Moulay Ismail Alaoui: le PMV consacre la dualité du secteur agricole

Conférences de la fondation Ali Yata

Le président de la fondation Ali Yata, Ismael Alaoui, a  animé jeudi dernier au siège national du PPS la première rencontre d’une série de conférences, programmés par le Bureau de la Fondation Ali Yata, pour tenter de répondre aux interrogations qui préoccupent les Marocains sous le thème : «Le Maroc : vers où?».

Lors de ce colloque inaugural consacré  à «La situation dans les campagnes et les zones  rurales, Ismail Alaoui a estimé que le Plan Maroc Vert (PMV), lancé il y a dix ans, a appuyé  la dualité de l’agriculture dans ses piliers 1 et 2 (moderne et traditionnelle) et privilégié davantage la grande exploitation agricole exportatrice au détriment de la majorité des petites et très petites exploitations qui concernent la grande partie de la population rurale.

Lors  une conférence, donnée jeudi soir au siège national du Parti du progrès et du socialisme à Rabat sous le thème «La situation dans les campagnes et les zones  rurales», le président de la Fondation Ali Yata, Ismael Alaoui a estimé que le pilier N°1, dédié à une minorité d’agriculteurs, bénéficie de 10 fois plus de soutien financier que le pilier N°2, dédié à l’agriculture solidaire, qui concerne la majorité des agriculteurs, accentuant ainsi le déséquilibre entre les FAVORIS du PMV et les défavorisés.

Lors de ce colloque inaugural d’une série d’exposés sur la situation dans le pays et les perspectives d’avenir, le conférencier est revenu en détail sur la longue évolution et les changements successifs de la société dans son ensemble et de l’agriculture en particulier, qui concerne en l’état actuel des choses quelque 13 ou 14 millions d’habitants, précisant que la part du secteur agricole au PIB oscille entre 13% et 20%. Cette part évolue en dents de scie suivant les aléas climatiques, a-t-il expliqué.

«La situation dans les campagnes et les zones  rurales», premier exposé d’une série programmée par la Fondation Ali Yata  pour répondre à la grande question «Le Maroc Vers où?»:

Selon le président de la fondation, cet exposé est le premier d’une série de colloques, programmés par le Bureau de la Fondation Ali Yata pour tenter de répondre aux interrogations qui préoccupent tout le monde: «Le Maroc : vers où ?».

Il s’agit de débattre de l’évolution de la situation nationale tout en tenant compte du conteste international, marqué par ce qui se déroule actuellement en France, en Grande Bretagne (Brexit) et ailleurs. Le Maroc a connu lui aussi son grand Hirak qui s’était soldé par l’adoption de la Constitution de 2011, qu’il importe à présent de mettre en œuvre de manière saine et intégrale pour le bien du pays et de sa démocratie.

Dans tomber dans le désespoir, il est nécessaire de rechercher des réponses aux questions que se posent ouvertement ou non les citoyens dont en premier l’appel de Sa Majesté le Roi à élaborer un nouveau modèle de développement, qui définit la voie à suivre et les moyens à mobiliser pour s’en sortir à l’heure de la Globalisation en cours (et non mondialisation). Une seule puissance mondiale en profite d’ailleurs en cherchant de soumettre l’ensemble des autres pays à sa propre vision et à sa volonté.

Plusieurs thèmes seront abordés dans le cadre de cette série de rencontres dont le monde rural et la campagne, l’agriculture, les migrations, l’eau, le capital, l’industrie, le commerce, les services, la situation nationale et les perspectives d’avenir, selon le président de la fondation Ali Yata.

Revenant sur la situation du monde rural, l’ancien ministre de l’agriculture a rappelé que 13 ou 14 millions de Marocains vivent en milieu rural. Quant  à la superficie agricole utile (SAU) à leur disposition, elle s’élève actuellement à 9 millions d’hectares. Plusieurs forêts et parcours de pâturage représentant environ 4 millions d’hectares ont été rasés pour réaliser ces chiffres.

Avec leur population sans emploi et sans terre, les zones rurales constituent une véritable bombe à retardement.

Mais comme par le passé, la population rurale reste confrontée, dans sa majorité, à l’exigüité des terres agricoles à sa disposition, selon lui.

Chaque exploitant n’a à sa disposition en moyenne que 0,6 Ha. Ce qui signifie qu’une famille de 10 membres n’a à exploiter que 6 Ha, une superficie insuffisante pour permettre de s’assurer une vie décente et digne, a-t-il affirmé.

C’est pourquoi, il est permis d’avancer que les zones rurales constituent une véritable bombe à retardement pouvant exploser à tout moment sous l’effet d’une période de sécheresse ou pour d’autres raisons, a-t-il averti.

Les zones rurales abritent un surplus de 5 à 6 à millions d’habitants sans occupation aucune et sans terre. Et il est fort à craindre d’assister, en cas de périodes de sécheresse prolongées, à des exodes massifs de ces ruraux qui viendront gonfler les bidonvilles et aggraver la situation difficile dans les villes (criminalité, mendicité, Ferrachas, etc).

Pour absorber ce surplus, on a tablé sur les centres urbains émergents, malgré le fait que ces centres manquent d’infrastructures de base pour assurer aux habitants les services les plus élémentaires (santé, enseignement, etc….). En l’absence donc d’une autre solution, ce sont les bidonvilles qui absorbent les flux migratoires, a-t-il laissé entendre.

Autrement dit, il est nécessaire de doter les centres urbains émergents des équipements de base indispensables (santé, enseignement, etc.) pour qu’ils puissent jouer le rôle dont parlent les pouvoirs publics, a-t-il indiqué.

Sans exagérer, l’on peut affirmer sans se tromper que le PMV a donc consacré la dualité de l’agriculture et favorisé le pilier N°1 qui bénéficie de 10 fois plus que pilier N°2 de soutien financier. Ce faisant, il creuse davantage le fossé entre ses favoris et ses défavorisés, a expliqué le conférencier.

Et Moulay Ismail Alaoui de souligner que ceux qui considèrent que le débat à ce sujet n’est pas permis se trompent. C’est par le débat et l’échange des idées que les démocraties avancent comme le laisse entendre la Constitution de 2011, a-t-il dit.

Car comment résoudre le problème des défavorisés du PMV (13 millions de ruraux) qui n’ont à leur disposition que 9 millions d’hectares, s’est-il interrogé, sachant que cette SAU fait l’objet d’une répartition inéquitable.

Dans tous les cas, la solution ne peut en aucun cas être sécuritaire, – bien que l’on a besoin de stabilité et de sécurité-,  a-t-il indiqué, estimant que la logique nous impose de revoir les visions et les plans pour résoudre les problèmes du monde rural.

Que faire ?

Mais que faut-il faire dans ces conditions, s’est il interrogé. Il est d’abord nécessaire de se pencher sur ces problèmes pour les examiner, les définir et tenter de les résoudre dans l’objectif ultime d’améliorer les conditions de vie des populations rurales. Il est nécessaire d’examiner quatre facteurs à savoir le travail, le régime foncier, le capital et l’eau.

Selon lui, le secteur occupe plusieurs millions de personnes, alors que la situation foncière continue d’être  handicapée par l’existence de divers régimes Auparavant, Moulay Ismail Alaoui bien que le Melk domine de plus en plus. Il représente à présent 78 % des terres, mais se heurte à plusieurs problèmes d’héritage.

Quant aux terres collectives, elles sont en voie de liquidation avec l’aide du Challenge du millénium pour procéder à leur distribution. Des terres domaniales sont louées à des particuliers qui ne respectent pas souvent les cahiers des charges, alors les terres Habous continuent d’être exploitées de manière traditionnelle.

S’agissant du facteur capital, il ne profite qu’au pilier N°1 du PMV, dont les réalisations (arboriculture, élevage) sont en train de reculer et d’être abandonnées.

Pour ce qui est du secteur traditionnel (pilier 2 du PMV), il n’est pas suffisamment exploité et est loin de satisfaire les besoins des populations rurales.

C’est pourquoi, il est temps d’abandonner cette classification du PMV (P1 et P2), procéder à la distribution des terres collectives, guich et d’Etat inexploitées et faire surtout un effort de vulgarisation pour initier les agriculteurs aux techniques modernes d’exploitation agricole en commençant par la lutte contre l’analphabétisme.

Il est également impératif d’accorder dans le même ordre d’idées un intérêt plus grand à l’éducation, au désenclavement des zones reculées, à l’habitat et à la santé.

Il est indispensable de même de promouvoir les centres émergents pour qu’ils soient capables d’absorber les nouveaux venus et de mettre en œuvre les dispositions de la constitution de 2011 relatives à la démocratie participative pour aider les petits agriculteurs à s’organiser dans le cadre de coopératives agricoles, gérées par des responsables élus de manière démocratique et libre. C’est à travers l’application des règles de cette démocratie participative qu’il sera possible de redresser la situation, a-t-il estimé, recommandant au PPS d’accorder plus d’importance à la question.

De la société bédouine à l’arrivée du mode de production capitaliste :

Auparavant, Moulay Ismail Alaoui était revenu en détail sur la longue évolution historique de l’agriculture marocaine et de la société rurale ainsi que sur les modes de vie que cette population bédouine a connus durant son histoire. Elle se composait essentiellement d’éleveurs qui se déplaçaient en permanence avec leur bétail en quête de nourriture et de pâturages, tout en pratiquant quelques cultures (céréales).

Il est revenu jusqu’à l’époque des tribus Sanhaja, Znatas et Masmouda, rappelant que la région se distingue aussi par un climat méditerranéen marginal, presque exceptionnel. Ce qui correspond aussi aux dynasties des Almoravides, des Almohades et des Mérinides qui se sont succédé au Maroc, a-t-il encore dit.

Il s’est attardé aussi sur le cas des oasis dont les populations, a-t-il dit, sont d’origine africaine ainsi que sur les modes de production communautaires inachevés qui prévalaient dans la région avant l’arrivée du colonialisme à la fin du 19ème et au début du 20 siècle, qui a cassé cette évolution en imposant un mode de production capitaliste, qui a tout perturbé.

A travers sa politique d’Establishment, le colonialisme a développé de nouveaux rapports de production fondés sur l’accaparement des terres , contribuant ainsi à l’aggravation de la situation des populations en dépit de l’augmentation de la superficie agricole utile à 2 millions d’hectares.

Avec l’installation des colons, la situation a changé avec la naissance d’une nouvelle classe des travailleurs agricoles et au recul de la vie bédouine, a-t-il dit, notant que la crise provoquée par cette évolution a poussé les autorités du protectorat à tenter de remédier à la situation à travers la création de certains services (paysannat) et à la construction de barrages (Bin Al Ouidane, Al Gansra). Ce qui s’est traduit par l’émergence d’une agriculture moderne et une autre traditionnelle, une situation dont a hérité le Maroc au lendemain de l’indépendance, a-t-il dit.

Après une série d’initiatives visant à l’organisation de l’économie nationale dans son ensemble et de l’agriculture en particulier, le Maroc indépendant avait lancé la politique des barrages qui a permis de développer l’agriculture irriguée et une série d’activités agroindustrielles (environ 1,5 millions d’hectares irrigués), élan qui s’est estampé avec l’application en 1985 du PAS (plan d’ajustement structurel), qui a supprimé toutes les structures mises en place (CT, CMV, SCAM, OCE et ses dépendances, usines d’agro-industrie). Même  l’autosuffisance alimentaire n’est plus assurée.

Et c’est dans ces conditions que le PMV a été conçu et lancé il y a 10 ans pour redresser la situation, qui risque malheureusement d’empirer si les mesures requises ne sont pas prises à temps à travers un dialogue serein,  constructif et démocratique entre toutes les composantes de la société, comme l’avait-on proposé lors d’un colloque organisé, au lendemain de l’arrivée du gouvernement de l’alternance démocratique sur «Stratégies 2020 du développement rural au Maroc», a conclu le conférencier.

M’Barek Tafsi

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