Izza Genini fait découvrir aux mexicains la musique arabo-andalouse et le Maroc

Sélectionnée au grand Festival International du Cinéma de Morelia avec le film “Nûba d’or et de lumière”, la réalisatrice Izza Genini a saisi l’occasion de sa présence au pays des aztèque pour faire découvrir au public mexicain la musique arabo-andalouse et son Maroc natal.

Avec les plus éminents orchestres d’Al-Ala marocaine, accompagnés de solistes virtuoses, le film, en cinq mouvements, montre comment, toutes générations, classes et religions confondues, la “nouba” continue d’élargir le cercle des amateurs fervents de ce patrimoine musical marocain.

“J’en ai été d’autant plus heureuse que c’est la première fois qu’un de mes films est présenté au Mexique alors qu’une partie de ma famille habite ce pays depuis longtemps. J’avais le trac mais mon appréhension a été bien vite levée devant une salle pleine d’un public attentif et curieux de découvrir la musique arabo-andalouse et le Maroc”, a relevé la réalisatrice franco-marocaine dans un entretien à la MAP.

Entre le grand festival du documentaire “Ambulante”, la Semaine de la Francophonie prévue à l’Institut Français à Mexico ou le Festival des Films de Femmes… les perspectives ne manquent pas pour Izza Genin, qui veut partager en images avec le publique mexicain sa grande passion pour le Maroc et ses musiques. “Quand on sillonne le Mexique on ne peut s’empêcher d’en ressentir bien des affinités avec le Maroc, dit-elle.

La réalisatrice Izza Genini ne cache pas son admiration pour la musique marocaine. “Je suis en effet réalisatrice de films de musique, mais pas que… puisque dans ma filmographie il y a un film sur la fantasia ‘Moussem’, un autre sur ma famille ‘Retrouver Oulad Moumen’, un film sur les rituels de beauté à travers le rôle de la neggaffa ‘Pour le plaisir des yeux’, un autre sur le fruit sacré du cédrat ‘La route du cédrat’, mais disons que la musique est le fil conducteur de mon parcours professionnel”, confie la réalisatrice.

Quant à la corrélation entre le “Maroc des origines” et ses œuvres cinématographiques, pour Izza Genini, cela n’a jamais été un choix prémédité mais le résultat d’un long processus qui a pris ses racines dès le début des années 60. “Quand j’étais étudiante, j’ai travaillé comme hôtesse d’accueil dans une salle de projection privée à Paris, et auquel s’est greffé un simple voyage de tourisme au Maroc en 1973 qui allait décider de mon engagement en faveur du cinéma marocain, qui perdure jusqu’à ce jour”, ajoute-elle.

Rien ne destinait Izza Genini, à devenir réalisatrice ou à s’engager dans une quelconque carrière artistique. “Pour mon métier du cinéma, pas de plan de carrière, pas d’école de cinéma, pas de stages, pas d’ateliers… rien, sinon une passion qui me jette tête basse dans presque toutes les facettes de la profession”, dit-elle.

Justement, si sa carrière professionnelle a commencé par la distribution des films musicaux dont elle acquérais les droits de distribution pour la France ou l’Afrique, son talent artistique va s’affiner le jour où elle découvre Nass El Ghiwane lors de leur premier concert à Paris, en demandant à Ahmed El Maanouni de filmer leur futur concert prévu à Carthage l’été 1980.

Un matin de 1981, Izza décide de se lancer dans son grand défi que fut la production d’un film sur Nass El Ghiwane, sans argent ni expérience. C’est ainsi que “Transes” est né, grâce à la la volonté farouche de faire aboutir ce qui d’une simple captation de concert est devenu le long métrage documentaire pour ensuite entrer dans la légende en étant choisi par Martin Scorsese pour lancer en 2007 la World Cinema Foundation”, se rappelle celle qui nourrit une passion obsessionnelle pour le patrimoine musical marocain.

C’est ce parcours novateur, tant social qu’artistique, que personnifie Izza Genini. “J’aurais pu continuer dans la production cinéma mais l’expérience de “Transes” et surtout mon goût pour les musiques du Maroc qui se développait chaque jour sous l’influence de mes mentors Tayeb Saddiki et Abdallah Stouki me procurait des joies telles, que je fus inspirée pour faire un documentaire sur feue la diva Fatna bent El Hocine, “AITA”, avec lequel elle a fait son entrée dans la grande famille du cinéma.

En se lançant dans la production et la réalisation de ses films documentaires, elle a du renoncer à la distribution et la production d’autres auteurs car bien qu’ayant crée sa société en 73, Izza Genini a toujours agi en “artisan” plus qu’en entrepreneur soucieux de sa rentabilité.

La réalisatrice, née à Casablanca, n’en finit pas d’explorer la richesse et la diversité de la musique marocaine, qui va des Berbères aux Gnaouas en passant par les Soufis, les Andalous, la Aïta des Cheikhates, le chant sépharade, etc.

Avec énergie et générosité, elle essaye de transmettre à travers ses films le témoignage de sa propre expérience. “En faisant ce que je considérais comme mes ‘petits documentaires’, j’étais loin d’imaginer, qu’une trentaine d’années après, ils feraient l’objet d’analyse et d’études universitaires comme ce fut le cas à Errachidia, qu’ils inspireraient des étudiants de cinéma, qu’ils continueraient de sillonner le monde de festivals en manifestations et qu’ils susciteraient tant de commentaires émus”.

A travers son retour aux sources, Izza Genini va révéler son admiration pour son Maroc natal, si inspirant, qui le doit sans doute à son désir têtu, “à mon urgence de partager ce que j’avais tant reçu du Maroc, à ma détermination à mener à terme mes projets malgré les difficultés, ‘bo rass’, ma mère m’appelait… mais tout cela je le dois aussi et avant tout à tous ceux que j’ai entraînés dans cette exaltante aventure”.

Rien d’effronté ni d’insolent dans l’apparence de cette grande dame, douce, aux cheveux gris de sagesse avec son beau sourire. Sollicitée pour dresser un bilan de l’évolution de la production cinématographique marocaine, la réalisatrice ne cache pas sa satisfaction pour l’augmentation du nombre de films réalisés chaque année au Maroc, tout en déplorant le problème de la fermeture des salles de cinéma.

“Lorsque j’ai commencé à m’impliquer dans le cinéma marocain, on comptait sur les doigts d’une seule main les cinéastes et leurs films mais il y avait des centaines de salles de cinéma à travers tout le pays. Aujourd’hui les cinéastes tous genres confondus se comptent par dizaines, voire par centaines, en revanche les salles de cinéma sont réduites à la portion congrue”, déplore-t-elle avant de tempérer ses propos, avouant qu’heureusement les festivals, les instituts sont là, nombreux, à offrir des écrans à la production nationale et internationale.

Et d’ajouter que les aides du CCM, les écoles de cinéma, privées ou publiques qui fleurissent à travers le Maroc, les productions étrangères qui viennent y tourner, tous ces facteurs ont boosté la production et la réalisation marocaines ces dernières années.

En tout état de cause, la productrice n’a eu de cesse de croire “qu’un pays avec un tel potentiel artistique que celui du Maroc, qui s’exprime dans tant de domaines: l’architecture, la musique, l’artisanat élevé au rang d’art… et j’en passe… ne peut pas ne pas produire des génies du cinéma”.

Reconnaissant le talent des cinéastes marocains qui se sont exprimés à travers des films marquants, ont gagné des trophées, et rencontré des publics internationaux, Izza Genini estime que la production cinématographique marocaine attend encore la grande consécration pour s’imposer dans le monde.

Car selon elle, si les leviers nécessaires: financements, moyens techniques, représentation… l’accompagnent, la production cinématographique marocaine est sur la bonne voie!

Khalid El Harrak (MAP)

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