Les malades face au défi du reste à charge

Accès aux soins de santé

Ouardirhi Abdelaziz

Le reste à charge est la somme dont le patient doit s’acquitter après le remboursement par la CNOPS ou la CNSS, des frais engagés en cas de consultation médicale, d’hospitalisation, opération chirurgicale, accouchement, médicaments. C’est un sujet récurrent qui ne laisse personne insensible, car il y va de notre santé à tous, et des moyens dont chacun dispose pour y faire face en cas de maladie.Les actions concrètes qui en découlent visent à garantir un accès équitable de la population à des soins adéquats. 

Dès l’entrée en vigueur de l’assurance maladie obligatoire en 2005, les organismes gestionnaires de l’AMO, en l’occurrence la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) pour les fonctionnaires du secteur public, et la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) pour les salariés du secteur privé, qui assurent la prise en charge des dépenses des cotisants en cas de maladies, ont mis en exergue la question des prises en charges des patients. 

Mais cette pris en charge ne signifie pas un financement total des frais médicaux, des hospitalisations, des opérations, des médicaments, des appareils, des examens de radiologie (Scanner – IRM..), ou des bilans biologiques … 

Cela aurait été trop beau, et de toutes les manières, c’est impossible à réaliser .

C’est pourquoi la CNSS et la CNOPS avaient prévu dès le commencement de leurs activités relatives à la gestion de l’AMO, que les assurés en cas de problèmes de santé, doivent participer financière aux dépenses des soins médicaux. C’est ce que l’on a coutume d’appeler le reste à charge des patients, qui dans bien des cas représente un réel handicap à l’accès aux soins pour de nombreux  malades aux moyens très limités.

Un véritable frein à l’accès aux soins

Au Maroc, selon les données annuelles et statistiques de la CNOPS et ceux de la  CNSS pour l’année 2022, le taux de reste à charge des assurés était 36 %. Ce qui représente près d’un quart des dépenses de santé. C’est énormément d’argent à payer pour de nombreuses familles, en sus du remboursement de l’assurance maladie obligatoire. Cette hausse du reste à charge constitue une barrière significative à l’accès aux soins, des malades sont obligés de vendre un bien ,d’emprunter de l’argent, de contracter des crédits auprès de leurs proches ou des usuriers, tout cela pour pouvoir être soignés. Surtout quand il s’agit de maladies lourdes, qui nécessitent des interventions chirurgicales, séjours en réanimation, et soins palliatifs.

Ce que nous écrivons n’est pas une vue de l’esprit, mais bel et bien la réalité, qui souvent est vécue au quotidien par de nombreux malades et leurs familles. Les cliniques privées face à de telles situations, sont confrontées à un dilemme, et on comprend leurs agissements, leurs positions. Certains responsables de cliniques privées se montrent parfois compréhensifs, et revoient à la baisse les montants du reste à charge. Par contre, certains patrons de cliniques se montrent inflexibles, rigides et inébranlables. Il faut d’abord payer rubis sur ongle pour avoir accès aux soins, ce qui pour certains patients est un véritable frein à l’accès aux soins.

Les riches, mieux soignés que les pauvres

Cette situation pénalisante et choquant, dont pâtissent les plus démunis, les petits fonctionnaires et salariés, les retraités, soulève des questions, dont l’équité dans l’accès aux soins. Ce qui suppose que celles et ceux, qui ont des moyens ont plus de chance et seront immédiatement pris en charge et mieux soignés, et que les riches ont plus de chance de s’en sortir en cas de problèmes de santé que les pauvres.  

Autre question qui mérite aussi d’être soulevée, elle a trait aux tarifications des actes médicaux qui n’ont pas été revus depuis 2006.

Il est évident que l’écart entre les bases de remboursement de l’AMO et les prix réellement pratiqués par les cliniques privées, qui faut-il le souligner ici ne travailleront jamais au rabais, expliquent l’augmentation des restes à charge pour les patients.

Aujourd’hui, si on veut réellement changer et remédier à toutes ces anomalies (cheque de garantie, pratique du noir, tarifs fantaisistes, non-respect de la tarification nationale de référence…..), qui minent l’image de certains établissements de santé, et qui enveniment la relation soigné-soignant.

Un droit constitutionnel effectif

 Il est essentiel que tous les intervenants, ministère de la Santé, la haute autorité de la santé, les producteurs de soins, les  gestionnaires de l’AMO , les professionnels de la santé, et bien entendu les représentants des malades, tous doivent s’impliquer avec objectivité, équité, responsabilité et citoyenneté pour mettre à jour une nouvelle tarification nationale de référence, qui doit impérativement, rigoureusement être affichée, appliquée et respectée par toutes les cliniques privées, les cabinets médicaux, laboratoires, centres de radiologie, centres dentaires entre autres.

La réforme de notre système de santé est sur la bonne voie. Nous pouvons atteindre les objectifs tracés, relever tous les défis, être à la hauteur du chantier de la généralisation de la protection sociale, conformément aux Hautes Instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste.

Ce vœu, nous le souhaitons, et nous l’espérons, mais sa concrétisation nécessite, suppose que tous les intervenants et les citoyens soient concernés, se sentent investis d’une noble mission, à savoir celle que l’accès aux soins, aux médicaments est un droit fondamental de chaque Marocain conformément à la constitution de 2011.

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