune réalité socio-culturelle, l’enclavement du Haut-Karabakh avait fait de ce territoire « une prison à ciel ouvert laissée volontairement à l’abandon pendant soixante-dix ans » diront certains analystes.

Ainsi, aux termes de l’accord du 10 Novembre 2020, l’Azerbaïdjan a gardé les territoires reconquis et récupéré la totalité des sept districts entourant le Haut Karabakh alors que l’Arménie s’est contentée, pour sa part, d’un « droit de passage » au niveau du corridor de Latchin, resté sous le contrôle des forces russes chargées du maintien de la paix dans la région pour une période de cinq années renouvelable.  

C’est donc, à juste titre, que cet accord, qui fut qualifié de « capitulation » par le Président azerbaïdjanais Ilham Aliev, avait entraîné plusieurs manifestations en Arménie réclamant la démission du Premier ministre Nikol Pachinian.

Mais après une crise politique de plusieurs mois durant lesquels le président et son premier ministre n’étaient pas parvenus à s’entendre sur la révocation du chef d’Etat major, les élections législatives anticipées ayant eu lieu en 2021 ont tranché quand la victoire est revenue à Nikol Pachinian qui, à ce titre, est resté à la tête de l’exécutif.

En conséquence, trois années après la « révolution de velours » qui avait porté ce dernier à la tête du gouvernement, l’Arménie est en proie à une profonde crise politique mais également économique qui perdure depuis l’effondrement de l’URSS en 1991 puisque c’est avec l’argent envoyé par la diaspora arménienne de l’étranger que le pays était parvenu à construire des écoles et des églises et à réaliser d’importants projets d’infrastructures.

Que va-t-il se passer en Arménie après la démission du président Armen Sarkissian alors que ce dernier n’avait qu’un rôle purement protocolaire ? Attendons pour voir…

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