Il y a 25 ans, feu Ali Yata
Le Parti du progrès et du socialisme se recueillera ce vendredi à midi au cimetière Achouhada (Des Martyrs) à Casablanca, sur la tombe de celui qui aura été son principale dirigeant depuis 1945 jusqu’à son décès le 13 août 1997. Feu Ali Yata a été de tous les combats du Maroc depuis la décennie 1940, quand le parti était considéré, à sa création, comme une section du Parti communiste français (PCF), avant de devenir, en 1945, le Parti communiste du Maroc et, ensuite, grâce au combat inlassable des communistes marocains, avec Si Ali en tête, pour imposer la marocanisation du parti, dirigé auparavant par Léon Sultan.
Il y a donc 25 ans, la disparition tragique de celui qui fut des plus fidèles au Parti qu’il avait créé, au socialisme, aux combats patriotiques et populaires, à l’internationalisme ouvrier et à la solidarité internationale…
Dans ce combat, intimement lié à la patrie, l’apport d’Ali Yata et ses compagnons et adeptes – auquel une frange de militants communistes européens était acquise, était inestimable et sans complaisance. Au risque d’attirer la foudre de la direction du PCF, trop encline à lier le sort des colonies françaises au triomphe sur le nazisme et à l’émancipation de la classe ouvrière et son arrivée au pouvoir dans l’Hexagone.
Ce positionnement clair et sans ambigüité, pour l’indépendance du Maroc, allait se faire sentir sur les rapports entre le PCF et le PCM, puis avec le PLS, notamment sur le recouvrement, par le Maroc, de son intégrité territoriale, après la Marche verte du 6 novembre 1975.
Mais malgré cet engagement patriotique sans faille – n’oublions pas que le premier journal publié par le PCM en 1943 portait le nom d’ « Al Watan » (La Patrie)- bien que de mauvaises fois ont persisté, au niveau du mouvement national, pour vouloir exclure le PCM du combat nationaliste et lui nier le rôle de parti patriotique…
Heureusement que l’Histoire n’épargne personne et feu Sa Majesté Mohammed V, après son retour d’exil comme aux lendemains de l’indépendance du Maroc, avait reconnu solennellement le patriotisme des communistes marocains, en recevant à deux reprises une délégation du PCM conduite par Ali Yata.
Mais les premières décennies de l’indépendance n’étaient pas de tout repos pour Ali Yata et les siens. La répression coloniale dont les dirigeants et militants communistes étaient des victimes (torture, emprisonnement, etc.) avait laissé place à une autre répression contre le Parti communiste marocain, resté interdit depuis 1959, après une brève légalité aux lendemains de l’indépendance.
Depuis, le parti est resté clandestin ou semi-clandestin, sans renoncer à son existence et au combat pour arracher sa légalité, au prix d’en payer le tribut dans les prisons marocaines. Et, fait d’histoire, il la retrouvera fin 1968 – pour quelques 14 mois- étant de nouveau interdit en 1969 quoique sous le nom du Parti de la libération et du socialisme.
En cet anniversaire de la mémoire, de la fidélité et de l’hommage, il convient de nous rappeler les nombreuses qualités du défunt qui fut d’abord militant patriotique et révolutionnaire puis premier dirigeant marocain du Parti communiste Marocain, un défenseur intraitable de l’indépendance de la Patrie lors de la sinistre histoire du Protectorat, puis vaillant défenseur de la légalité du Parti, dès l’aube de l’indépendance, et combattant intransigeant pour le progrès social, les idéaux de démocratie, de justice sociale et d’émancipation de la Nation.
Le visionnaire…
Ali Yata, depuis la création du PPS en tant que continuateur du PLS et du PCM était un véritable visionnaire. Il avait une pleine conscience du rôle du Parlement dans le progrès politique, social et économique. C’est pourquoi, il avait choisi le la difficulté de se présenter, lors des législatives de 1977, en tant que candidat à l’ancienne médina de Casablanca à la circonscription de Sidi Bousmara. Depuis, il a été le député de ce quartier populaire, ouvrant son bureau du boulevard de la Gironde aux revendications des citoyennes et des citoyennes en lutte pour leurs droits.
Durant cette députation, il était l’unique représentant du PPS au Parlement avant d’être rejoint, en 1984, par Moulay Ismaïl Alaoui en tant que député des Béni Hssain du Gharb. Un duo militant qui attirera la sympathie et l’admiration des masses populaires par leur fort engagement exemplaire au service de la Nation et du peuple. Cela fera dire à de nombreux observateurs que ce duo était plus efficace et performant que de nombreux groupes parlementaires formés de dizaines d’ « élus »…
Son combat patriotique n’a pas d’égal. Il suffira de citer ses ouvrages et nombreux écrits sur « Le Sahara marocain », forts connus des chancelleries et de l’intelligentsia .
Mais la combat de Si Ali ne s’arrête pas à l’annonce des projets et des moyens de les réaliser. Il était un discret mais infatigable militant du consensus national. D’ailleurs son rôle dans la concrétisation de l’alternance consensuelle est indéniable. Il est vrai que feu Ali Yata était trop proche des dirigeants de l’USFP – surtout du temps de l’UNFP- puisqu’il comptait comme « collègues de la période de la répression », entre autres, feus Abderrahim Bouabid, Abderrahmane Youssoufi, et avait comme avocat Me Mhamed Boucetta, parmi autres…
Ce passé militant a fait de lui un véritable homme du consensus qui a permis la concrétisation du compromis historique entre la monarchie marocaine et le mouvement national, sous le règne de feu Sa Majesté Hassan II.
Il faudra dire que le destin n’a pas permis à ce combattant inlassable de vivre l’événement national du gouvernement de l’alternance consensuelle formé en octobre 1997 avec la participation de la Koutla démocratique (composée de l’USFP, du PI, du PPS et de l’OADP) à l’Exécutif dirigé par feu Abderrahmane Youssoufi.
Il faudra reconnaître à feu Si Ali son courge à dire NON dans les moments les plus difficiles. Que cela soit au niveau international comme ce fut lors de la conférence des partis communistes et ouvriers de 1969 à Moscou, quand il s’était distingué par une approche qui n’avait pas plus à Moscou tant sur l’attitude à l’égard des autres pays socialistes (Chine et ex-Yougoslavie) qu’en ce qui concerne la question palestinienne quand il a fallu s’opposer au Plan Rogers et le partage de la Palestine…
Dans cette suite, le regretté défunt était connu pour être un partisan du renouvellement de l’action progressiste dans le Maroc comme à l’international. Il avait le courage, à son corps défendant face à certains anciens compagnons de lute, de dépasser certains stéréotypes et clichés éculés, pour favoriser l’émergence de compromis.
Le Maroc contemporain vit encore ces situations de blocages que notre défunt avait tenté de dépasser par des rapprochements et des ouvertures.
C’est peu dire de ce grand homme qui avait marqué le Maroc d’avant comme d’après l’indépendance, par son patriotisme hors pair, sa lutte inébranlable pour l’indépendance et son combat inlassable pour la démocratie et la justice sociale.
Qu’il repose en paix. Paix à l’âme de ses compagnons et adeptes, ainsi qu’à tous les martyrs du parti et de la Patrie…
Mohamed Khalil