«Nous pouvons annoncer, maintenant et de manière tout à fait certaine, que nous avons gagné la présidence de la République du Salvador» a déclaré, ce dimanche 3 février, à l’issue du premier tour des élections présidentielles et devant ses partisans réunis, pour la circonstance, dans un grand hôtel de la capitale, le candidat anti-système, Nayib Bukele.
Quelques instants plus tard, Julio Olivo, le président du Tribunal Suprême électoral déclarera, de son côté, que bien qu’étant encore partiels, les résultats obtenus dégageaient une tendance «irréversible» en faveur de l’ancien maire de San Salvador qui avait déjà recueilli 54% des suffrages; ce qui est largement suffisant pour que celui qui avait déclaré que, dans le pays, «il y a assez d’argent pour tous les salvadoriens quand personne ne vole», remporte cette élection dès le premier tour et mette, ainsi, un terme au bipartisme droite-gauche qui sévissait au Salvador depuis la fin de la guerre civile en 1992.
Devenu «l’enfant terrible de la politique salvadorienne», Nayib Bukele, 37 ans, fils d’un notable de la communauté arabe d’origine palestinienne, qui s’est lancé dans la course à la présidence de la république sous la bannière de la Grande Alliance pour l’Unité Nationale (GANA, conservateur), a promis de lutter contre la corruption qui gangrène un pays où 30,3% des 6,6 millions de salvadoriens vivent en dessous du seuil de pauvreté et sont poussés sur le chemin de l’exil vers les Etats-Unis. Sa victoire a immédiatement été reconnue par ses deux principaux rivaux ; à savoir, Hugo Martinez le candidat du Front Farabundo Marti de Libération Nationale (FMLN), le parti de gauche au pouvoir, et Carlos Calleja, le représentant de l’Alliance Républicaine Nationaliste (ARENA, droite conservatrice).
En 2012, le jeune Nayib Bukele avait été élu, sous les couleurs du FMLN, à la mairie de Nuevo Cuscatlan, dans la banlieue de San Salvador avant de devenir maire de la capitale de 2015 à 2018. Mais, faisant trop d’ombre à la vieille garde du Front, le jeune trublion sera exclu du parti en 2017 après une altercation avec une conseillère municipale.
Cette éviction le poussera à intégrer une alliance de plusieurs petits partis qui n’avaient que 11 sièges dans l’assemblée sortante. Il se présentera, alors, à l’élection présidentielle sous la bannière du GANA et dépassera, très rapidement dans tous les sondages, le candidat de la droite conservatrice.
Barbe ciselée à la «hipster», portant pantalon jeans, veste de cuir, casquette de base-ball et pratiquant le paint-ball et les sports extrêmes, Nayib Bukele, que l’on surnomme «l’hirondelle» du fait de l’emblème de son parti, et dont le style décontracté a «ringardisé» ses adversaires, est bien un jeune homme de son temps qui a donné un sérieux coup de pied dans la fourmilière des codes traditionnels et qui a profité du rejet des partis «classiques» par une population en proie à une criminalité qui bat tous les records.
Ayant grandi au sein d’une famille aisée mais qui avait, tout de même, soutenu la guérilla marxiste pendant la guerre civile qui, de 1979 à 1992, avait opposé le Front Farabundo Marti de Libération Nationale (FMLN) au gouvernement salvadorien, le jeune homme n’épargne aucun camp dans ses critiques – notamment sur les réseaux sociaux dont il fait un grand usage – et pour lui «un dictateur est un dictateur qu’il soit de droite ou de gauche».
Enfin, pour pouvoir mettre en œuvre son programme, le jeune président n’aura pas d’autre choix que celui de s’allier à la droite conservatrice d’ARENA, majoritaire au Parlement. Parviendra-t-il, cependant, à endiguer la misère qui jette, chaque année, des milliers de salvadoriens sur les routes de l’exil et à éradiquer la violence perpétrée par des gangs criminels aguerris ayant coutume de «faire la loi»? Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi