Attendons pour voir…
Les chefs d’Etats de douze pays sud-américains se sont retrouvés, ce mardi, à Brasilia, pour une réunion informelle tenue à l’initiative du président brésilien Inacio Lula da Silva. Or, bien que cette rencontre ait pour objectif de montrer que ces pays sont solidaires en dépit de l’instabilité politique et économique qui frappe plusieurs d’entre eux et, comme l’a souligné Alberto Pfeifer, le coordinateur du groupe d’analyse de stratégie internationale de l’Université de São Paulo (USP), que « l’intégration sud-américaine est essentielle », elle ne devrait pas, pour autant, « être guidée par des facteurs idéologiques » car nombreux sont les analystes qui redoutent que la région, que Washington a toujours considéré comme étant son arrière-cour, ne finisse par tomber sous l’influence de Pékin ; ce que la Maison Blanche n’acceptera jamais…
Dans le discours qu’il a fait, avant le lancement des travaux à huis-clos, le président Lula a évoqué l’« urgence » à renouer le dialogue dans la région pour pouvoir mettre en place des «mesures concrètes pour le développement durable, la paix et le bien-être » des populations.
Il déclarera, par la suite : « Nous avons laissé les idéologies nous diviser et interrompre les efforts d’intégration (régionale). Nous avons abandonné le dialogue et les mécanismes de coopération, et nous en sommes tous sortis perdants (…) Si ne nous sommes pas unis, nous ne pourrons pas faire en sorte que le développement de l’Amérique du Sud soit à hauteur de son potentiel »,
Mais c’est, surtout, le chaleureux accueil réservé par Lula à Nicolas Maduro, le président du Venezuela, qu’une bonne partie de la presse brésilienne traite de dictateur, qui a attiré l’attention des observateurs dans la mesure où il n’avait jamais pu fouler le territoire brésilien durant toute la présidence de Jair Bolsonaro car il avait été déclaré personae non grata après avoir été accusé d’avoir éliminé des dizaines d’opposants pour pouvoir se maintenir au pouvoir.
Or, en qualifiant de « moment historique » sa rencontre avec le successeur d’Hugo Chavez avec lequel il entretenait des liens étroits quand il présidait, pour la première fois, aux destinées du Brésil de 2003 à 2010, et en considérant qu’un « blocus est pire qu’une guerre », le président Lula, dont le pays partage plus de 2000 kilomètres de frontières terrestre avec le Venezuela, en a profité pour dénoncer « les préjugés et les sanctions de la communauté internationale envers le régime de Caracas ».
Mais si, dans sa réponse au président Lula, Nicolas Maduro a salué « le début d’une ère nouvelle dans les relations entre les deux pays et les deux peuples », le président brésilien est allé jusqu’à défendre l’admission du Venezuela au sein du BRICS qui regroupe la Chine, le Brésil, l’Inde, la Russie et l’Afrique du Sud, et même à suggérer que son homologue vénézuélien puisse régler ses échanges commerciaux en yuan puisqu’il « n’a pas de dollars pour payer ses exportations ».
Non content d’avoir « poussé le bouchon aussi loin », le président Lula a signalé à l’assistance qu’il « rêve d’une monnaie qui permette d’échanger sans avoir besoin de dollars » et du fait que « les BRICS puissent avoir une telle devise ».
Or, pour Alberto Pfeifer, ceci ferait courir le risque à l’Union des nations du Sud (Una Sur), déjà mal en point, de se transformer en une « Una China » par le biais d’une « intégration forgée par la Chine ».
Mais, en considérant qu’une telle déclaration est bien malvenue, le politologue Sergio Abranches a estimé que le président Lula a fait une « énorme erreur » aussi bien sur le plan des « relations extérieures » qu’en matière de « politique intérieure » car bien qu’il soit « nécessaire » de « rétablir les relations avec le Venezuela », il n’est pas judicieux de soutenir un « régime dictatorial » et encore moins d’affirmer que « le Venezuela est une démocratie ».
En abondant dans le même sens, une grande partie de la presse brésilienne – même celle réputée farouchement anti-bolsonariste – a violemment critiqué la « réhabilitation » du président Nicolas Maduro.
Le Président Lula serait-il en train de tirer le diable par la queue ?
Tout le laisse entendre mais attendons pour voir…