Les prohibitions des discriminations antisyndicales

Droit international du travail

Par Ahmed Bouharrou

La discrimination est le traitement différencié de personnes ou de groupes se trouvant dans une situation comparable. «La non-discrimination est son corollaire qu’est l’égalité, a une place particulière dans les dispositifs des droits humains, étant donné que tous les droits humains (civils, politiques, sociaux et culturels) doivent être mis en œuvre pour tout un chacun, sans discrimination et en toute égalité».

La non-discrimination et l’égalité sont les fondamentaux des droits humains et sont nécessaires pour une jouissance effective des autres droits. Le Pacte International sur les droits économiques sociaux et culturels dispose dans l’article 2-2 que «les Etats parties au présent Pacte s’engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la naissance ou toute autre situation». Ledit Pacte ne définit pas la discrimination.

Le Comité des droits économiques sociaux et culturels en donne la définition suivante. Est «’discrimination’ toute distinction, exclusion, restriction ou préférence ou tout autre traitement différencié reposant directement ou indirectement sur les motifs de discrimination interdits, et ayant pour but ou pour effet d’annuler ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur un pied d’égalité, des droits énoncés dans le Pacte. La discrimination comprend également l’incitation à la discrimination et le harcèlement.»

Le droit international du travail interdit les discriminations dans l’emploi et la profession pour plusieurs raisons dont les raisons syndicales.

La convention internationale du travail n° 111 sur la discrimination dans l’emploi et la profession.

Cet instrument définit dans son article1-1 la discrimination en tant que «toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession». La raison syndicale n’est pas évoquée en tant que cause de discrimination. Toutefois, cet article 1-2 ajoute «toute autre distinction, exclusion ou préférence ayant pour effet de détruire ou d’altérer l’égalité de chances ou de traitement en matière d’emploi ou de profession, qui pourra être spécifiée par le Membre intéressé après consultation des organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs, s’il en existe, et d’autres organismes appropriés». Les termes «toute autre distinction» peuvent comprendre autres causes pouvant fonder les actes discriminatoires.

La convention précise que «les distinctions, exclusions ou préférences fondées sur les qualifications exigées pour un emploi déterminé ne sont pas considérées comme des discriminations». Le champ de la discrimination couvre l’emploi et la profession qui englobent «l’accès à la formation professionnelle, l’accès à l’emploi et aux différentes professions, ainsi que les conditions d’emploi».

La convention n° 100 exclut de la notion de discrimination par l’article 4 «toutes mesures affectant une personne qui fait individuellement l’objet d’une suspicion légitime de se livrer à une activité préjudiciable à la sécurité de l’Etat ou dont il est établi qu’elle se livre en fait à cette activité, pour autant que ladite personne ait le droit de recourir à une instance compétente établie suivant la pratique nationale». Il prévoit aussi la possibilité pour les Etats de «définir comme non discriminatoires toutes autres mesures spéciales destinées à tenir compte des besoins particuliers de personnes à l’égard desquelles une protection ou une assistance spéciale est, d’une façon générale, reconnue nécessaire pour des raisons telles que le sexe, l’âge, l’invalidité, les charges de famille ou le niveau social ou culturel».

Par ailleurs, l’article 5 de la même convention dispose que «Les mesures spéciales de protection ou d’assistance prévues dans d’autres conventions ou recommandations adoptées par la Conférence internationale du Travail ne sont pas considérées comme des discriminations».

Les conventions internationales du travail prohibent les discriminations pour des raisons syndicales, déterminent certaines formes qui peuvent constituer des discriminations syndicales.

Des mécanismes de contestations sont mis en place dans le cadre du droit constitutionnel de l’OIT et dans sa figuration institutionnelle.

Les raisons syndicales

La liberté syndicale est reconnue dans le préambule de la Constitution de l’OIT, est réaffirmée dans la Déclaration de Philadelphie en 1944 et intégrée dans la Déclaration sur les principes et les droits fondamentaux au travail et son suivi adoptée par la conférence   internationale du Travail en 1998 en tant que droit fondamental.

Des conventions internationales du travail du travail traitent les questions des libertés syndicales sous différents angles et se complètent entre elles pour former le droit syndical de l’OIT[1]. Elles prônent la liberté syndicale (constituer un syndicat, y adhérer et s’en retirer), la protection de l’exercice de cette liberté. La Déclaration sur les principes et les droits fondamentaux au travail et son suivi adoptée par la conférence internationale du Travail en 1998 a hissé la liberté syndical au rang de droit fondamental.

La convention internationale du travail n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical établit une série d’obligations que les Etats membres doivent respecter pour garantir la jouissance de la liberté syndicale par la liberté de création des syndicats. Les apports de cet instrument se limitent à la création, à l’organisation et au fonctionnement des syndicats.

Pour atteindre cet objectif, elle dispose à travers l’article 3 que « les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal».

Les garanties prévues par cette convention constituent un minimum à respecter. Son article 8-1 prévoit « la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention».

La convention (n° 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949 protège les travailleurs contre les actes discriminatoires. A cet effet, l’article premier dispose que « les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi». Il précise de manière non limitative

Les cas de protection contre les actes discriminatoires pour raisons syndicales et qui sont :

-La subordination de l’emploi d’un travailleur à la condition qu’il ne s’affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d’un syndicat :

-Le congédiement d’un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale ou de sa participation à des activités syndicales en dehors des heures de travail ou, avec le consentement de l’employeur, durant les heures de travail.

Outre cette protection des travailleurs, la convention établit par l’article 2 une protection au profit des organisations professionnelles,.

Dans cette lignée l’article énonce dans son paragraphe 1 que «les organisations de travailleurs et d’employeurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des unes à l’égard des autres, soit directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration».

Le même article 2 énumère dans son paragraphe les actes d’ingérence dans la vie syndicale.

Il assimile à «des actes d’ingérence les mesures tendant à provoquer la création d’organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation d’employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d’un employeur ou d’une organisation d’employeurs».

La convention internationale du travail n° 135 sur les représentants des travailleurs, 1971 établit elle aussi une protection contre les actes discriminatoires dont pourront être victimes les représentants des travailleurs pour raisons syndicales. Elle affirme dans l’article premier que «les  représentants des travailleurs dans l’entreprise doivent bénéficier d’une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur».

Dans le même sens, la recommandation n° 143 sur les représentants des travailleurs, 1971 annonce dans sa partie III paragraphe 5 relatif à la   protection des représentants des travailleurs.

que «les représentants des travailleurs dans l’entreprise devraient bénéficier d’une protection efficace contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur».

Cette protection devrait également s’appliquer aux travailleurs qui ont fait acte de candidature ou qui ont été présentés comme candidats, par les procédures appropriées existantes, pour être élus ou nommés représentants des travailleurs.Ellepourrait aussi être accordée aux travailleurs qui ont cessé d’être des représentants des travailleurs.

La convention n° 151 sur la relation du travail dans la fonction publique, 1978 instaure une protection pour les agents publics et pour leurs organisations professionnelles identique à celle établie par la convention (n°98).

En vertu de l’article 4-1 «les agents publics doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi».

Cette protection doit notamment s’appliquer en ce qui concerne les actes ayant pour but de subordonner l’emploi d’un agent public à la condition qu’il ne s’affilie pas à une organisation d’agents publics ou cesse de faire partie d’une telle organisation d’une part, et de congédier un agent public ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation à une organisation d’agents publics ou de sa participation aux activités normales d’une telle organisation.

A propos de la protection prévue pour les organisations professionnelles d’agents publics, l’article 5 dispose que «les organisations d’agents publics doivent jouir d’une complète indépendance à l’égard des autorités publiques» et «bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des autorités publiques dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration».

 A l’instar de la convention 98, l’article 5-3 assimile «aux actes d’ingérence, (..….), des mesures tendant à promouvoir la création d’organisations d’agents publics dominées par une autorité publique, ou à soutenir des organisations d’agents publics par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d’une autorité publique».

En raison des liens entre les droits civils et politiques et les droits syndicaux, l’article 9 insiste sur la reconnaissance aux agents publics «comme les autres travailleurs, des droits civils et politiques qui sont essentiels à l’exercice normal de la liberté syndicale, sous la seule réserve des obligations tenant à leur statut et à la nature des fonctions qu’ils exercent».


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