Carola Ramon, vice-secrétaire d’Etat au ministère de l’économie d’Argentine
Carola Ramon, vice-secrétaire d’Etat au ministère de l’économie d’Argentine, estime que la prochaine session de Medays (Tanger, 2-5 novembre) offre une opportunité pour débattre des crises qui secouent le monde et un espace d’échanges entre experts sur les perspectives de sortie de ces crises.
Carola Ramon, qui a occupé également le poste de secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, porte un regard critique, mais lucide sur ces crises, tout en se disant optimiste sur l’avenir.
Voici ses réponses aux questions de la chaine d’information marocaine M24 avant sa participation au forum de Tanger à partir du 2 novembre prochain :
Vous vous apprêtez à participer à l’édition 2022 de Medays à Tanger. Dans quelle mesure la thématique choisie par les organisateurs (De crise en crise : vers un nouvel ordre mondial ?) est-elle pertinente à votre avis dans le contexte actuel ?
Je pense que la thématique choisie est excellente. J’ai déjà participé à l’édition 2019, et je peux dire que la qualité des panels est toujours excellente et les sujets abordés sont pertinents. J’ai vraiment hâte de participer à nouveau cette année. Le thème choisi ne pouvait pas être meilleur, parce qu’après la crise de COVID-19, nous pensions qu’il allait y avoir plus de coopération et davantage du multilatéralisme, mais nous nous sommes retrouvés immergés dans une nouvelle crise, celle de la guerre en Ukraine et ses conséquences sur les approvisionnements alimentaire et énergétique, donc le sujet ne pouvait pas être mieux choisi pour lancer les débats entre experts.
Pensez-vous que les débats de haut niveau dans le cadre de ce forum aident les gouvernements et les décideurs à une meilleure compréhension du contexte mondial ?
Je viens d’un Think tank qui est le Conseil argentin pour les relations internationales (CARI) et je travaille aussi pour le gouvernement. Je pense que le rôle des Think tank est essentiel, non pas parce qu’ils aident à penser d’une manière moins biaisée et plus objective, mais parce qu’ils ne sont pas dans la gestion au jour le jour.
Ils abordent les problèmes à moyen et long terme auxquels, bien souvent, ceux d’entre nous qui font partie du gouvernement, n’ont pas le temps d’y réfléchir ou d’examiner.
Et en ce sens, l’interaction au sein des think tank aussi bien dans les espaces académiques que dans les secteurs public ou privé est très importante, car elle permet vraiment aux gouvernements de s’offrir des options et des recommandations de politiques publiques.
Quels sont les panels auxquels vous allez participer à Tanger ?
Je vais prendre part à 3 panels : le premier sur le multilatéralisme, un deuxième qui va aborder la pandémie de COVID et comment se prépare pour une éventuelle pandémie future et le dernier sur la crise énergétique. Donc je pense que mes 3 panels vont résumer un peu le thème général du forum.
Après la crise de COVID-19, nous avons pensé que Le Monde allait s’unir et qu’une coopération plus forte allait émerger.
Mais nous avons constaté qu’après la mise au point du vaccin en un temps record, sa distribution n’a pas suivi. Les régions les plus pauvres n’avaient pas un accès équitable aux vaccins. Dans certains pays, on appliquait la quatrième dose et dans d’autres, les gens n’étaient pas encore vaccinés. C’était un premier impact inéquitable de COVID qui nous a montrés que le Monde n’était pas aussi coopératif que nous le pensions.
D’autre part, nous avons constaté un fort impact sur l’économie, les chaînes de valeur, le commerce, etc… Encore une fois, les pays qui ont moins de ressources ont été durement touchés, comme dans le cas de l’Argentine et de l’Amérique latine ou d’autres pays en développement.
Ensuite est venue la guerre en Ukraine avec toutes ces turbulences sur les marchés en termes d’approvisionnement en nourriture et en énergie. A l’approche de l’hiver européen, la question énergétique va encore être beaucoup plus pressante.
Donc on a eu une pandémie, puis une guerre qui font trébucher tout le système multilatéral. Mais ce sont toujours les plus faibles qui ont du mal à retrouver le chemin de la croissance.
Êtes-vous optimiste au sujet du rôle de la coopération interrégionale trouver des solutions aux grandes problématiques tels que l’environnement, de la technologie ou l’éducation ?
Oui je suis optimiste, je pense que cette succession de crises, comme le suggère le thème du forum de Medays cette année, nous donne l’occasion de réfléchir dans quel type de société nous voulons vivre. Je crois que l’Amérique latine a fait des efforts ces dernières années, même s’ils étaient des efforts partiels. Je crois que ces crises de la pandémie, de la guerre et de l’instabilité mondiale en général, vont nous pousser à renforcer la coopération interrégionale. Je suis optimiste à ce sujet.
En parlant de cette coopération inter-régionale, le Maroc est membre observateur de plusieurs groupements régionaux en Amérique Latine (Sica, foprel, Alliance du Pacifique etc). Que pensez-vous cette présence marocaine au sein de ces instances latino-américaines ?
Pour nous, le Maroc c’est un acteur incontournable. Tant sur le plan géographique que dans le domaine culturel, le Maroc est situé dans une zone privilégiée où il joue un pont naturel entre différents continents et différentes civilisations. Donc je pense que la perspective marocaine peut beaucoup contribuer à notre vision du monde. En fait, quand je suis allée à Tanger en 2019, l’expérience a été extraordinaire. J’ai découvert un regard différent de ce que j’ai l’habitude d’entendre dans la communauté académique en Argentine et je pense que ces débats complètent notre vision du monde.
Nous sommes très habitués de ce côté-ci à une vision plus européenne, plus américaine et il me semble important d’avoir une perspective, parce que nous avons des problèmes communs et beaucoup de choses à apprendre les uns des autres.