Bataille autour de la gestion des statistiques

Le ministère des Finances et des organismes comme le Haut-commissariat au Plan se livrent souvent à une bataille de chiffres à chaque publication d’indicateurs économiques. Mohamed Boussaid a profité de son allocution lors du 61econgrès mondial de la statistique, qui s’est ouvert dimanche, pour lancer des piques.

Pour lui, aucun établissement, qu’il soit public ou privé, ne peut prétendre mener seul les actions destinées à améliorer le système d’information statistique. Le ministre de l’Economie et des finances insiste sur la mobilisation et la collaboration sans failles entre tous les partenaires pour renforcer l’appareil statistique. Cette collaboration est primordiale pour fournir une information fiable qui permettra d’orienter les politiques publiques. «L’information est la matière première essentielle pour une économie moderne, sa qualité et sa disponibilité sont des conditions nécessaires pour le bon fonctionnement des entreprises et la conduite des politiques publiques», affirme Boussaid.

En plus d’être un outil de pilotage, l’information statistique représente aussi un «facteur de production, dans la mesure où elle contribue à éclairer les décideurs politiques et économiques quant aux choix stratégiques à opérer pour assurer un développement durable et inclusif».

Cependant, « les données de base requises, quand elles existent, sont de par leur nature, disséminées dans plusieurs départements administratifs, institutions publiques ou privées », a déploré le Haut-commissaire au Plan. Selon le patron du HCP, ces données sont en général, incomplètes ou difficilement utilisables parce que non conformes aux normes compatibles avec les modes d’exploitation statistique et comptable. Et en cas de besoin impératif, «elles sont obtenues par le recours direct auprès des ménages à des enquêtes souvent lourdes et coûteuses», dit-il. Pour Lahlimi, le système national d’information statistique ne peut se réduire à un organisme spécialisé quels que soient son statut juridique, l’expertise de ses ressources humaines et son poids institutionnel.

Lahlimi ne s’en est pas directement pris au département de Boussaid, estimant que cette problématique se pose dans beaucoup de pays. «Plusieurs pays peinent encore à disposer de systèmes nationaux de statistique suffisamment robustes pour contribuer à une meilleure connaissance des réalités économiques et des conditions de vie de leur population», a-t-il déploré. A l’échéance de 2015, «beaucoup de pays, notamment dans le continent africain, n’avaient pas réussi à réaliser les 7 Objectifs du Millénaire pour le développement ou ne disposent pas encore aujourd’hui d’un système de comptabilité nationale répondant aux normes adoptées par la Commission statistique des Nations Unies», ajoute-t-il. Le Haut-commissaire au Plan regrette que les disparités internationales des capacités statistiques, aujourd’hui évidentes, ne soient accentuées par l’inégal développement de l’économie numérique dans le monde.

«Avec la diffusion de l’usage du mobile, l’extension de la géolocalisation et la montée de l’intelligence artificielle, n’allons-nous pas vers un monde où plusieurs pays risquent d’être condamnés à rester une source d’une multiplicité d’informations dont l’usage leur échappe et ce, dans un contexte d’impuissance de leur propre système national d’information statistique ?» s’est-il interrogé. Or, «une meilleure exploitation des données financières contribue à l’amélioration de la rentabilité des politiques économiques», comme l’a rappelé Claudia Buch. La présidente du Comité Irviny Fisher a été on ne peut plus claire. «Une meilleure utilisation des données financières nous permet de tirer les meilleurs enseignements possibles et servir les décideurs pour l’amélioration des politiques mises en œuvre», a-t-elle affirmé. Pour cela, elle a appelé à initier les jeunes à l’éducation financière depuis le début du cursus scolaire afin de favoriser une gestion financière efficiente chez les différents segments de la société.

Le représentant de la Banque des règlements internationaux, Bruno Tissot, a appelé les banques centrales sont appelées à contribuer à ce chantier. Le directeur du département des statistiques au niveau de la Banque du Portugal, M. João Cadete, abonde dans le même sens : «les banques centrales jouent également un rôle important en tant que superviseur partageant les meilleures pratiques dans le domaine, ce qui encourage les établissements de crédit à promouvoir des actions financièrement inclusives».

Contribution du statisticien à la préservation de l’environnement

Les participants au congrès mondial de la statistique se sont également penchés sur la question environnementale. Sur ce point, Salaheddine Mezouar, président de la Cop22, estime qu’ « il est impossible d’avancer sans se référer aux données statistiques, notamment celles environnementales qui apportent de la clarté aux analyses et aux différentes études menées en vue de tracer un projet d’un monde meilleur ». Même son de cloche auprès du Haut-commissaire au Plan. Selon lui, la question qui se pose aujourd’hui pour les statisticiens est de savoir quels indicateurs créer et quels phénomènes suivre pour mesurer la dégradation environnementale. Aujourd’hui encore, «le statisticien souffre de l’absence de données de référence fiables permettant le suivi, à défaut de prévision, de la détérioration des écosystèmes naturels et sociaux qui constituent les cadres de vie de populations de plus en plus vouées à l’émigration climatique», dénonce Lahlimi.

Hajar Benezha

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