Par Jamal Chibli (MAP)
Il y a quelques semaines, personne n’aurait imaginé que des compétences nationales pouvaient concevoir, en quelques jours, un respirateur artificiel «Made by Morocco» ou que des textiliens assurent, en un claquement de doigt, l’autosuffisance du Royaume en masques de protection.
Jusqu’à un temps récent, l’enseignement à distance était presque une utopie, même aux yeux des irréductibles de la technologie au sein des départements concernés. Mais, il a suffi de lâcher la bride pour que les cracks de l’informatique, qui se morfondent dans leurs bureaux douillets, rendent possible un rêve qui semblait inaccessible. L’opération est loin d’être parfaite, mais il faut un début à tout. Seule la mort vient d’un coup.
L’indispensable transition numérique, qu’on remettait indéfiniment aux calendes grecques, s’est avérée à portée de main. Du jour au lendemain, nombre d’établissements publics, de banques et de sociétés d’assurance, entre autres, ont trouvé la parade pour offrir leurs services en ligne, évitant aux clients et aux usagers les pénibles déplacements et les files d’attente surannées.
On assiste à un foisonnement d’initiatives et de tentatives de la part des opérateurs de divers horizons, des chercheurs, des experts et des techniciens qui, faute d’être en première ligne, ont à cœur de participer, à leur manière, au magnifique sursaut national éveillé par le combat contre la propagation de la pandémie du nouveau coronavirus.
C’est dans les moments d’adversité que se révèlent inexorablement l’essence profonde d’un peuple et son aptitude à se surpasser pour trouver des réponses collectives aux défis et aux menaces qui guettent sa cohésion et son existence.
Le pays vit au rythme d’une véritable mobilisation générale et d’un authentique volontarisme citoyen, qui s’inspirent de l’engagement personnel de Sa Majesté le Roi Mohammed VI qui, par une gestion proactive et une définition lucide des priorités, a montré à tous la voie à suivre et les bonnes pratiques à appliquer dans ces circonstances particulières.
Les mesures vigoureuses et pertinentes des autorités publiques aux plans sanitaire, économique, social et sécuritaire seraient restées incomplètes, si elles n’étaient pas accompagnées d’une action aussi énergétique sur le tableau de l’inventivité pour répondre à certains besoins immédiats de la Nation.
La riposte industrielle, technologique et opérationnelle vient, à juste titre, donner plus de crédit à la stratégie spécifique dessinée par le Maroc pour juguler les effets dévastateurs d’une crise inédite, qui donne du fil à retordre aux Etats les plus développés et les plus riches.
En un court laps
de temps, les vaillants membres des Forces armées royales ont mis en place et
équipé des structures de haut vol (tentes et bâtiments) pour accueillir les
malades atteint de Covid-19 dans des hôpitaux de campagne à Benslimane et à
Nouaceur. Cela représente une capacité supplémentaire de 560 lits, dont des
services de réanimation, qui pourront soulager les hôpitaux de la région de
Casablanca, le moment venu.
Alors que des pays dotés de la technologie de pointe et de moyens colossaux
peinent à mettre les fameux masques à la disposition de leurs citoyens, des
industriels marocains se sont mis à l’oeuvre pour fournir cette barrière de
protection à leurs compatriotes et à des prix subventionnés largement
abordables.
Quand le marché national sera abondamment approvisionné, le Maroc pourra songer à passer à l’exportation, d’autant que la production journalière devra s’élever à 5 millions d’unités à partir de la mi-avril.
Dans quelques jours, de jeunes ingénieurs et techniciens vont accomplir la prouesse de produire pas moins de 500 respirateurs artificiels 100% marocains, depuis la conception, en passant par la fabrication de toutes les pièces (moteur réducteur, cartes électroniques, etc.), jusqu’à l’assemblage.
Ces exemples et tant d’autres démontrent que le pays regorge de compétences de grande valeur, de cadres dévoués et d’un énorme potentiel de créativité et de savoir-faire, qui se perdent souvent dans les méandres de la bureaucratie et les sinuosités de la politique, dont les esprits cartésiens ne sauront et ne pourront jamais en pénétrer les secrets.
Pour arriver à ces performances qui peuvent rendre fier tout citoyen marocain, il a fallu une volonté politique franche du plus haut sommet de l’Etat pour libérer les énergies et laisser exprimer les têtes bien faites, doublée d’une action ordonnée des pouvoirs publics pour mettre en synergie des acteurs disparates.
Le Maroc est en train de récolter les fruits des choix opérés au cours de la dernière décennie dans le secteur industriel, avec la mise en place d’écosystèmes spécialisés et l’encouragement des nouveaux métiers mondiaux dans l’automobile, l’aéronautique, les énergies renouvelables et l’agroalimentaire.
Les respirateurs sont, en effet, fabriqués au sein de la Société d’étude et de réalisations mécaniques de précision (SERMP), installée à l’aéropôle à Nouaceur (Casablanca), qui fut inauguré en 2013 pour constituer un site de l’excellence industrielle, à côté de la zone franche voisine de Midparc, qui abrite les plus grands constructeurs mondiaux de l’aéronautique.
La mise en valeur de la recherche scientifique dans les grandes écoles, quoiqu’elle soit encore timide, donne, elle aussi, des résultats indéniables, comme en témoigne la consécration de plusieurs instituts marocains dans des concours scientifiques et d’invention à l’échelle mondiale.
Aussi, la conception et la fabrication des masques de protection marocains a mis à contribution l’un des lauréats de l’ESITH, dont les ingénieurs se sont perfectionnés dans le textile à usage technique, notamment le textile médical, ce qui a permis au Royaume de marquer son leadership dans ce créneau.
Les compétences nationales ont apporté la preuve irréfutable qu’elles sont déjà inscrites dans le monde de demain, à condition de leur épargner les calculs étriqués d’une caste déconnectée.