Assaiss n timitar : la révolution symbolique

C’est un hasard heureux et surtout à forte charge symbolique : la dernière tranche hyper moderne de l’autoroute Casa-Beni Mellal parle amazigh : les panneaux de signalisation alternent en effet les trois langues principales du pays…avec en avant-première les noms des villes et des stations en tifinagh : un bon point pour la société autoroutes du Maroc (ADM).

C’est un véritable moment historique, une véritable révolution dans la vie culturelle du pays qui vient de réhabiliter tout un pan de notre patrimoine cloîtré jusqu’ici, du fait du jeu des rapports de forces, dans une fonction ornementale, mais inscrit d’une façon indélébile dans l’archéologie de toute la région de Tamazgha qui va de l’Atlantique à la Mer rouge. Espérons que ce geste fera des émules au sein des autres institutions publiques qui doivent tout simplement se mettre en concordance avec…la constitution du pays.

Rappelons qu’un débat riche, passionné et souvent passionnant avait été mené autour du choix de l’alphabet. Plusieurs tendances se sont exprimées, soit en faveur du tifinagh, soit en faveur de l’alphabet latin ou en faveur de l’alphabet arabe. Très vite, cela s’est transformé en polémique avec l’entrée en lice des intégristes de tout bord. Des étapes ont ainsi été patiemment construites pour sensibiliser et préparer l’ensemble de l’opinion publique y compris au sein d’une frange de la mouvance amazighe.

Première constatation, le recours au tifinagh inscrit le projet de l’enseignement de la langue amazighe dans une cohérence d’ensemble. Nous sommes entrés dans un ordre que l’on pourrait qualifier par la pertinence linguistique : le signe amazigh est porté par une entité autonome spécifique. Le signifié s’exprime dans un signifiant qui lui est propre. Il n’y a plus de coupure. Le moi amazigh retrouve son identité. Il faut dans ce sens rendre un vibrant hommage à si Mohammed Chafik qui, par sa stature d’académicien confirmé, ses travaux et sa grande perspicacité, avait permis de concrétiser ce projet. C’est le Maroc qui en sort grandi. Il entame une nouvelle page dans la mise en place d’une véritable démocratie. L’arrivée du tifinagh apporte dans ce sens un léger plus dans le marché de la circulation des valeurs ; il contribue ainsi à réduire la violence symbolique qui continue à caractériser les rapports sociaux et, notamment les rapports de domination linguistique. Azoul immimen f’ils n’tmazirt ; ass mkorn ayad. Aska ara sol yuf ghassad.

Mohammed Bakrim

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