Terres soulalyates : le très long processus de régularisation

Le processus de melkisation des terres collectives (soulalyates) situées dans les périmètres d’irrigation, instauré par le dahir n° 1-69-30 du 25 juillet 1969 relatif à ces terres, est très long pour des raisons liées aux délais d’établissement des listes des ayants droits, aux litiges sur l’assiette foncière entre les collectivités ethniques et au coût élevé de l’immatriculation des immeubles collectifs.

Intervenant lors d’une rencontre de réflexion sur le sujet organisée, mardi à Rabat par les groupes de la majorité à la chambre des représentants, le gouverneur- directeur des affaires rurales au ministère de l’intérieur Abdelmajid El Henkari a souligné que les pouvoirs publics se doivent de limiter leur rôle à la facilitation de la melkisation par les ayants droits de ces terres collectives situées dans les périmètres d’irrigation dans le but de leur permettre de jouer pleinement leur rôle dans le processus de production agricole et de rentabilisation des investissements devant être réalisées par les nouveaux propriétaires.Selon lui, ces terres s’étendent sur 327.000 hectares et concernent quelque 566 collectivités (Jamaâ Soualya) et environ 62.000 ménages. Elles se situent pour la majorité dans les principaux périmètres d’irrigation du Gharb, du Tadla et du Souss Massa.

Il a également émis une série de propositions visant à accélérer le processus de melkisation, qui se heurte depuis des décennies à des obstacles dus à la difficulté d’identifier les listes des ayants droits et aux conditions requises dans les lois concernant le domaine datant de 1919, 1962,1963, 1963 et 1967, devenues obsolètes.

Auparavant, il est revenu sur tous les textes législatifs et réglementaires concernant les terres collectives dont les plus anciens datent de la période du protectorat et dont les principaux textes sont le dahir du 27 avril 2019, le dahir Le dahir du 18 février 1924 et le dahir du 25 juillet 1969

Le dahir du 27 avril 1919 organise la tutelle administrative des collectivités «indigènes» et réglemente la gestion et l’aliénation des biens collectifs. Ce dahir tel qu’il a été modifié et complété, constitue la charte principale des terres collectives situées en dehors des périmètres d’irrigation.

Le dahir du 18 février 1924 portant règlement spécial pour la délimitation des terres collectives institue une procédure administrative spéciale de délimitation des terres collectives Il fixe de manière définitive la consistance et le caractère collectif de l’immeuble concerné.

Quant au dahir N° 1-69-3O du 25 juillet 1969 relatif aux terres collectives situées dans les périmètres d’irrigation, il a modifié radicalement le statut juridique de ces terres dans le but de stabiliser les ayants droit et permettre ainsi une intensification de la mise en valeur afin de rentabiliser les investissements consentis par l’Etat dans ces périmètres.

Aux termes dudit dahir, les terres collectives situées dans les périmètres d’irrigation sont considérées comme appartenant dans l’indivision aux personnes qui avaient la qualité d’ayant droit à la date de publication du dahir.

Selon le même texte, les listes des ayants droits doivent être établies par les «nouabs» (mandataires) des «Jmaâs» et homologuées par arrêté du ministre de l’intérieur publié au Bulletin Officiel.

Le texte a institué pour ces terres un mode particulier de dévolution successorale afin de ne pas augmenter le nombre des indivisaires. Ainsi, au décès d’un indivisaire, sa part est dévolue à un seul de ses héritiers, à charge pour ce dernier, de payer aux autres cohéritiers la valeur de leurs droits.

Quant à la cession des quotes-parts, elle n’est permise qu’entre les co-indivisaires.

Le lotissement des terres collectives peut être effectué lorsqu’il aboutit à la création d’exploitations agricoles d’une superficie d’au moins 5 ha.

Selon le gouverneur, directeur des affaires rurales, les caractéristiques du statut juridique de ces terres collectives situées dans les périmètres d’irrigation constituent une contrainte majeure à leur mise en valeur agricole. Le fait que les ayants droits ne disposent que d’un droit de jouissance sur ces terres, ne leur permet pas d’engager des investissements à moyen et long terme.

En outre, le principe de l’inaliénabilité imposé par le dahir du 27 avril 1919 organisant la tutelle administrative des collectivités «indigènes» et réglementant la gestion et l’aliénation des biens collectifs, constitue une entrave à leur insertion dans le marché foncier et à la réalisation d’investissements sur ces terres. Les terres collectives étant insaisissables et les ayants droit ne possédant souvent qu’un revenu très faible, la plupart d’entre eux ne sont donc pas éligibles au crédit.

A ces problèmes d’ordre juridique s’ajoutent les conflits inter tribaux et individuels, les mainmises intervenant sur les terres non délimitées, les occupations illégales et la spéculation foncière. Cette situation a fini par entraîner une déperdition progressive du patrimoine foncier collectif.

D’autres intervenants représentant notamment l’agence nationale de la conservation foncière et l’ordre national des ingénieurs topographes ont insisté sur les limites des textes juridiques encadrant le processus de melkisation, tout en appelant à libéraliser le secteur pour lui permettre de jouer pleinement son rôle.

Cette journée est initiée par les groupes de la majorité dans le cadre de la mise en oeuvre des orientations contenues dans le message adressé par SM le Roi Mohammed VI aux participants aux Assises nationales sur «la politique foncière de l’Etat et son rôle dans le développement économique et social», tenu les 8 et 9 Décembre 2015 à Skhirat. Dans ce message, le Souverain a appelé à «une réforme du régime des terres collectives», dans le but de «mettre à niveau les terres soulaliyates et de faire en sorte qu’elles puissent apporter leur contribution à l’effort de développement. Il s’agit, en outre, d’en faire un moyen d’intégration des ayants-droits dans cette dynamique nationale, dans le cadre des principes de droit et de justice sociale, en dehors de toute considération surannée».

M’Barek Tafsi

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