Depuis quelques semaines déjà, les points de ventes de la célèbre chaîne de magasins de produits informatiques Microchoix baissent le rideau les uns après les autres. Les rumeurs vont bon train quant aux raisons de ces fermetures subites. Pourtant les signes avant-coureurs étaient bel et bien là. Chronique d’une success story marocaine mal négociée.
«A horizon 2016, nous misons sur la création d’un réseau de près de 40 franchisés représentant un chiffre d’affaires de près de 500 millions de dirhams. Toutes les grandes villes du Royaume auront alors «leur» Microchoix». Ce sont là des propos que Khalid Saâdi, fondateur et PDG de Microchoix, a tenu en 2012 alors qu’il se préparait à se lancer dans la franchise pour développer son réseau alors florissant. En lieu et place des 40 franchisés, 2016 sera l’année des fermetures de points de ventes. En réalité, la restructuration de Microchoix a démarré il y a plus d’un an. En même temps que le départ de l’ancien directeur général de l’enseigne, Houssam Alami, certains points ventes jugés non rentables avaient été abandonnés.
L’histoire de Microchoix avait pourtant bien commencé. Cette susccess story marocaine était sans cesse citée en exemple tant la réussite de son business model a été fulgurante. Créée en 2004 par Khalid Saâdi à Oujda, un marocain ayant fait carrière à l’étranger, l’enseigne s’est hissée en quelques années au rang de leader marocain du e-commerce grâce à la vente de produits informatiques sur internet.
En 2006, Microchoix opte pour une stratégie mixte basée sur le «Bricks & Clicks» qui consiste en la combinaison de deux réseaux de distribution complémentaires : le développement du e-commerce d’une part et la mise en place progressive d’un réseau de points de vente sur l’ensemble du territoire d’autre part. Le concept est encore inédit au Maroc, et assure à Microchoix un développement rapide. Le chiffre d’affaires est ainsi passé de 1 million de dirhams en 2004 à quelque 106 millions de dirhams en 2011.
L’entreprise prend un nouveau tournant en 2009, avec l’entrée dans son capital du Fonds d’Investissement de la Région Orientale (FIRO), avec un apport de près de 6 millions de dirhams. Objectif : renforcer l’extension de son réseau de magasins qui est passé de 5 à 7 unités dès 2010, et l’ouverture d’un flagship à Casablanca.
La franchise m’a tuer
L’arrivée du fonds d’investissement dans le tour de table de Microchoix a donné un nouvel élan à l’entreprise, qui de ce fait a gagné en notoriété et crédibilité. Du statut de jeune pousse, l’enseigne est passé à celui de bigplayer du secteur. D’ailleurs dès 2012, Khalid Saâdi souhaite passer à la vitesse supérieure en prenant le virage de la franchise. Et le PDG ne fait pas les choses à moitié. Il va même jusqu’au recrutement d’un cabinet étranger spécialisé en la matière pour l’accompagner dans le développement de son réseau.
«A l’aide de cet expert, nous avons réalisé à quel point le concept était une opportunité pour les futurs franchisés, car ils bénéficient, dès leur démarrage, de l’appui du site Internet en termes de ventes, du système d’information que nous peaufinons depuis plusieurs années, de la logistique, ainsi que du savoir-faire cumulé. Depuis notre démarrage, il n’y a pas eu un seul magasin ouvert sans qu’il ne fasse du chiffre d’affaires dès le premier jour. Ce n’est pas pour rien que nous consacrons 5% de notre chiffre d’affaires à la communication. Et le retour sur investissement se fait en deux ans à peine», confie à l’époque Khalid Saâdi. Confiant dans sa stratégie, il n’hésite pas alors à aller jusqu’à tacler sur un ton ironique l’un de ses concurrents, feu la FNAG, lors d’une de ses sorties médiatiques : «Cela me plairait bien qu’un magasin aussi bien situé (ndlr: sur le Boulevard d’Anfa à Casablanca) rejoigne notre réseau de franchisés. Au lieu que les propriétaires de l’enseigne restent seuls, il serait bon qu’ils nous rejoignent: ils perdraient moins d’argent».
Mais en réalité, en 2012, Microchoix avait déjà connu ses premières difficultés. En cause : une stratégie de diversification vraisemblablement mal inspirée. Microchoix a perdu des plumes notamment avec la création de la plateforme BtoB, dédiée donc aux entreprises et aux administrations publiques, qui n’a in fine pas donné les fruits escomptés. L’entreprise s’est également lancé dans le développement de solution clés-en-main pour les entreprises de e-commerce. De par son expertise et sa technicité, Microchoix proposait la conception et la maintenance de leur site. Par ailleurs, Microchoix Communication, la régie publicitaire destinée notamment à commercialiser l’écran publicitaire LED installé sur la devanture de notre magasin du Boulevard Zerktouni à Casablanca, n’a pas réussi à prendre son envol. Ciblant principalement les constructeurs informatiques, cette filiale devait à terme acquérir d’autres écrans du genre, mais également commercialiser les panneaux d’affichage que Microchoix possédait, notamment à Oujda (9) et à Fès (5), ainsi que les espaces publicitaires sur les camions de l’enseigne.
Au final, de toute cette stratégie, Microchoix ne ressortira qu’avec la conclusion de deux contrats de franchise : le premier à Meknès et le second à Fès. Selon de nombreuses sources, ce sont les deux seuls points de vente encore ouverts à ce jour.
Le retournement du marché mis en cause
Il faut dire que la conjoncture ne s’est pas montrée particulièrement favorable aux projets de développement de Khalid Saâdi. Non seulement, le marché du matériel informatique a enregistré un sérieux repli, mais aussi fallait-il pouvoir faire face à une concurrence qui a montré ses dents.
Si on s’intéresse aux enseignes spécialisées dans l’électroménager et les produits électroniques, car souvent la commercialisation de ces deux segments va de pair, toutes ont investi dans les régions, qu’il s’agisse de Cosmos, Electroplanet, BestMark, Biougnach, Abroun, … En somme, cela signifie que le secteur dans sa globalité a progressé ces dernières années.
«Seulement, ce secteur souffre de l’informel qui plus est depuis le retournement du marché il y a deux ans. Les produits informatiques ont tout de même accusé une baisse de 25% », affirme un expert dans la distribution de produits informatiques et télécoms. Et d’ajouter :«Dans l’électroménager et l’informatique, l’essentiel des ventes se fait encore dans le traditionnel, avec des parts respectives de 60% et de 40%.La croissance à deux chiffres dans le moderne n’est plus d’actualité».
Il est vrai que le marché du laptop a connu une rétraction des ventes, cependant celle-ci a été compensée par une évolution sensible des ventes de tablettes. D’autant plus qu’avec la génération digitale, le moderne est voué à progresser. «C’est la bonne formule pour les générations montantes. Même si aujourd’hui les achats sont timides sur internet, il n’en reste pas moins que le net est prépondérant dans les consultations et donc in fine dans les actes d’achat», pense la même source. Selon, le directeur général d’une enseigne concurrente, Internet représentera dans les 5 années à venir 5 à 6% du chiffre d’affaires.
Alors pourquoi Microchoix qui semble avoir misé sur le bon business model, ce fameux mix entre e–commerce et points de ventes, s’essouffle ?
La déferlante Bestmark
Aujourd’hui, à chaque fois que le marché enregistre une baisse, le traditionnel va à l’affût de bonnes affaires, d’opérations spots en proposant des prix très agressifs, et devient de ce fait avantagé par rapport au moderne.
«Le marché marocain souffre de la multiplicité des distributeurs de taille intermédiaire. Le seul distributeur de poids, où les constructeurs ont plutôt intérêt à rester référencer, c’est Electroplanet», rappelle par ailleurs notre source. Autrement dit, les opérateurs existants n’ont pas de réel pouvoir de négociation avec les constructeurs du fait de leur taille, et n’arrive donc pas à faire face aux prix proposés dans l’informel.
«C’est la raison pour laquelle les plus petits ont dû mal à se développer. Je pense qu’à terme le marché sera constitué de 4 grandes enseignes sur tout le Maroc», poursuit un professionnel du secteur. Une tendance qui se confirme avec le rachat d’Afrinetworks par Bestmarkfin 2015, et qui a porté un véritable coup de massue à Microchoix. En effet Bestmark propose à peu de choses près la même offre que Microchoix et se trouve donc être son seul véritable concurrent direct, les autres enseignes étant en plus positionnées sur l’électroménager.
A travers l’acquisition d’Afrinetworks, un des premiers distributeurs exclusifs des produits Meditelcom avec un réseau de 250 points de vente GSM et 600 sites de publiphonie, Bestmark réalise en effet une belle opération.
Une transaction qui lui permetd’une part, de consolider son activité actuelle de distribution télécoms, portée par Bestmark Telecom (un réseau de 40 agences propres et plus de 69 franchisés et sous agents) et d’atteindre, d’autre part, une taille critique (plus de 1 milliard de DH de chiffre d’affaires) dans le retail, incluant la distribution informatique qu’il exerce depuis plus de 20 ans à travers Bestmark. En devenant le plus important réseau de distribution multimédia et télécom au Maroc avec 200 points de vente, Bestmark a de fait reconfigurer un secteur où la plupart des opérateurs n’ont pas plus d’une dizaine de points de vente. Quant à Microchoix, son PDG restant injoignable, le sort de l’enseigne fait l’objet de nombreuses spéculations. Entre un repositionnement sur le e-commerce exclusivement, un réseau uniquement constitué de franchisés ou encore une liquidation pure et dure, la question de son devenir reste entière.
Microchoix/ FIRO : Une mauvaise affaire ?