Lahcen Zinoun, le père de la chorégraphie au Maroc, tire sa révérence…

Décédé dans une clinique de Casablanca à l’âge de 80 ans

Mohamed Nait Youssef

Une autre étoile filante s’est éteinte. Le paysage artistique national a perdu l’une de ses grandes figures emblématiques, feu Lahcen Zinoun. Il est inutile de le présenter en deux mots. Danseur étoile, chorégraphe, cinéaste, metteur en scène, peintre, sculpteur, l’artiste aux multiples facettes a passé l’arme à gauche, mardi 16 janvier, dans une clinique de Casablanca. Il avait 80 ans. En effet, l’homme qui voulait faire danser les marocains a suivi  son rêve jusqu’au bout, jusqu’au dernier souffle. Il avait un souci : développer la danse au Maroc.

De Hay Mohammadi au Ballet royal de Wallonie…

Feu Lahcen Zinoun, ayant fait ses premiers pas au Conservatoire de Casablanca, en 1958, a brillé sous d’autres cieux. Le fils de Hay Mohammadi qui a été d’ailleurs le premier Marocain ayant étudié la danse professionnelle est devenu  danseur étoile dans le Ballet royal de Wallonie, en 1970.

Il a en outre partagé la scène avec les grandes signatures de la de la chorégraphie telles que  Peter Van Dijk, Janine Charrat, George Skibine, André Leclair, Jeanne Brabants, Jorge Lefebre…

«Je suis très bouleversé  par la mort de ce grand créateur qui est l’un des pionniers de l’art chorégraphique au Maroc. C’est un artiste de renommée internationale ayant pratiqué la danse dans un contexte difficile. C’est aussi un grand cinéaste qui a une longue histoire. Sa perte a laissé un grand vide dans le paysage artistique national.», nous confie Masoud Bouhcine, président du syndicat marocain des professionnels des arts dramatiques.

Des choix et des combats…

La danse était son premier amour. Malgré les difficultés surmontées tout au long de son parcours artistique, feu Lahcen Zinoun n’a pas baissé les bras. Il a continué son chemin ; Ô combien difficile! Sa passion l’a toujours guidée. Ainsi, avec son épouse Michelle Barette, le défunt a lancé, à Casablanca, sa ville natale l’école de danse «Le Ballet-Théâtre Zinoun», en 1978. Retour au berceau.

«C’est un grand  Artiste. C’est une figure nationale et une personne humble et généreuse.  Père de la danse au Maroc, Lahcen Zinoun a été le premier danseur chorégraphique marocain professionnel. Le Maroc a perdu un symbole de la chorégraphie et de la danse.», témoigne Faiza Talbaoui, chorégraphe marocaine.

C’est grâce à lui que le Maroc a connu la danse et le ballet, a-t-elle révélé. « Il a créé, avec son épouse Michelle Barette, une école de danse professionnelle à Casablanca. Sa famille est une famille d’artistes ; sa femme et ses enfants Jaïs et Chams-Eddine.», a révélé Faiza Talbaoui, très affectée par le départ de feu Lahcen Zinoun.

Un cinéaste de l’engagement…

Feu Lahcen Zinoun, ayant travaillé en tant que chorégraphe dans nombreuses productions cinématographiques, a signé des œuvres pour le 7ème art, les courts métrages “Flagrant délire” (1991) “Silence” (2001) “Piano” (2002)  “Faux pas”( 2003),ou encore les longs-métrages «Oud Al’ward ou la Beauté éparpillée» ( 2007) et  «Femme écrite » (2011).

«Au-delà du fait que j’ai perdu un ami cher et même au-delà que c’est un grand chorégraphe, un côté de son œuvre que je ne connais pas très bien, mais pour moi c’est un cinéaste important, sensible, engagé pour la question de la liberté et contre la censure de toutes sortes qu’on a perdu.», a affirmé Said El Mazouari, critique de cinéma, dans une déclaration à Al Bayane.

 Son premier long-métrage «Oud Al’ward», dit-il, il est magnifique  de sensibilité, engagé pour la question de la femme. «C’est quelque chose qu’on retrouve aussi dans son deuxième long-métrage «femme écrite» dont le scénario a été écrit par le défunt Mohamed Soukri. Pour Said El Mazouari,  feu Lahcen Zinoun est un cinéaste de l’engagement jusqu’au bout et qui était là pour tous les combats contre la censure en faveur de la femme et de la Liberté.

«C’est aussi un grand conteur. Moi, j’ai découvert cet aspect là de sa personnalité en assistant à la rencontre pour la présentation de ses mémoires “Le rêve interdit”, c’était une façon de tirer l’attention de son public avec les petits détails de cette histoire qu’il a eu tout au long de sa vie ; envie de réaliser son rêve de devenir artiste dans une société aussi conservatrice pour ne pas dire castratrice comme la nôtre. Tous les obstacles qu’il a rencontrés dans sa longue vie, il a toujours triomphé pour faire connaître ses créations de toutes sortes.», a-t-il fait savoir.

Quand la peinture panse les douleurs …

Dans les moments les plus sombres de sa vie, la peinture était une vraie issue et échappatoire pour feu Lahcen Zinoun. Ses combats sont multiples pour la liberté du corps, de la création et de l’expression par le truchement de l’art, de la danse et de la beauté dans toute sa splendeur, mais l’artiste sensible était toujours debout malgré les vents et les marées de la vie et de la société. Ainsi, l’acte de peindre, d’écrire et de créer était libérateur. Un refuge.

« Le rêve interdit”…

Paru en 2021 chez la maison d’édition belgo-marocaine “Maha Éditions”, feu Lahcen Zinoun raconte sa vie et son parcours dans “Le rêve interdit”. Dans cette autobiographie née d’une douleur, d’une frustration, le défunt plonge le lecteur dans son univers, ses mémoires et son vécu d’homme et d’artiste. «J’ai écrit ce livre pour raconter mon parcours. C’est un parcours assez complexe, assez compliqué. C’est un vrai chemin de croix.», a-t-il révélé.

Légende  Ventre2 : Michèle et Lahcen Zinoun dans Variations symphoniques de César Franck 1981.

Anecdote; Pour donner une représentation au Théâtre MV à Rabat la RTM avait refusé la publication de cette affiche pour d’atteinte à la pudeur.

Légende ventre3 : Michèle Barette Zinoun, au centre Señiora Ramona de Saa, directrice de la grande et fabuleuse école National de ballet de la Havane, et Feu Lahcen Zinoun.

Légende Ventre 1 : Zinoun dans variations symphoniques 1968

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