Les cancers mieux soignés chez les enfants, mais au prix des séquelles

Cause majeure de décès par maladie chez l’enfant, les cancers pédiatriques sont mieux soignés aujourd’hui mais la majorité des survivants ont à l’âge adulte de lourdes séquelles liées aux traitements de leur maladie.
Chaque année en Europe, 35.000 jeunes dont 15.000 enfants de 0 à 15 ans ont un diagnostic de cancer, explique Gilles Vassal, Directeur de la recherche clinique à l’hôpital Gustave Roussy, à deux jours de la journée mondiale contre le cancer.
Les cancers chez l’enfant sont très différents de ceux de l’adulte: il n’y a pas de cancer du sein, du poumon, de la prostate ou du colon.
On en dénombre une soixantaine survenant entre la naissance et 18 ans dont les plus fréquents sont les leucémies et les tumeurs cérébrales.
«Grâce aux progrès thérapeutiques faits par la recherche, ces patients (…) ont une probabilité de survie sans maladie à cinq ans de 80%», se félicite M. Vassal alors qu’il y a 50 ans, leurs chances de survie étaient inférieures à 30%.
«Les taux de survie ont été formidablement augmentés ces dernières décennies mais à quel prix?», interroge Natalie Hoog-Labouret, responsable de Recherche en pédiatrie à l’INCa (Institut national du cancer). «Tout l’enjeu est d’améliorer la qualité de vie des survivants», poursuit-elle.
Car les deux tiers d’entre eux ont à long terme de multiples complications ou des séquelles liées à leur traitement ou à leur maladie: complications cardiaques, neuropsychologiques, thyroïdiennes, problème de croissance, de fertilité mais aussi des problèmes psychologiques et somatiques.
La chimiothérapie a des effets redoutables «pas seulement chez les cellules malades», résume M. Vassal.
Par ailleurs, si des facteurs favorisant le développement de certains cancers chez l’adulte ont été identifiés comme l’alcool, le tabac ou encore des produits chimiques perturbateurs endocriniens, les médecins sont encore incapables de dire pourquoi des enfants développent des cancers.
«Nous n’avons pas de réponses à cette question», dans une très grande majorité des cas, reconnaît Mme Hoog-Labouret. Seule une petite proportion de cancers survient en raison de prédispositions génétiques.
«Aucune méthode de dépistage et encore moins de prévention n’existe aujourd’hui pour les enfants, car ce sont des maladies qui se développent très rapidement» parfois en deux semaines comme dans le cas de certaines leucémies, ajoute M. Vassal.
Globalement, le nombre de nouveaux cas est stable. Et, l’environnement, pointé du doigt pour certains cancers chez l’adulte, n’est pour l’heure pas incriminé dans les cancers de l’enfant.
Les études menées pour comparer la fréquence des cancers chez l’enfant avec l’exposition à des facteurs de risques en période prénatale ou pendant l’enfance (pesticides, polluants liés au trafic, tabagisme passif, etc.) n’ont pas donné de résultat probant.
Plus que l’environnement, ce sont les cancers résistants au traitement qui préoccupent les médecins et chercheurs car 20% des jeunes patients ne survivent pas à la maladie.
En France, le cancer est la seconde cause de décès après les accidents chez les enfants de 1 à 14 ans, selon l’Institut national du cancer (INCa), avec plus de 200 décès répertoriés en 2012.
Au niveau européen, quelque 6.000 jeunes meurent du cancer chaque année, selon M. Vassal qui estime qu’il faut «améliorer le taux de guérison».
Et s’il observe le «formidable essor dans les innovations thérapeutiques chez l’adulte», il déplore le «retard de développement de ces innovations pour l’enfant».
«Les industriels ont longtemps considéré qu’il n’y avait pas de marché», résume Mme Hoog-Labouret.
«En Europe, moins de 10% des enfants qui ont un cancer incurable se voient proposer un nouveau médicament dans le cadre d’un essai thérapeutique. Il faut accélérer le développement de nouveaux médicaments pour l’enfant», estime M. Vassal.
Selon lui, les progrès considérables dans la compréhension des altérations génétiques caractérisant les tumeurs de l’enfant ouvrent la voie à des nouveaux traitements ciblant les gènes responsables.
«J’ai bon espoir qu’à l’avenir, on puisse proposer des thérapies de plus en plus innovantes pour les enfants», renchérit aussi Natalie Hoog-Labouret.
L’INCa a ainsi initié un nouveau type d’essai clinique dans le cadre du programme AcSé (Accès sécurisé aux molécules innovantes) pour permettre à tous les jeunes patients ayant une anomalie génétique de pouvoir accéder à un médicament en dehors de son autorisation de mise sur le marché initiale.

Delphine Touitou

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