Table ronde des cadres du PPS de la région du Grand Casablanca
Les cadres du Parti du Progrès et du socialisme de la région du Grand Casablanca ont été nombreux à prendre part à la table ronde organisée, jeudi dernier dans la Métropole, sous le thème «La conjoncture actuelle et la nécessité d’un pacte social efficient». «Cette rencontre est la première d’une série de rendez-vous que les cadres du PPS prévoient d’animer tout au long de cette période pré-électorale», a tenu à préciser Abderrahime Bensar, membre du BP du PPS et coordinateur du parti dans la région du Grand Casablanca. Le choix du thème n’est pas fortuit, a indiqué, de son côté, Ahmed Azirar, économiste et modérateur de la rencontre. Avant de donner la parole aux intervenants, Abdelwahed Souhail, économiste membre du BP du PPS, Hicham Zouanat, président de la commission Emploi et Relations Sociales de la CGEM et Mohamed Khafifi, secrétaire régional de la Fédération nationale de l’enseignement (FNE), affiliée à l’UMT, M. Azirar a souligné que la situation actuelle connait des évolutions importantes qu’il faut bien analyser. Il a surtout tenu à mettre l’accent sur la corrélation entre la nécessité d’un pacte social efficace et efficient et les développements économiques, politiques et sociaux que vit le Maroc.
Azirar : «garantir un équilibre entre l’économique et le politique»
Il cite à cet effet les derniers développements de la question de l’intégrité territoriale. Question que le professeur Azirar lie à la réussite du processus démocratique et d’asseoir les bases d’une régionalisation avancée efficace. La question d’un pacte social efficient, ajoute Azirar, implique aussi et surtout une réflexion pour trouver un nouvel équilibre entre l’économique et le politique dans le cadre des relations diplomatiques extérieures. L’économiste a mis l’accent sur la tendance baissière qu’affiche le taux de croissance depuis 2008 malgré l’ embellie enregistrée dans certains secteurs. Il a rappelé dans ce sens la réforme de la caisse de compensation déjà en marche, mais il a exprimé son regret devant le retard que connait le chantier de la réforme des caisses des retraites et celui de la loi sur la grève.
L’économiste du PPS estime, par ailleurs, que l’optimisme reste de mise devant une expérience gouvernementale qu’il qualifie de globalement positive et une opposition désabusée, sans oublier la montée en flèche du mouvement syndical et d’une presse plus audacieuse. La combinaison de tous ces facteurs, estime Azirar, nécessite la mise en place d’un pacte social efficient fondé sur la paix sociale considérée comme l’un des piliers de l’attractivité économique du pays. Celui-ci va de pair avec la préservation de l’entreprise, le renforcement de la compétitivité, la baisse des importations, une meilleure industrialisation du tissu productif…Dans cette dynamique, Azirar considère que le secteur public continue de jouer un rôle important dans l’économie nationale, avant de conclure que le pacte social efficient exige la responsabilité et la responsabilisation de tous les partenaires.
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Abdelwahed Souhail : «Il faut définir les règles du vivre-ensemble
autour d’un certain nombre de valeurs intangibles»
Pour Abdelwahed Souhail, l’idée de pacte social ou de contrat social remonte à bien avant le siècle des lumières. La notion remonte à d’autres sociétés, avant et après l’islam, qui définissaient les règles du vivre ensemble, de la gouvernance, les droits et obligations de chaque membre de la société. Bien sûr, ce ne sont pas des sociétés démocratiques, dit-il, avant de poursuivre qu’à l’époque, l’idée de définir le contrat social avait pour but pour la bourgeoisie de détruire le régime et donc le pouvoir. «Il n’ya pas de monarchie de droit divin et on ne peut pas accepter le règne de la féodalité et donc tous les hommes naissent et demeurent égaux». Ceci nous amène à dire, explique Souhail, que le pacte social est le reflet d’un rapport de force au niveau de la société à un moment donné de sa vie. Pour ce qui est du Maroc, on peut aujourd’hui, dire que le pacte social a évolué. On se rappelle qu’au début du 20e siècle, le pays était menacé dans son intégrité territoriale et avec la mort du Sultan Hassan 1er, le problème était de savoir qui allait le succéder. Donc Moulay Abdellaziz commença à négocier avec les puissances coloniales. C’est avec Moulay Abdelhafid, qui s’engagea à défendre l’indépendance du pays, que commença le pacte social. Mais à cette époque, nous n’étions pas une société démocratique. Nous n’avions pas de parlement, mais il y avait les oulémas et les acteurs sociaux qui ont choisi Moulay Abdelhafid (l’allégeance). Ainsi, avec l’indépendance, la définition et le contenu d’un nouveau pacte social posait problème. Il n’était pas question de garder le système de pouvoir absolu. Il fallait doter le pays d’une Constitution et définir des pouvoirs qui émanent du peuple et exercer dans le cadre d’une loi fondamentale. Aussi, a-t-on opté pour la charte de 1958. Aujourd’hui, le pacte social marocain est l’aboutissement de la Constitution de 2011 qui reconnait plus de droits, de libertés, de droits civiques et économiques et sociaux. Cette Constitution dispose que le peuple est la source de tous les pouvoirs qu’il exerce à travers les différentes institutions constitutionnelles dans le cadre d’une démocratie participative. Pour nous aujourd’hui, affirme Souhail, l’essentiel pour mettre en place un pacte social efficient est de définir les règles du vivre ensemble autour d’un certain nombre de valeurs intangibles. Pour lui, le pacte social n’est pas le projet social. De son avis, la première valeur de ce pacte social ou sa valeur cardinale reste la paix, au sens large et précis. On ne peut pas bâtir un pacte social dans la guerre. La déclinaison de cette paix se traduit par des rapports paisibles dans la société (paix sociale). La 2e valeur reste liée à la sécurité, suivie de la liberté, qu’elle soit individuelle ou collective. Le 4e principe c’est la solidarité. Il ne peut y avoir de paix sans solidarité. Le 5e principe qui conditionne le reste est le progrès économique et social ou matériel et immatériel. L’autre principe qui garantit la légalité des chances c’est l’inclusion. Le pacte social doit inclure ce principe qui est plus important que la solidarité, réitère souhail. Autre principe, l’égalité des chances (homme/femme). La réédition des comptes est aussi l’une des valeurs du pacte social et de la démocratie tout comme l’obligation et le droit de protection du capital naturel du pays. Figurent aussi tout l’aspect du dialogue social et celui de la participation citoyenne qui relève de ce pacte social efficient.
L’économiste et membre du BP du PPS a tenu à rappeler les définitions que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) donne aux objectifs des politiques publiques et qui sont ceux d’un contrat ou pacte social. Il en a retenu celui relatif à l’accès au service essentiel et au bien-être social. Il a également cité parmi ces objectifs le droit à la vie, à la santé, à la sécurité alimentaire, au travail, à la possibilité d’entreprendre, à l’accès à l’eau, à l’éducation, à la mobilité, au logement, à l’information, au loisir, à la protection juridique et à la justice, à la protection sociale, à la responsabilité sociale au sens large et au partenariat innovant pour le développement économique dans le cadre des entreprises et enfin, la gouvernance responsable.
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Hicham Zouanat (CGEM) : un pacte social efficient nécessite
pour l’entreprise marocaine un partenariat gagnant-gagnant
Le représentant de la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc) a préféré, avant d’aborder le pacte social, soulever la question du pacte économique et évaluer le bilan des différents accords de libre échange (ALE). Pour lui, il existe deux types de pacte économique : l’un qualifié de «subi», sous l’effet de la mondialisation et l’autre appelé «pacte économique voulu» et qui est tout de même salué. Revenant sur le bilan des 55 ALE, le constat, dit-il, est catastrophique, surtout par rapport aux pays à développement similaire. Les créations d’emplois se font à l’extérieur. La compétitivité reste très faible. La structure du coût est pénalisante (coût financier énorme, coût de l’énergie, coût fiscal notamment la TVA, taux de charges sociales élevé et de la main d’œuvre). La rémunération est en deçà de la moyenne. A cela s’ajoutent les contraintes liées à la productivité, notamment les faibles rendements, le défaut de qualification et de formation et les barrières tarifaires. Le poids de l’informel n’est pas en reste. Zouanat signale que l’informel représente 33% voire 40% du tissu économique national.
Pour lui, la mise en place d’un pacte social efficient nécessite pour l’entreprise marocaine un partenariat gagnant-gagnant. Ce pacte social passe aussi par la nécessaire intégration des partenaires sociaux, des contraintes sociales, des lois sociales et d’un syndicat indépendant. Le représentant du patronat regrette les nombreuses imperfections du code du travail et le retard qu’accuse la réforme de la Caisse marocaine de retraite (CMR) qu’il qualifie de saignante. De son avis, l’absence de droit conventionnel rend difficile la signature de conventions dans le cadre de la législation du travail actuelle. Il plaide pour une meilleure flexibilité de l’emploi, pour l’institutionnalisation du dialogue social qui reste aujourd’hui à la merci du gouvernement. Pour conclure son intervention, Zouanat soutient l’idée selon laquelle le patronat a une vraie volonté de mettre en place un pacte social efficient.
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Mohamed Khafifi (UMT) : le pacte social implique des consensus
dans le cadre du dialogue social
Le responsable syndical a évoqué dans son intervention la situation sociale qu’il qualifie d’inquiétante et de préoccupante. Khafifi a tenu à rappeler que l’année en cours a été marquée par une série de mouvements de protestation et de grève. Mettant l’accent sur la thèse de l’UMT, le responsable syndical indique que le Maroc est un pays riche de ses ressources naturelles et humaines et malgré cela, le pays compte plus de 8 millions de pauvre et affiche un effritement du pouvoir d’achat du citoyen, sans parler de l’utilisation abusive de l’article 288. A cela s’ajoute la dégradation de l’enseignement public et de la justice
Khafifi estime, toutefois que la mise en place d’un pacte social efficace et efficient requiert avant tout de la bonne volonté pour consolider la démocratie sociale, préserver la dignité du citoyen. Selon lui, ce pacte social implique des consensus dans le cadre de partenariats entre les différents partenaires sociaux et de l’institutionnalisation du dialogue social. L’unité syndicale est dans ce sens vivement recommandée.
Compte rendu réalisé
par Fairouz El Mouden