Rencontre sur la contribution des terres collectives au développement

A l’initiative du PPS et du Groupement parlementaire du progrès et du socialisme

M’Barek Tafsi

Le Groupement parlementaire du progrès et du socialisme (GPPS : PPS) a organisé, mardi à Rabat, sous la modération de sa présidente Aicha Lablak, une journée d’étude sur la contribution que les terres Soulalyates seraient en mesure d’apporter à l’effort de développement du pays.

L’objectif de cette rencontre, initié en collaboration avec le PPS, est de parvenir à une réforme globale du cadre juridique régissant les terres collectives, selon une approche au service du développement du pays et respectueuse des droits humains et des principes de la démocratie et de l’égalité homme-femme.

Benabdallah: Le PPS l’un des premiers à avoir dénoncé l’injustice subie par les femmes soulalyates

Les députés du PPS ont vu juste d’accorder à ce sujet d’actualité l’intérêt qu’il mérite compte tenu du fait que trois projets de loi sont à présent entre les mains des députés qui doivent les adopter prochainement. C’est pourquoi, il est indispensable pour les députés (es) du parti d’avoir une idée précise sur la question dans le but d’être en mesure de contribuer de manière performante et efficace aux débats parlementaires et d’alimenter les amendements devant être introduits aux textes concernées. L’objectif est de les améliorer tout en défendant les intérêts des parties concernées, dont en premier les femmes Soulalyates, jusqu’ici exclues du droit de jouissance en vertu de la législation héritée du temps du protectorat et des us et coutumes en vigueur.

Un levier fort pour améliorer le niveau de vie des Soulalyates

L’organisation d’une telle rencontre de réflexion intervient aussi en application des orientations contenues dans le message royal aux Assises nationales sur « la politique foncière de l’Etat » des 8 et 9 décembre 2015 et du discours, prononcé par Sa Majesté le Roi devant les membres des deux chambres du parlement, à l’occasion de l’ouverture de la 1-ère session de la 3ème année législative de la 10ème législature (octobre 2018) appelant à faire en sorte que «la mobilisation des terres agricoles appartenant aux collectivités ethniques pour la réalisation de projets d’investissement agricole constitue un levier fort pour améliorer globalement le niveau de vie socio-économique et plus particulièrement celui des ayants droits», a expliqué le SG du PPS.

Régies par le dahir du 27 avril 1919 organisant la tutelle administrative des collectivités et réglementant la gestion et l’aliénation des biens collectifs, tel qu’il a été modifié et complété, ces terres collectives se caractérisent par le fait qu’elles sont imprescriptibles, insaisissables et inaliénables, à l’exception de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics ou des collectivités ethniques qui peuvent les acquérir.

Le droit de jouissance des terres collectives est réparti entre les ayants droits par l’Assemblée des délégués ou Naïbs, conformément aux us et coutumes et aux instructions de l’Autorité de tutelle, qui excluent les femmes de ce droit de jouissance.

Une injustice criarde

C’est pourquoi, le PPS a été l’un des premiers à avoir attiré l’attention sur cette injustice criarde faite aux femmes « pour la simple raison d’être femme », a rappelé Benabdallah, estimant qu’il est temps de leur rendre justice conformément aux dispositions de la Constitution de 2011 et aux conventions et instruments internationaux des droits de l’homme ratifiés par le Maroc.

Pour ce faire, trois projets de textes de lois sont actuellement en cours de discussion devant la chambre des représentants, offrant ainsi l’occasion aux représentants de la nation de mettre fin aux injustices faites aux femmes et de contribuer au règlement des conflits et des affrontements parfois violents entre tribus et groupes ethniques pour des problèmes de délimitation des terres collectives et de leur exploitation.

Le débat en cours offre aussi l’occasion de mettre fin aux accaparements illégaux de terres collectives d’une superficie de 182 .000 hectares, exploitées sans aucun droit par des particuliers, a-t-il encore ajouté.

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Ismail Alaoui: Créer des coopératives démocratiques

Après un exposé des projets de textes de loi par une représentante du ministère de l’intérieur, qui détient le pouvoir de tutelle sur les terres collectives, Moulay Ismail Alaoui, président du Conseil de la présidence du PPS a procédé à une lecture critique des documents concernant les terres collectives.

Après un aperçu historique, montrant que les textes adoptés du temps du protectorat visaient notamment à favoriser les gros propriétaires terriens, les féodaux et les nouveaux colons au détriment des petits paysans, il a indiqué qu’en date 13 septembre 2017, le ministre de l’intérieur, tuteur en titre des terres collectives et responsable de leur exploitation à travers les collectivités ethniques et la Direction des Affaires rurales du ministère (DAR), a présenté un mémoire intitulé : «mémoire de présentation se rapportant au projet de loi visant à modifier et à compléter le Dahir daté du 26 Rajeb 1337(27-04) organisant la tutelle administrative sur les collectivités ethniques et précisant la gestion des affaires des propriétés collectives ainsi que la dévolution de ces dernières, tel que modifié et complété».

Après avoir exposé un certain nombre d’objectifs fixés aux amendements à apporter au texte de 1919, il a fait savoir que toute répartition égalitaire entre toutes et tous les ayants droits (hommes et femmes, estimées à 20 millions) ne permettrait pas une exploitation et une mise en valeur optimales des terres collectives. Tout ayant droit n’aura dans le meilleur des cas qu’une petite parcelle de 0,75 hectare, une superficie non viable, économiquement et socialement parlant, a-t-il expliqué.

C’est pourquoi, il a proposé à tous les bénéficiaires de constituer des coopératives démocratiques pour la gestion et l’exploitation de ces terres collectives, coopératives accompagnées par les services de l’Etat pour leur permettre de jouer pleinement leur rôle dans la mise en valeur des terres et partant dans le développement du pays et le bien être des populations concernées. L’étude de l’expérience danoise, qui a débuté à la fin du 19ème siècle, devrait être prise en compte car elle a permis à ce pays de faire de ces organisations des partenaires sûrs de son développement et de sa stabilité, selon lui

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Représentants de la société civile

Un combat sans relâche

Des représentantes de l’organisation civile, invitées à cette rencontre, qui s’est déroulée avec la participation des membres du GPPS, de représentants du réseau amazigh pour la citoyenneté et de nombreux autres intervenants ont pris la parole.

Dans ce cadre, Rkia Bellot, une des femmes soulalyates, venue de la localité  Haddada près de Kénitra, a d’emblée appelé à l’adoption de textes modernes en parfaite symbiose avec l’esprit de la Constitution de 2011, qui a consacré l’égalité homme-femme et mis fin à toute interprétation inspirée des us et coutumes, qui varient suivant l’état d’âme et l’intérêt des hommes.

Plus de référence aux us et aux coutumes

Selon elle, il n’est plus admissible d’accepter que les actuels projets de textes fassent référence de près ou de loin aux us et aux coutumes, aux termes desquels les femmes soulalyates étaient  exclues du droit de jouissance et d’usufruit des terres collectives. Il n’est plus question de se référer à de telles dispositions coutumières qui ont été utilisées à bon escient par les hommes pour assoir leur domination et leur main mise sur les terres collectives sans partage avec les femmes.

Selon Bellot, la doyenne du mouvement «des rebelles» des Soualalyates qui mènent un combat sans relâche depuis plus de dix ans pour la satisfaction de leurs droits, c’est l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), qui était la première organisation à l’avoir accueillie et compris son cri.

«Profondément blessée par les injustices que je subissais de la part de mes dix frères en tant que femme, exclue du droit de jouir des mêmes droits et avantages qu’eux des terres collectives, j’ai décidé il y a 10 ans de m’engager dans cette lutte non seulement pour la justice, mais également pour me réconcilier avec moi-même en tant qu’être humain», a-t-il elle expliqué. Elle a également livré des témoignages comme c’est le cas d’une femme Soulalyate expulsée de sa maison, construite après tant de sacrifices sur une terre collective.

Selon elle, il n’est pas question d’admettre que le nouveau texte prévoit notamment que les collectivités ethniques pourront gérer leurs biens selon leurs traditions propres dominantes à condition que ces dernières ne contredisent pas les textes législatifs et réglementaires en vigueur dans ce domaine.

Pour leur part, deux représentantes de la Coalition civile pour la montagne (Latifa Maâdni et Naoual Ikou) ont exposé les recommandations de leur organisation pour une optimisation de la mise en valeur et de la mobilisation des terres collectives dans l’intérêt des populations et des espaces montagnards.

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