La culture, une grande chance pour le développement

Un levier de croissance économique, de développement humain et de cohésion sociale

Par Meriem RKIOUAK (MAP)

« L’Homme sans culture est un arbre sans fruit », dit-on. Ce qui vaut pour les Hommes vaut aussi pour les États et les sociétés. Aujourd’hui, la grandeur d’une nation se mesure, en plus de son « hard power » (puissance économique, poids géostratégique…), à l’aune de la valeur qu’elle accorde à ses cultures nationales et à sa capacité à en faire, plus qu’un moyen de divertissement du peuple, un levier de croissance économique, de développement humain et de cohésion sociale.

Dépositaire d’un patrimoine culturel millénaire d’une densité et d’une diversité exceptionnelle, le Maroc ne pouvait faire l’impasse sur une dimension aussi fondamentale dans toute dynamique de développement qui se veut durable et inclusive.
Sous le règne de SM le Roi Mohammed VI, la question culturelle a gagné ses lettres de noblesse. Depuis Son accession au Trône, le Souverain l’a érigée en priorité nationale. Dans Son discours à l’occasion de la Fête du Trône de 2013, SM le Roi souligne que « Compte tenu de la nécessaire complémentarité devant exister entre les composantes matérielles et morales du développement humain, Nous nous attachons à donner à la culture toute l’importance et tout l’intérêt qu’elle mérite. Nous sommes, en effet, convaincu qu’elle est le ciment de la cohésion de la nation, et le miroir de son identité et de son authenticité ».

A la faveur de cette Haute sollicitude royale, la prise de conscience de la question culturelle en tant que priorité de développement gagne de plus en plus la sphère politique et l’espace public.

Cette conscience s’est traduite à plusieurs niveaux: dans la Constitution, dans les politiques publiques et, last but not least, dans le nouveau modèle de développement qui lui fait la part belle.

La culture comme priorité des politiques publiques 

Commençons par les acquis constitutionnels. L’article 26 de la Loi fondamentale adoptée en 2011 stipule que « les pouvoirs publics apportent, par des moyens appropriés, leur appui au développement de la création culturelle et artistique », une création qui se doit dorénavant de refléter la diversité culturelle du Royaume et de représenter ses différents affluents: arabe, amazigh, africain, hassani, juif…

Ces avancées constitutionnelles, fruit de la volonté royale et du consensus populaire, ont fourni l’assise solide pour l’éclosion d’une dynamique de renouveau culturel dont les retombées vertueuses se font ressentir à l’échelle du pays, de la région, de la collectivité et de la communauté.

Loin de la perception classique qui tend à considérer la culture comme une « cerise sur le gâteau », cette dimension occupe aujourd’hui une place centrale dans les politiques publiques et dans les stratégies de développement ainsi que dans leurs déclinaisons territoriales, en tant que secteur qui rapporte en termes de création d’emplois et de richesses, mais aussi en termes d’attractivité des territoires, de cohésion et de paix sociale.

Sous l’impulsion du Souverain, des chantiers structurants ont été lancés durant les deux dernières décennies, offrant une cure de jouvence au paysage culturel (promotion de la culture amazighe, création de la Fondation nationale des musées, valorisation du patrimoine immatériel ainsi que la création de festivals de musique et de cinéma au rayonnement international…).

La culture comme locomotive du développement local :

En parallèle à cette dynamique nationale, un coup de fouet a été donné à la scène culturelle régionale, avec des infrastructures culturelles plus nombreuses et mieux réparties sur les régions (maisons de culture, théâtres de ville, conservatoires municipaux, bibliothèques et musées…) et une floraison de manifestations et d’événements annuels (festivals, moussems, salons et colloques…) qui valorisent le patrimoine de chaque région et boostent l’économie locale.

Cet agenda culturel régional, fortement concentré sur l’événementiel, reste à institutionnaliser et à pérenniser pour en optimiser l’impact sur la population et en faire un pilier d’un développement local durable.

Il s’agit, comme le préconise la Commission spéciale sur le nouveau modèle de développement (CSMD) dans son rapport présenté le 25 mai 2021 au Souverain, d’exploiter ce que la culture offre comme « gisement de croissance, d’investissement et d’emploi au plus proche des territoires et des besoins locaux ».

Pour y arriver, l’adhésion de tous les acteurs locaux est nécessaire (élus, société civile et opérateurs économiques…) dans le cadre d’une approche décentralisée qui dote les régions et les collectivités des ressources humaines, financières et logistiques nécessaires pour une bonne gouvernance de la chose culturelle locale.

En vue du « déploiement de lieux de vie culturels dans les territoires », la CSMD appelle à mettre en place des mesures ciblées aux niveaux régional et local, tels que des musées dédiés au patrimoine immatériel local, la numérisation de tous les contenus culturels immatériels, l’organisation d’événements réguliers autour de biens culturels et le renforcement des guides culturels régionaux, labellisés et formés.

Bien que primordiale, l’action de l’État, à elle seule, ne peut suppléer celle de la famille et de l’école qui sont des partenaires incontournables dans tout élan de développement culturel. Dans un avis publié en 2016 sur « L’économie de la culture », le CESE souligne justement l’importance de l’éducation à la culture et l’art, estimant que l’ambition du Maroc à fonder une «démocratie culturelle» commence par l’intégration des valeurs et des principes du projet culturel national au sein de la famille, l’école, la mosquée et l’espace public…

Pour sa part, la CSMD préconise d’ »introduire de manière plus importante des enseignements optionnels liés aux arts dans les cursus scolaires, et de développer des filières artistiques dès le secondaire qualifiant ».

La culture comme richesse économique nationale

 Révolue l’époque où la culture était perçue comme une charge pour le budget de l’État. Elle fait aujourd’hui l’objet d’une activité industrielle porteuse en termes de chiffres d’affaires, de création d’emploi voire même d’export.

Dans son rapport, la CSMD estime que « la culture au Maroc est amenée à devenir un levier multidimensionnel de prospérité économique ».

Beaucoup reste à faire pour en arriver là. Selon l’Enquête nationale sur la consommation et les dépenses des ménages 2013-2014 du HCP, le poste de dépense « Culture et loisirs » représente à peine une part de 1,9% du budget annuel des ménages marocains.

Cette sous-consommation de la culture serait le résultat logique de l’absence d’un marché national de la culture en bonne et due forme.

Pour faire du secteur culturel un moteur de croissance économique, les décideurs politiques et économiques sont appelés à jeter les fondements d’une industrie culturelle à part entière, qui couvre tous les domaines de la création et qui participe significativement au PIB national. Plusieurs préalables sont à réunir: une offre et une demande structurées, des chaînes de production et de commercialisation bien articulées, des métiers culturels professionnalisés, protection des droits d’auteur, développement d’une offre culturelle numérique nationale, amélioration des conditions de vie des artistes et créateurs…

Il est temps, aussi, que les « entreprises culturelles » débarquent dans notre pays, en tant que structures investies d’une mission de service public. Le CESE appelle dans son avis à « l’adoption de lois encourageant l’initiative entrepreneuriale dans les domaines de la culture et de la création (….) et la mise en place d’un système fiscal privé et motivant, en créant un climat d’affaires propice et favorable à l’investissement dans ce domaine ».

In fine, la réussite de ces chantiers de réforme reste tributaire d’une bonne gouvernance de la chose culturelle, idéalement dans le cadre d’une politique culturelle transversale mettant en synergie les différents intervenants : public/privé, centre/régions, acteurs gouvernementaux et ONG…

Car, la question culturelle n’est pas l’affaire d’un gouvernement ou d’un département ministériel. C’est l’affaire de tous les Marocains, jeunes et adultes, citadins et ruraux, arabes et amazighs, dont la contribution est essentielle pour penser et mettre en œuvre un projet culturel national qui favorise l’émancipation des individus et des territoires et dont l’usufruit profite à l’agglomération comme à la petite localité.

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