Sa mère se hâtait
Et m’en débarrassait.
Le jour de ses anniversaires
Pas moyen de la faire taire
Elle agitait le calendrier
«Papa, regarde, aujourd’hui tu vas m’embrasser ?»

Sa mère se hâtait
Et m’en débarrassait.
J’ai voulu un fils
Il était ma fierté
Mais il était toujours à se dénoncer
Pour que sa sœur ne soit pas inquiétée.
Il a eu deux mamans
Tant mieux, il se rattrape pour moi.
La nuit, j’allais dans leur chambre réveiller “ Ventouse ”
Pour lui raconter les mœurs de mon épouse
Qui se hâtait
Et la rendormait.
Au début, son frère pleurait
puis me rabrouait
puis m’insultait
puis me poussait !
Leur mère les menait vers moi avec les bulletins
je ne signais que celui du mien
alors elle récitait les notes de sa fille.
«Elle brille, ça va, file»
J’ai payé son éducation
puisqu’elle porte mon nom.
Elle est partie de loin :
à trois ans, elle ne savait pas parler
le psychologue consulté
m’avait convoqué
mais je n’y étais pas allé.
Il avait insisté puis m’avait téléphoné
« Dites lui que vous l’aimez
ça va la débloquer »
Je ne sais pas dire ces choses-là
personne ne m’a parlé comme ça.
Elle est devenue psychologue pour enfants
quel rapport avec elle, enfant ?
Elle m’interroge sur ma mère.
Pourquoi parler de cette misère ?
Quand mon rein s’est arrêté
que les dialyses m’ont fatigué
le médecin les a contactés
un greffon dans la descendance
augmenterait les chances.
“ Ventouse ” s’est précipitée
mon fils n’a pas eu le temps de se manifester.
La compatibilité prouve ma paternité ?
C’est la chance, voilà tout, pourquoi discuter ?
Après l’opération
avec les paumes de ses mains
elle avait caressé mes yeux
les doigts écartés, encore ce jeu !
«C’est quoi ? À jamais, tes yeux et mes yeux sont les mêmes soleils !»
Extrait du recueil de poèmes  «Je veux juste être tranquille»    
 *avocate et poétesse française