Le préscolaire inclusif
Par Lhassan Ouazza*
La prise en charge de la petite enfance est l’une des préoccupations majeures du Conseil Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique (CSEFRS) au Maroc. En vertu du deuxième levier de sa vision stratégique 2015/2030, le préscolaire et sa généralisation sur tout le pays demeure un enjeu politique et un chantier sociétal pour une préparation future à la vie, à l’école primaire et au développement d’une école inclusive et solidaire.
Ce grand intérêt voué à l’éducation préscolaire trouve son explication dans l’importance des apprentissages durant la petite enfance et son effet positif sur la socialisation. Dans un environnement inclusif ou la diversité et l’égalité des chances font ménage, les enfants avec ou sans handicap grandissent ensemble et l’encadrement correct des professionnels contribue de façon efficace à l’éclosion de leurs compétences cognitives, émotionnelle, sociales et sensori-motrices et permet entre autres une transition souple et réussie du préscolaire au primaire.
Au regard de l’importance de l’éducation précoce sur la petite enfance, qu’en est-il de cette importance en milieu préscolaire inclusif ? Les éducatrices du secteur sont-elles réellement qualifiées et conscientes de la spécificité du milieu?
Pour répondre à ces questions, nous allons nous pencher dans un premier temps sur l’apport du préscolaire à la petite enfance handicapée et ensuite, nous allons nous intéresser aux critères de formation comme conditions essentielles pour tout pilotage de l’action éducative.
L’apport du préscolaire à la petite enfance handicapée
L’enseignement inclusif préscolaire fournit aux enfants handicapés un espace vital, au sein duquel l’enfant vulnérable ou en situation de handicap peut s’épanouir pleinement, en lui offrant des stratégies d’apprentissage variées et enrichissantes, allant des opportunités de jeu, de participation, d’interaction avec les pairs au développement de son cercle social.
En contexte préscolaire inclusif, le handicap et la singularité ne semblent guère stigmatisés à cause de l’innocence de la petite enfance. L’environnement est bourré de liberté, d’activités ludiques et motrices et subjugué d’amour et de respect ce qui laisse l’ensemble des petits enfants cohabiter ensemble, évoluer positivement à leurs rythmes et progresser à leurs guises loin de conflit ou tension.
Les programmes inclusifs contribuent implicitement à:
- Orchestrer l’hétérogénéité du groupe;
- Créer des conditions optimales d’éducation et d’apprentissage ;
- Diagnostiquer précocement les déficiences sensorielles de l’enfant pour éviter tout éventuel retard scolaire ;
- Et concrétiser les comportements coopératifs.
L’importance des programmes préscolaires inclusifs dans l’épanouissement de l’enfant en situation de handicap et dans la construction de sa personnalité nécessite une formation de base et continue et un arsenal psychopédagogique afin d’asseoir les soubassements d’une génération future et citoyenne.
La formation des éducatrices: une condition essentielle de qualité du préscolaire inclusif
L’émergence des structures d’accueil de la petite enfance au sein des écoles publiques est une initiative réfléchie qu’a connu le Maroc récemment, car elle s’inscrit dans une réforme drastique qui se veut l’appui du cycle primaire en créant des passerelles prometteuses entre le préscolaire et le primaire et la lutte contre les inégalités scolaires. Bien que la qualification des éducatrices ait fortement sollicitée en milieu inclusif, force est de constater qu’elle devient de moins en moins rentable et vire au dysfonctionnement du préscolaire.
Dans ce sens et en dépit des efforts consentis, le manque de personnel qualifié, la non institutionnalisation du métier d’éducateur (rice) et l’absence des centres de formation dévoilent un manquement au niveau des stratégies adoptées pour mieux institutionnaliser des structures répondant aux propositions du CSEFRS. Le gardiennage et le bricolage pédagogique sous peine de chômage affronté affectent l’éducation préscolaire et fragilise son fonctionnement. En outre le statut social des éducatrices qui débouche sur l’insécurité psychique, l’instabilité financière et l’abus de certaines associations non qualifiées au dépens des éducatrices, approfondit la crise et sème l’aberration dans le secteur.
A cet égard, et pour l’intérêt de tous, les institutions préscolaires devraient, désormais, être institutionnalisées et bénéficier d’encadrements et de contrôles continus pour mettre fin à l’anarchie et aux actes anti pédagogiques que subissent la petite enfance.
En guise de conclusion, nous estimons que la formation de base des éducateurs(rices) reste la pierre angulaire de toute réforme et vision pédagogique et qu’il est temps de dénicher les bons profils pour une éducation préscolaire de qualité et recourir enfin à l’institutionnalisation du domaine à l’instar de la langue Amazighe officialisée.
- Doctorant à l’université Ibn Tofail FLSH Kenitra(Maroc)
- Laboratoire langage et société, encadré par Pr : Jamila BELLAMQADDAM