Mohamed Zafzaf, le portraitiste hors pair

Mohamed Nait Youssef

Signature incontournable. Mohamed Zafzaf (1943-2001), plume venue de la marge et dédiée aux marginaux, a maqué la littéraire marocaine et arabe du XXe siècle. Le keffieh palestinien toujours au cou et sur les épaules, Zafzaf, connu par sa barbe dostoïevskienne, a légué une œuvre majeure ayant dépassé les frontières locales pour embrasser de nouveaux horizons littéraires universels plus vastes. Son écriture réaliste et son style frontal doit beaucoup à son vécu, à son parcours exceptionnel que singulier.

Une enfance difficile…

Zafzaf a vu le jour à Souk El Arbaa, en 1943. Par contre, il a vécu une enfance difficile, notamment après la mort de son père (agriculteur), à l’âge de cinq ans. En effet, après des études de philosophie, il a exercé le métier d’enseignant, puis documentaliste dans un collège à Kénitra. La vie dans les bidonvilles, la précarité, la pauvreté marquent son enfance et son  adolescence. Quelques années plus tard, Zafzaf dépose ses valiser à Casablanca, plus précisément au quartier populaire de «Maârif», où il s’est entièrement consacré à l’écriture. Loin des lumières et des projecteurs, dans sa solitude et sa direction la plus totale et absolue, il a entamé sa carrière d’écrivain en se lançant dans la poésie, au début des années soixante, avant de s’aventurer dans l’écriture romanesque, et par la suite, la nouvelle où il a démontré et affirmé un talent hors pair.

Une plume des marges…

A l’époque, Mohamed Zafzaf publiait des réflexions, des critiques et des études sur les différentes questions portant sur la littéraire et la création. Ses œuvres écrites à la fois en arabe classique ou dialectal marocain ont incontestablement mis les lumières sur la société marocaine ; ses transformations, ses changements, ses évolutions sur plusieurs plans : économique, social, politique et culturel. Sa franchise, son réalisme, sa langue sincère  et puissante font la particularité de sa touche littéraire, notamment dans la nouvelle, un genre littéraire qu’il métrisait parfaitement.  Par ailleurs, l’écriture est son univers vaste où non seulement il s’exprime, mais écrit aussi les préoccupations et les malheurs des petites gens. Il dresse un portrait sur la cruauté du monde et le quotidien des gens simples qu’il rencontrait et observait.

Un portraitiste hors pair…

Par le biais de son style littéraire, Mohamed Zafzaf, comptant à son actif des recueils de nouvelles, des œuvres romanesques, mais aussi des pièces de théâtre, traduites dans plusieurs langues étrangères, a mis à nu la société. Son œuvre qualifiée par les critiques littéraires d’innovante et singulière a contribué à la modernisation de la littérature et de l’écriture marocaines.

En 1970, il marque la scène littéraire par son premier recueil de nouvelles écrit en arabe « Dialogue au bout de la nuit» (Hiwar fi laylin moutaakhir). «La femme et la rose» fut son seconde œuvre romanesque éditée à Beyrouth,  en 1972.

Prolifique et multiple, Mohamed Zafzaf a signé des œuvres majeures qui ont été publiées dans les différentes maisons d’édition à Casablanca, Beyrouth, Le Caire, à Damas,  Bagdad, Tunis … telles que «Dialogue au bout de la nuit» (Damas, 1970), «Trottoirs et murs» (Bagdad,1974), «Des maisons basses » (1979), «L’œuf du coq» (Editions Le Fennec, 1998, Casablanca, 1984), «L’arbre sacré» (1982), «Le roi des djinns» (Casablanca, 1988), «Le renard qui apparaît et disparaît» (Casablanca, 1989), «Bouches grandes ouvertes.» (1998). Il est à rappeler que «L’œuf du coq» est le premier roman à être traduit en langue française.

En signe de reconnaissance et de gratitude à son apport et son œuvre colossale, un prix littéraire portant son nom a été créé en 2002, le cadre du festival d’Asilah, où des figures emblématiques du monde de la littérature que le Syrien Hanna Mina et le Soudanais Tayeb Salih se sont vus récompensées. Mohamed Zafzaf a tiré sa révérence le 13 juillet 2001, après une longue lutte contre le cancer. Il avait 58 ans.

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