Le premier secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), Driss Lachgar a estimé que l’adoption du temps du gouvernement de l’Alternance, dirigé par Abderrahman Youssoufi, ancien PS de l’USFP, du mode de scrutin de liste a porté un coup fatal à toute la gauche marocaine et aux forces progressistes du pays, appelant ces forces à œuvrer de concert pour le retour à l’ancien mode de scrutin uninominal et à la réduction du nombre des bureaux de vote, en prévision des élections législatives du 7 octobre prochain.
Lachgar, qui réagissant aux interrogations «provocatrices» de Mohamed Chiguer, président du Centre d’études et de recherches Aziz Belal, lors d’une rencontre organisée, jeudi soir à Rabat, par le CERAB dans le cadre d’un cycle de débats périodiques avec les secrétaires généraux des partis politiques marocains, a estimé que rien ne garantit pour le moment le déroulement régulier des élections législatives du 7 octobre prochain, appelant à l’abandon du scrutin de liste qui favorise plutôt les tenants de Tahakkoum en coupant les cordons qui lient les candidats des partis politiques progressistes à leur environnement très proche de leurs électeurs. A trois mois du 7 Octobre, rien n’est encore clair en ce qui concerne le découpage électoral, les listes électorales et d’autres textes nécessaires à l’encadrement de l’opération, a-t-il affirmé, rappelant que le Conseil national des droits de l’homme avait recommandé au gouvernement de terminer cet arsenal juridique à six mois au plus tard du jour du scrutin.
«J’appelle les forces socialistes et progressistes à travailler de concert pour le retour au mode de scrutin uninominal en remplacement du scrutin de liste, qui favorise Tahakkoum», phénomène ayant vu le jour depuis le début du lancement du processus d’édification des institutions au milieu des années 70 avec la charte communale de 1976, dans le but de maîtriser les équilibres au sein de la société et d’éviter les explosions et les chocs, a-t-il expliqué. Tahakkoum avait succédé à la période des injustices, de la répression et des abus que subissaient les forces progressistes dans le pays, a-t-il dit.
«Pour ce qui me concerne, je vais plaider pour l’adoption d’une telle proposition concernant le scrutin uninominal par les instances de mon parti», a-t-il fait savoir.
En acceptant de participer au gouvernement de l’alternance de 1998, la gauche marocaine avait convenu de porter l’habit de la crise pour éviter au pays une crise cardiaque. Et pourtant c’est cette même gauche qui avait mis le doigt sur les dangers qu’encourait le pays du fait de la crise de gestion de ses affaires, a-t-il ajouté.
En acceptant de prendre la responsabilité de gérer les affaires, la gauche avait certes fait preuve de pragmatisme en composant avec le pouvoir, mais elle avait créé en même temps un vide au sein de la société qu’elle a privée de sa force de revendication, en se diluant au terme de cette expérience dans le pouvoir, a-t-il poursuivi.
Il a toutefois convenu que la réunification de la gauche marocaine est toujours possible, à condition que cela ait un impact positif sur la situation des larges couches pauvres et démunies de la population, a-t-il dit, notant au passage qu’il est également possible de ressusciter la Koutla « véritablement démocratique », étant donné que les conditions de création d’une Koutla nationale ou d’une Koutla historique n’existent plus.
L’on a besoin d’une Koutla démocratique capable d’œuvrer pour la promotion des libertés, des droits de l’homme et une interprétation démocratique de la Constitution de 2011 et du message du discours royal du 9 Mars 2011, qui marquent tous les deux une rupture entre deux époques différentes, le passé et le présent, a-t-il expliqué, accusant le chef du gouvernement de ne pas exercer l’ensemble de ses attributions et prérogatives, qui lui sont reconnues par la Constitution. Aux termes de celle-ci, le chef du gouvernement détient en effet à lui seul le pouvoir réglementaire et le pouvoir exécutif, a-t-il dit. Il n’y a pas de raison de parler de questions hautement stratégiques, à chaque fois que l’on ne veut pas assumer pleinement ses responsabilités constitutionnelles, a-t-il dit.
Sur un autre plan plutôt théorique, le premier secrétaire de l’USFP a estimé que la chute du mur de Berlin a poussé les partis socialistes à faire preuve de pragmatisme en composant avec les pouvoirs en place, ce qui avait faire dire à l’ancien premier ministre britannique Tony Blair qu’ « il n’y a pas de politique économique de droite ou de gauche, il y a des politiques économiques qui marchent et d’autres qui ne marchent pas», ouvrant ainsi une troisième voie de la social-démocratie.
En l’état actuel des choses, il est utopique de vouloir continuer de s’attacher aux mêmes principes du socialisme scientifique, a-t-il estimé, rappelant que son parti a opté lors de son dernier congrès national pour un socialisme démocratique.
Les propos du premier secrétaire de l’USFP ont suscité un riche débat au sein de l’assistance.
M’Barek Tafsi