Un événement qui fait date

initiatives phares de la région de L’Alsace.

C’est une biennale qui s y étale en gros par sa dimension méditerranéenne ou tout bonnement humaine. Les organisateurs focalisent leurs énergies sur toutes les questions relatives à l’immigration, ses mémoires, son histoire, où chaque édition donne la parole aux artistes et intellectuels issus de la méditerranée pour dire, chanter, danser une richesse sans retenue aucune.
«Nous entendons par ce choix poursuivre notre réflexion sur ce qui est au fondement même de notre ambition d’acteur culturel : construire une intelligence collective et citoyenne où l’art et la culture déconstruisent les instruments de la séparation et de la domination, surtout lorsque ces derniers s’appuient sur la négation»,  souligne Salah Oudahar, directeur artistique du festival Strasbourg Méditerranée.
Selon les compositeurs de cette action, le festival se veut, à travers sa riche programmation, une porte ouverte vers les arts et la culture. L’objectif étant de ne pas aller chercher le divertissement ni la part ludique des activités, mais avant tout un outil éducatif et un tremplin vers le partage de tout ce qui relie le descendant de l’immigration avec soi et avec le pays de résidence. Ce faisant, le festival renforce l’idée que l’immigré n’est pas seulement un ouvrier, un travailleur, il est aussi producteur d’idée, d’entendement, de réflexion et de débat. Cette dimension l’inscrit dans une  perspective de floraison puisqu’il se constitue autant qu’espace de diffusion et de médiation que sphère de débat et de confrontation où la  parole et l’expression artistique, les mémoires, les cultures, les créations, les savoirs et le savoir-faire règnent et se font maître.
Le festival a pour vocation de fonctionner sur un mode thématique qui fait son exclusivité et son authenticité, le genre unique de l’activité depuis sa création. Il met en avant chaque année des thèmes forts engageant tels que «écriture et oralité», «L’hospitalité», «Nouvelle identité», «Tomber la frontière», «Héritages», «Exils» et cette année là «Métissage».
Le but selon les organisateurs est d’aller au-delà de la frontière physique et symbolique infligé par les séquelles du colonialisme, de la migration clandestine, l’exil… et d’enlever tout crédit au silence imposé qui les accompagne.
Le festival, par cette démarche, œuvre à instaurer des antidotes à toutes fromes d’exclusion en se prémunissant contre le risque de folklorisassions et de minorisation à l’endroit des expressions issues de milieu populaires et des cultures étrangères.
Pour se consigner dans la durée, le festival mobilise ses forces à travers la création d’un maillage de structures de différents horizons, mais de même but afin d’assurer une meilleure visibilité. Cette démarche lui confère la possibilité de puiser dans toutes les ressources créatives, organisationnelles, relationnelles tout en restant connecté sur son objectif Et en même temps être à l’écoute des impulsions qui animent  la région de l’Alsace particulièrement la ville de Strasbourg comme foyer où rayonne le festival et sa relation avec le bassin de la Méditerranée,
L’histoire, la mémoire et le devenir sont les catalyseurs qui motivent l’action des organisateurs.

Un chaînon de l’Union de grand Maghreb.

Le Maghreb occupe une place très singulière, car fort de sa présence, il constitue un poids lourd de ce festival si j’ose dire. A Strasbourg- Méditerranée, l’échec politique que connaît le grand Maghreb a cédé la place à une union culturelle et artistique. Tout le monde ici s’immobilise à la minute, à la seconde afin que le fantastique quotidien fasse son apparition.
Le festival Strasbourg- Méditerranée se présente comme exemple pour nos décideurs politiques pour constituer une magnifique déconstruction d’une politique de haine et de confusion coupable et aller vers une vraie politique de voisinage où peut naître des poches d’intégration maghrébine.
C’est une grande ambition des faiseurs de ce festival et elle est la nôtre aussi.
Sa riche programmation et la diversité des espaces abritant l’événement  et puis mon séjour très court ne me permettraient guère la possibilité de m’attarder sur toutes les activités. En effet, je vais me contenter de présenter deux travaux : une intervention de Fouad Abdelmoumni autour du printemps arabe et le Maroc. Et un spectacle de Mahmoud Chadi «Entre autre».

«Le printemps arabe» incarne-il la réalité ?

«Le printemps arabe a fait couler beaucoup d’encre et il n’a pas épargné le festival Strasbourg-Méditerranée. Dans ce cadre la participation de Fouad Abdelmoumni, ancien détenu politique, économiste et expert sur les droits de l’homme, est venu agrémenter la programmation du festival.
Sur cette toile de fond, Fouad a amorcé son intervention par une présentation générale, faisant état de la situation politique économique, sociale et  des droits humains sous le règne de Hassan II. A cette époque même les droits les plus élémentaires étaient parfois bafoués..
Une nouvelle conjoncture (contestation extérieure et situation politique, économique et sociale dégradées) sont venus pour aider à une ouverture sur l’opposition (gouvernement de Abderrahmane El Youssfi)
Une lueur d’ouverture a pu engendrer  une levée des restrictions à la liberté d’expression, de surcroît une véhémence de la société civile se réédifiait, elle prenait des formes variées pour favoriser la rencontre, l’ouverture et la proposition.
Sous le règne de Mohammed VI,  des chantiers de réforme sont alors ouverts touchant ainsi les domaines sociaux, législatifs, en particulier le code de la famille, mais aussi le Maroc a connu un changement notoire ébranlant la société traditionnelle de nos grands parents. Touts les fondements culturels et sociaux qui régissaient le Maroc d’antan vont bouger pour cause des mutations à tous les niveaux.
Tous ces enjeux et autres constituent une transformation dans la culture politique du pays qui sera désormais basée sur un désir grandissant souhaitant mettre fin aux inégalités et à l’hégémonie politique et économiques. Hélas la situation ne semble pas prête à s’ouvrir complètement à la nouvelle donne. Des poches de résistances détiennent toujours le monopole économique et par conséquent politique et social.

Le Maroc et le printemps Arabe

La révolte du Jasmin de l’hiver 2010-2011 a sonné le glas de la dictature en Tunisie. Ce soulèvement s’est immiscé dans l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient et  a provoqué la chute de plusieurs chefs d’Etat, tels que Zinalabine Benali, Hosni Moubarak Maamar Al-Kadhafi et Ali Abdallah Saleh.
Dans la foulée, Maroc a connu lui aussi une certaine agitation réclamant «Liberté, dignité, équité ». Le  mouvement du 20 février est alors né et son action était axée sur  la remise en cause de l’ordre social, politique, économique établi et la critique systématique des institutions existantes et l’idéologie dominante.
Le 9 mars 2011, le Roi va prononcer un discours fondateur où il va mettre  en place une réforme de la constitution qui a apaisé les tensions dans le pays.
Fouad Abdelmoumni  fait savoir qu’un développement durable au Maroc moderne n’est possible que si des forces de citoyenneté  fiables et productives élaborent sur place des approches novatrices et simultanées, comme le soutiennent au quotidien tous les acteurs locaux et régionaux pertinents dans la recherche de solutions adaptées à nos aspirations.

Des dialogues qui tissent un métissage

«Je suis venu chercher une autre vie, dans un autre monde, avec d’autres personnes. Je veux apprendre à faire des choses que je n’ai jamais eu l’occasion de faire. Tu sais si je n’étais pas là je serai ailleurs» dit un extrait d’un dialogue du spectacle «Entre autre.»
L’association Nous Jouons pour le Théâtre a présenté sa dernière création le 6 décembre 2013 à la salle Pole Sud à Strasbourg
«Entre autre» est une création  qui investit  le thème de la tolérance et la de liberté, du métissage et de la confiance en un mot de l’autre et de moi.
Ils sont cinq ; une femme et quatre hommes. Le temps d’un spectacle, ces personnages explorent les invraisemblances de la condition confuse des êtres qui aspirent à un rapprochement le plus naturel qu’il soit et qui fini par se convertir en une confrontation culturelle.
En amour comme en société, la pièce réinvente les conditions du développement de cette confrontation entre les religions et comment la tension qui en découle inspire l’intolérance et entérine le sectarisme et les stéréotypes. C’est un temps clos sur lui-même dans lequel les personnages s’acharnent à conduire leur amour à un terme où ils peuvent jouir d’un statut d’un véritable couple, en dépit de la vulnérabilité que peut engendrer cette intolérance  aussi intimement liée à un sentiment exagéré de sa propre valeur et à un orgueil énigmatique.
Un mouvement sonore envahit l’espace, la musique  s’effleurant et  une nouvelle histoire se crée, une allégorie de deux corps distincts qui tentent un rapprochement maladroit et enthousiaste.
Ce désir ardent d’union qui nous anime tous, est recrée dans ce spectacle par une fusion des rythmes, du chant, des danses et de la rhétorique.
Dans «Entre autre» la langue nous saisit. Elle mélange français et arabe. Les deux écritures se superposent, s’interfèrent, comme si le spectacle voulait à tout prix  marier la langue de la différence pour en créer l’affinité, la rencontre. Bref, l’Homme  au pluriel.
Le spectacle s’achève sur une note nostalgique ou plutôt un déchirement  entre là bas et ici, entre une part de nous même laissé là bas une terre, une mère ou une identité  et ici une condition, une vie une lutte acharnée pour une intégration, une vie meilleur, une harmonie des deux cieux.
Comme quoi, finalement, la géographie façonne  les cultures, le théâtre et  les disserte pour les recréer.

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