Entretien de Imad Berrakad, DG de la SMIT
Propos recueillis par Fairouz El Mouden
Imad Berrakad, DG de la Société Marocaine d’Ingénierie Touristique (SMIT) revient dans cet entretien accordé à AL Bayane sur les outils pour une émergence du Tourisme rural au Maroc. Le constat fait aujourd’hui est que ce créneau reste sous-exploité. Ce qui a nécessité, dit-il, une remise de l’ordre dans la répartition spéciale des flux touristiques. Et d’ajouter qu’une politique agressive en termes de produit, de promotion et de prix conditionne le gain de parts de marché. Entre la mise en place d’une nouvelle offre des produits touristiques la SMIT agit comme catalyseur pour rechercher les financements et mettre en place les mécanismes d’impulsion des investissements dans ce secteur. Néanmoins, l’offre liée au tourisme rural existante reste peu structurée, modeste et reflète un secteur en plein développement souffrant d’une part assez importante du secteur informel, indique Berrakad qui estime également que le développement des différents écosystèmes du produit rural s’avère assez capitalistique… Les propos.
AL Bayane : Le tourisme rural est en plein essor dans les différentes destinations mondiales. Quels sont aujourd’hui les axes de croissance de ce segment au Maroc et quelle est sa spécificité ?
Imad Berrakad : le tourisme rural ou écotourisme est en vogue ces dernières années au niveau de nombreux pays comme le Costa Rica, le Canada, la France, la Guadeloupe ou le Brésil. De nombreux touristes, seuls ou en groupe, tentent de revenir à une forme de découverte de pays plus authentiques et plus respectueux de l’environnement.
Au Maroc, les voyageurs et les explorateurs, étaient à l’origine de la prise de conscience du rôle joué par les ressources naturelles en tant que potentiel de développement d’un produit touristique et ce, depuis le début du 19ème siècle. Plusieurs expériences ont été menées, dans les zones de Haute montagne marocaine, pour valoriser les ressources naturelles mais sans jamais créer un Business model pérenne permettant d’assurer l’attractivité des territoires.
Malgré les efforts consentis au fil des années pour le développement du tourisme rural, il reste sous-exploité avec seulement 200.000 touristes (340.000 nuitées) et des défaillances qui restent à traiter notamment :
- Le Financement de l’offre touristique par les pouvoirs publics (produits non marchands, soutien aux produits marchands, etc.).
- La Mise en place de vraies expériences touristiques (offre diversifiée et avec une taille critique pour être vendable, circuits thématisés, etc.).
- Une Mise en œuvre ordonnée qui transcende les découpages administratifs pour le développement d’un produit touristique cohérent (exécution, exploitation et commercialisation).
Force est de constater que cette crise a permis de remettre de l’ordre dans la répartition spatial des flux touristiques et des tendances de consommation d’une manière générale. En effet, cette dernière a favorisé le développement d’un tourisme expérientiel et «immersif» dans des espaces peu transformés.
Le Maroc a des atouts considérables avec des espaces ruraux où se mêle patrimoine naturel (montagne, mer et désert) et culturel (matériel et immatériel), ce qui laisse présager des parts substantielles des marchés dans le futur proche (tourisme de montagne, tourisme saharien et tourisme oasien). Le gain de parts de marché sera alors obtenu par une politique agressive portant sur le produit (qualité), la promotion, le prix à offrir et la stratégie de distribution à mettre en place.
Quel est le rôle de la SMIT dans le développement de ce créneau et quelles sont les actions menées dans ce sens ?
L‘intervention de la SMIT est souvent inscrite sur le long Terme. Son rôle est d’appuyer les pouvoirs publics (et plus particulièrement les Collectivités Territoriales) à développer une vision (feuille de route) permettant de créer des expériences touristiques de qualité avec comme objectif d’améliorer la lisibilité de l’offre, sa pluralité et sa continuité.
La SMIT agît également comme catalyseur pour rechercher les financements et/ou mettre en place les mécanismes d’impulsion des investissements pour la création desdites expériences touristiques (produit touristique).
La SMIT apporte également un soutien financier pour l’amorçage du développement des produits touristiques en milieu rural.
Notre engagement est d’œuvrer à la création d’un produit touristique durable permettant l’attractivité des territoires touristiques et le développement d’un tourisme authentique, propre et responsable. Un engagement fondé sur des valeurs fondamentales et des points de différenciation.
Le choix pour développer le tourisme rural au Maroc est porté sur quatre régions, comment s’est fait ce choix et qu’en est-il pour les autres régions ?
Les études réalisées par la SMIT ont permis de disposer d’un Schéma Directeur National de développement du Tourisme rural. Ces études d’ingénierie touristique, réalisées en concertation avec l’ensemble des parties prenantes, ont permis de ressortir les investissements nécessaires, la typologie des projets à développer, les écosystèmes à prioriser tenant compte des ressources financières disponibles.
La mise en place du produit se veut être progressive et sur différentes phases. La priorité a été accordée aux destinations à positionnement principal Nature, pour lesquelles ce produit constitue le cœur de l’offre touristique tel que la Région Béni Mellal Khénifra (porte-drapeau du produit nature & rural marocain) et les Régions du Sud (avec un produit désert & rural unique à mettre en valeur). L’ingénierie touristique a permis au niveau de ces destinations, de placer le produit rural au centre de l’offre en structurant des écosystèmes touristiques performants et compétitifs. A ce titre, la région Draa Tafilalet (Errachidia) constituera la prochaine destination Nature dont le produit rural sera consolidé (un immense potentiel de kasbahs, paysages, oasis…. attend en effet d’être valorisé).
Pour les autres régions pour lesquelles le produit rural constitue un produit touristique complémentaire, l’ingénierie touristique a permis de rehausser le produit rural & nature en le plaçant parmi les produits à valeur ajoutée, notamment au niveau des destinations à positionnement balnéaire et culturel. Ceci est le cas des régions Souss Massa, Fès Meknès, Marrakech Safi…
Ce démarrage en douceur permettra d’assurer l’ancrage du produit nature dans l’offre touristique marocaine et d’assurer une optimisation de ses vertus économiques sur l’ensemble des destinations.
Comment pouvez-vous qualifier les écosystèmes du secteur du tourisme rural au Maroc et quelles sont les conditions de leurs valorisations ?
Le Maroc dispose d’ores et déjà de ressources rurales et naturelles diversifiées et différenciées par rapport à ses concurrents (paysages, patrimoine matériel et immatériel rural, artisanat, produits du terroir…). Cependant, leur transformation en écosystèmes performants s’avère assez capitalistique au vu des prérequis nécessaires pour ériger ses écosystèmes (aménagements, développements, mise en réseau, …).
En effet, pour construire les écosystèmes du produit rural (produit à forte portée locale et communautaire), il est assez important d’orienter les communautés locales et les entrepreneurs (notamment la TPME) de manière à mettre en place des projets de tourisme rural basés sur la communauté. L’objectif est d’utiliser le tourisme rural comme une ressource importante de revenus pour améliorer la qualité de vie, créer des emplois et préserver la culture et l’environnement naturel. Les projets vers lesquels l’effort se concentre permettront de structurer des écosystèmes forts offrant une variété d’activités rurales, culturelles et écotouristiques basées sur les spécificités locales, bénéficiant véritablement aux populations locales et représentant une offre de vacances riches en expériences. Il est donc vital, pour le tourisme rural, de soutenir cette approche de développement via le soutien aux TPME.
Qu’en est-il de l’offre touristique liée à ce segment et de la diversification du produit de l’écotourisme rural ?
Aujourd’hui, l’offre existante est peu structurée, modeste et reflète un secteur en plein développement souffrant d’une part assez importante du secteur informel. D’où l’importance de structurer efficacement l’offre et de préparer sa montée en puissance en mettant en place des mécanismes d’impulsion de l’investissement touristique en milieu rural.
L’amélioration de l’attractivité des écosystèmes permettra de participer à l’atteinte des objectifs en terme d’amélioration des nuitées et ce, en agissant significativement sur l’amélioration de la durée moyenne de séjour et le taux de retour.