Le retour en force des taïwanais?

Alors que le secteur de la distribution informatique enregistre un certain essoufflement sur fond de concurrence exacerbée, Data Plus, un des plus importants opérateurs du secteur, vient d’ouvrir son capital à un fonds d’investissement technologique porté par deux géants taïwanais, BenQ et Inventec. Un prélude à un retour de BenQ, et plus globalement des marques taïwanaises, sur le marché marocain?

Chakib Rifi, PDG de Data Plus, est le genre d’entrepreneur toujours à l’affût d’une nouvelle opportunité, d’un nouveau relai de croissance. Si certains de ses projets, menés pourtant tambours battants à l’instar de son téléphone mobile made in Morocco, n’ont pas rencontré le succès escompté, il reste néanmoins toujours prêt à embrasser l’avenir avec optimisme, à investir dans des projets à haute valeur ajoutée.

Et c’est peut-être ce qui se profile derrière l’arrivée de son nouveau partenaire dans le tour de table de Data Plus. Les deux groupes auquel appartient le fond cumulent à eux deux 40 milliards de dollars de chiffres d’affaires par an. Leur entrée dans le capital se fera par augmentation de capital et leur permettra de disposer à la fin de l’opération, de 30% du capital de l’entreprise marocaine.

Car souvenez-vous, juste après l’arrivée du fonds d’investissement de la Société Général dans Data plus en 2011, Chakib Rifi avait signé dans la foulée un partenariat avec LG Mobile, Asus, et annoncé son projet d’usine d’assemblage de téléphone mobile au Maroc.

Un travail de longue haleine

Il y a quelques semaines déjà, Data Plus avait envoyé quelques signaux au marché quant à l’imminence d’une nouvelle opération. En effet, l’assembleur des ordinateurs de bureau qui fut un des pionniers au Maroc dans cette activité de produits électroniques et informatiques grand public, a réalisé une augmentation de capital de 5 millions de dirhams.

Au préalable, Data Plus a réduit son capital de 11,4 millions de dirhams pour éponger les pertes antérieures, ce qui, in fine, ramène le capital social à 10,2 millions de DH à l’issue de ces deux opérations concomitantes (contre 14 millions de dirhams initialement). Cette première levée de fonds depuis l’apport de dix millions de dirhams d’Investima (filiale à 100% de SGMB) en 2011, permettrait à l’entité créée en 1999 par son fondateur Chakib Rifi de mieux répondre au financement de son activité de distribution de produits informatiques. C’est en tous cas la lecture qui a été faite par de nombreux spécialistes du secteur.

L’arrivée de nouveaux actionnaires donne aujourd’hui une autre dimension à cette opération in fine préliminaire. «Il va sans dire qu’aujourd’hui Data Plus se prépare à passer à un autre stade de développement. Bien entendu il peut s’agir de la distribution de nouvelles marques, mais il n’est pas impossible que le management décide de lancer de nouvelles activités complémentaires à son core business», pense un des partenaires de Data Plus.

En effet, en matière de portefeuille de marque, l’entreprise a fait du chemin depuis sa création.

En 2012, le distributeur marocain de matériels informatiques a décroché l’exclusivité pour la distribution de la marque taïwanaise Asus avec une gamme de produits assez diversifiée qui va du simple PC à l’offre tablette and Notebook en passant par l’ultrabook. La même année, Data Plus et la division de LG Mobile Middle East and Africa signe en un partenariat désignant Dataplus comme distributeur unique des produits LG Mobile au Maroc et dans 4 pays africains, à savoir la Mauritanie, le Gabon, le Mali et le Burkina Faso. Un partenariat qui marque le retour du constructeur coréen de téléphonie mobile LG sur le marché marocain. Un retour en grande partie dû à l’expertise, à la maîtrise du terrain ainsi qu’au large réseau de distribution du groupe n’avait eu de cesse de rappeler déjà à l’époque Chakib Rifi.

L’échec des produits made in Morocco

Mais le PDG de Data Plus a toujours eu des ambitions qui vont au-delà du statut de simple distributeur informatique. A l’évidence Data Plus est plus que fortement intéressé par le marché des téléphones mobiles.«Le secteur des télécoms est l’un des vecteurs de croissance du secteur informatique et la convergence entre les deux est inévitable. Nous sommes présents sur le segment de la téléphonie fixe et des fax. L’objectif désormais est d ’introduire celui de la téléphonie mobile», avançaitRifi en 2011.Entre la commercialisation des téléphones Acer en 2011 puis LG en 2012, et surtout son usine d’assemblage de téléphone mobile à bas prix à Bouskoura , le marché a été plutôt rude pour Chakib Rifi.

D’ailleurs, Disway, une de ses plus grands concurrents vient d’en faire les frais. Moins de quatre ans après avoir lancé en grande pompe sa propre marque de tablettes, suivies dans la foulée de smartphones et téléviseurs, Disway capitule face à la redoutable concurrence chinoise, taiwanaise et coréenne. Le leader marocain de la distribution informatique a tout bonnement arrêté la fabrication des différents modèles de tablettes.

Faut-il également rappeler qu’un autre acteur marocain de l’univers de l’informatique, en l’occurrence le fabricant Data Business and Marketing (DBM), avait lancé à son tour et dans la foulée de YOOZ, sa propre tablette de marque Accent, mais avec un positionnement un peu plus haut de gamme (avec des prix allant jusqu’à 3500 DH). A ce jour, ses modèles sont toujours en vente, mais leur part de marché demeure des plus limitées au même titre que le premier ordinateur marocain lancé il y a une quinzaine d’années par le même Data Business and Marketing et sous la même marque Accent. Sur le même creuset des aventures technologiques marocaines, la société casablancaise Saphir Concept a été derrière la commercialisation, en 2012, du premier smartphone marocain, le Saphir Astoria qui s’est attaqué au milieu de gamme avec des modèles aux prix démarrant à 3.000 DH.

Malheureusement, ces tentatives de percer dans l’électronique et informatique grand public avec des produits conçus par des ingénieurs marocains et fabriqués principalement en Chine furent pour leur majorité, au pire, un flop retentissant et, au mieux, des expériences peu concluantes. «La production au Maroc ne change rien du tout à l’affaire. Il ne faut pas oublier qu’il est difficile de soutenir la concurrence des téléphones produits en Asie. Même le prix et les fonctionnalités prêtées au produit ne semblent pas d’un grand atout pour le projet. Ce n’est va pas être une guerre de prix, mais de qualité; il faut que le client ait confiance dans le produit. On veut des marques qui durent, avec une structure derrière. A la rigueur, le prix ne compte pas beaucoup», explique le même professionnel. Data Plus semble aujourd’hui avoir dépasser cette vision en ayant le regard fixé sur d’autres horizons. Affaire à suivre!

La petite histoire de Data Plus

Depuis sa création en 1999, le groupe est devenu aujourd’hui un des leaders dans la distribution des produits informatiques et télécoms.
L’aventure démarre avec 10 000 euros, Mohammed Chakib Rifi n’a que 22 ans. Après un solide passage par Samsung, ce diplômé de Polytech Lille (France) devient le premier opérateur privé marocain de services télécoms et informatiques, en installant une trentaine de standards téléphoniques dans le pays. En quelques années, sa start-up s’impose dans le paysage économique.
En 2004 une rencontre décisive. C’est au salon à Dubaï qu’il aborde l’un des dirigeants du fabricant italien Olivetti. Ce dernier lui indique avoir quasi conclu un deal avec l’Egypte pour installer une usine d’assemblage, à destination du marché maghrébin et de l’Europe. L’entrepreneur marocain ne se démonte pas et lui propose de venir s’installer au Maroc, plus près, lui dit-il, de l’Europe. L’affaire est oubliée quand, fin 2005, Mohammed Chakib Rifi reçoit un coup de téléphone d’Italie. La firme transalpine l’invite à une nouvelle rencontre, les négociations avec l’Égypte ayant finalement capoté. Quelques allers-retours plus tard, il reçoit le feu vert pour monter son usine. Il apportera 575 000 euros sur fonds propres et empruntera à la Société générale 300 000 euros.
Aujourd’hui, il est l’unique producteur de PC de bureau, PC portables et serveurs de la marque Olivetti et RMC et un distributeur sur la région Afrique du Nord et Afrique subsaharienne (hors Nigéria et Angola) et au Moyen-Orient (EAU). Avec la croissance du marché, Dataplus a étoffé son catalogue avec la distribution d’autres marques de matériel informatique notamment Asus, Lenovo, Hewlett Packard, Samsung, Sony, Toshiba et Microsoft. Outre les ordinateurs de bureau et les PC portables, Data plus propose une large gamme de produits de marque tels les articles de bureautique (imprimantes, photocopieurs, calculatrices…) et les produits télécoms (standards téléphoniques, modems, routeurs…).

Soumayya Douieb

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