La grèce pleure Mikis Theodorakis, un créateur grec universel

Artiste, enseignant, intellectuel, le militant symbole de la résistance

Le grand compositeur grec, Mikis Theodorakis, est mort à l’âge de 96 ans à Athènes, a-t-on appris jeudi de source hospitalière.

Ancien résistant et opposant à la dictature des colonels, Mikis Theodorakis était devenu célèbre en composant la musique du film « Zorba le Grec » (1964), une rengaine reprise à travers le monde. Il souffrait de problèmes cardiaques ces dernières années et avait déjà été hospitalisé.

Né le 29 juillet 1925 à Chios, en Égée, dans une famille d’origine crétoise, Mikis Theodorakis est l’auteur d’une oeuvre gigantesque et le plus célèbre des compositeurs grecs. Il est devenu le symbole de la résistance en Grèce à travers les époques.

Engagé auprès des communistes au cours de la guerre civile qui éclate en Grèce à la suite du conflit mondial, il est déporté dans l’île-bagne de Macronissos, où il est torturé.
Dès le début de la dictature des Colonels, qui démarre le 21 avril 1967, Theodorakis est arrêté.
Pendant la crise financière qui frappe la Grèce, il manifeste contre les mesures d’austérité imposées par les créanciers du pays (BCE, UE, FM).

« Mikis Theodorakis passe maintenant dans l’éternité. Sa voix a été réduite au silence et avec lui tout l’hellénisme a été réduit au silence », a estimé jeudi le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis qui a décrété trois jours de deuil national à partir de jeudi.

« Mikis était notre histoire », a également ajouté le Premier ministre grec.
« Mikis a apporté de la lumière à nos âmes. Il a marqué avec son oeuvre la vie de ceux qui ont choisi la route de la démocratie et de la justice sociale », a partagé sur les réseaux sociaux le leader de l’opposition de gauche (Syriza) et ancien Premier ministre, Alexis Tsipras.

La ministre de la Culture grecque Lina Mendoni a réagi jeudi dans un communiqué: « Aujourd’hui nous avons perdu une partie de l’âme de la Grèce. Mikis Theodorakis, notre Mikis à tous, l’enseignant, l’intellectuel, le résistant, est parti. Celui qui a fait chanter des poètes à tous les Grecs ».

La présidente de la République Eikaterini Sakellaropoulou a salué « un créateur grec et en même temps universel, un atout inestimable de notre culture musicale (…) qui a dédié sa vie à la musique, aux arts, à notre pays et à ses habitants, aux idées de liberté, de justice, d’égalité, de solidarité sociale ».

« Avec une profonde émotion et des applaudissements incessants, nous disons au revoir à Mikis Theodorakis, activiste-créateur, leader et pionnier d’un nouvel art combatif en musique », a déclaré jeudi le parti communiste grec.

« Zorba le Grec », quelques notes devenues un hymne

Le thème principal de la bande originale du film « Zorba le Grec » (1964), composée par Mikis Theodorakis, est devenu l’air de musique grecque le plus connu au monde, symbolisant ce pays jusqu’au cliché tout en contribuant à populariser sa musique à l’étranger.

Encore souvent joué dans les boîtes à touristes, ce morceau accompagne dans le film de Michael Cacoyannis un « sirtaki », danse inventée pour l’occasion, en fait une forme simplifiée de la combinaison de deux styles: le « hassapiko » et le « zeïbekiko ».

« Cacoyannis est venu un jour me dire : demain, nous tournerons la scène finale. Pour elle, j’ai besoin d’une danse lente, d’un hassapiko, qui deviendra de plus en plus rapide. Nous tournerons la scène en playback », racontait à propos de ce titre Mikis Theodorakis sur un site internet qui lui est consacré.

« Je vais avec trois musiciens dans le studio et reprends une mélodie d’un autre film: +Faubourg des rêves+, une danse crétoise qu’Anthony Quinn (interprète de Zorba, NDLR) aimait beaucoup, et j’en ai fait une improvisation, toujours avec l’idée d’écrire plus tard une composition spécifique pour la scène. Mais quand nous voyons le résultat, la danse sur cet air est tellement irrésistible que nous n’y changeons plus rien », poursuivait-il.

Ce thème connaîtra un succès phénoménal et contribuera à populariser le bouzouki à travers le monde, ouvrant la voie à un intérêt croissant pour la musique grecque et notamment le « rebetiko », musique lente et triste.

Et comme un autre titre emblématique, « Les enfants du Pirée » de Manos Hadjidakis pour le film « Jamais le dimanche » (1960), il accompagnera aussi l’essor touristique de la Grèce dans ces années d’ouverture du pays, qui connaîtra un brutal coup d’arrêt avec la dictature des Colonels (1967-1974).

BIO-EXPRESS

Mikis Theodorakis en quelques dates

En quelques dates, la vie du compositeur grec Mikis Theodorakis, décédé à 96 ans, symbole de la résistance à la dictature et auteur de la musique de Zorba le Grec.
– 29 juillet 1925: naissance sur l’île égéenne de Chios.
– 1942-1943: rejoint la résistance contre les nazis, est arrêté et torturé.
– 1947-49: militant communiste pendant la guerre civile, il est déporté et torturé.
– 1950: diplômé du Conservatoire d’Athènes.
– 1953: mariage avec Myrto Altinoglou, médecin.
– 1954: obtient une bourse pour étudier à Paris.
– 1960: inaugure avec Epiphanie, sur un texte du prix Nobel Georges Seferis, la mise en musique de grands poèmes.
– 1964: député d’Eda, parti de gauche, compose la musique du film « Zorba le Grec ».
– 1967: arrêté peu après le coup d’État des Colonels, sa musique est interdite.
– 1969: compose la musique du film « Z » de Costa Gavras.
– 1970: relâché sous pression internationale, il s’exile à Paris.
– 1974: retour en Grèce au rétablissement de la démocratie.
– 1981-1986: député du parti communiste (KKE).
– 1990-1992: ministre sans portefeuille dans le gouvernement conservateur de Constantin Mitsotakis.
– 2012: essuie des gaz lacrymogènes lors d’une violente manifestation à Athènes contre l’austérité.
– 2 septembre 2021: meurt à Athènes.

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