Mounir Serhani
Par: Noureddine Mhakkak
Mounir Serhani ,docteur ès lettres françaises et agrégé de langue et littérature françaises, ancien élève de l’ENS de Lyon, Mounir Serhani, né en 1982 à Ksar El Kébir, au Maroc, est l’auteur de trois recueils de poésie, d’un essai philosophique sur l’Islam et la question de l’interprétation et traducteur d’une dizaine de recueils de poésie de plusieurs poètes marocains et arabes. Il a également publié deux romans: Il n’y a pas de barbe lisse en 2016 et Le Hangar en 2017. Mounir Serhani est lauréat de trois prix littéraires : prix 2M pour la poésie, prix de l’AMEF pour la nouvelle et prix Cercle des lecteurs disparus. Élu au bureau exécutif de la Maison de la Poésie et secrétaire général adjoint de l’association internationale, CIREB, chercheur dans le domaine de la Nouvelle Brachylogie, Mounir Serhani habite enseigne la littérature française à l’Université Hassan II de Mohammedia.
Voici une interview avec lui .Bonne lecture .
Que représentent les arts et les lettres pour vous?
La vie ! Toute la vie, la vraie, digne de ce nom. La littérature, les livres et la bibliothèque me procurent plusieurs à la fois et grâce aux arts je me permets d’ouvrir des fenêtres dans l’âme pour découvrir les plis de mon existence, ces zones cachées dont on ne sait rien. Quand je lis un roman, j’écoute les voix des personnages, je sens leurs peaux, je m’inspire de leurs joies, je compatis à leurs sorts, je devine leurs destins, je les suis, je les pourchasse, je les aime, je les appréhende… Bref, je les vis ! La littérature nous offre cette possibilité miraculeuse : vivre plus que les autres. C’est une pure « métempsychose » qui nous élève trop haut afin d’adhérer à une existence éthérée et aéréenne. Qu’est-ce que la vie sinon ce tableau qui te fait voyager, rêver et halluciner ? Peut-être la vie serait-elle ce moment intime que nous partageons avec un peintre qui a crée dans l’isolement et que nous avons aimé à distance. Peut-être la vie serait-elle ce personnage qui vous ressemble et vit votre vie, autrement, plus agréablement, doucement ou sans doute tragiquement ! Peut-être la vie serait-elle ce film que nous avons regardé dans le noir et à la sortie de la salle de cinéma nous nous sommes vus dans le miroir pour se regarder enfin, s’aimer ou se détester… Toute la fiction que nous promettent les arts et les lettres me sont une réalité, la seule et l’unique réalité que je vis pleinement. En dehors des œuvres d’art, tout est illusoire!
Que représente l’écriture pour vous?
L’écriture est une véritable catharsis. Et ce n’est pas une métaphore. Écrire permet d’extérioriser ce que nous saurons dire aux autres, ce que nous ignorons de nous-mêmes. L’inconscient du texte va au-delà de notre lucidité et nous dépasse pour être notre vérité. J’écris donc pour ne pas m’ennuyer, pour ne pas mourir. L’acte d’écrire est un acte douloureusement solitaire, isolé du monde, mais qui se fait dans le monde. Écrire est salvateur dans la mesure l’écriture nous exhume de notre état quotidien banal et prosaique, nous sauve du gouffre qui nous guette à chaque réveil. Chaque livre écrit est un suicide différé, dirait Cioran.
Parlez-nous des villes que vous avez visitées et qui ont laissé une remarqauble trace dans votre parcours artistique.
Vous savez, le voyage est une ressource indispensable pour l’Homme et une mine d’or pour l’écrivain, le poète et l’artiste. J’imagine mal un écrivain qui ne voyage pas ! Moi, j’ai fait le tour de plusieurs villes, ici et ailleurs. Au Maroc, j’aime Ksar El kébir, ma ville natale, mon premier giron, la ville omniprésente dans mes textes, Assilah, cette mer bleue et paisible, cette maison ancrée dans l’Histoire, cet arôme insolite qui te prend des tripes, la ville où je vivais des conversations longues et délicieuses avec mon père, l’été, sur une terrasse donnant sur l’Atlantique, Safi, cette fille rebelle qui te chuchote des confidences infantiles et te parle minutieusement des poissons et des marins insaisissables. J’aime Rabat qui m’a vu naître parmi les écrivains amis, cette ville diplomatique qui sait abriter les étrangers et les néophytes. Ailleurs, mes villes sont à légion : le Caire, une ville dont on ne sort jamais indemne, les vieux quartiers te donnent l’impression que tu vis un autre temps, Tunis, cette voisine qui nous ressemble, ce fragment méditéranéen qui exerce une attraction sur nous maghrébins et nous fait penser à Carthage, la Mecque où tu te sens au centre de la terre, où la gravité est très intense, Berlin où les rues t’apprennent à marcher de nouveau, Prague où tu marches sur les traces de Kafka, Paris où les lieux te reconnaissant quand tu passes, Lyon où la rivière te transporte d’une rive à une autre et te fait penser à Malek Chabel avec qui tu as partagé un café très chaud, à Todorov que tu as rencontré par hasard. Je pense aussi à ces villes qui m’ont assigne de la longénvité : Montréal, Lisbonne, Genève, Séville, Strasbourg, Kairouan, Alenxandrie, Venise… Le monde de mes villes est grand et moi loin de mes villes je me sens petit!
Que représente la beauté pour vous ?
La beauté est notre raiosn de vivre. Comment vivre sans sentir le beau, sans voir le beau, sans rencontrer le beau. La beauté est multiple, plurielle, protéiforme, polymorphe, omniprésente… En tout cas, elle a plusieurs visages. Tantôt elle est femme, tantôt elle est texte. Parfois, elle nous fascine. Souvent, elle nous coupe le souffle. La beauté, c’est le visage de ma mère, son sourire, son histoire tatouée rides. La beauté, c’est le reproche que me fait ma dulcinée d’être distrait. La beauté, c’est ce texte que j’écris viscéralement pour gommer la laideur du monde. La beauté, c’est cet enfant qui se lance dans mes bras, souriant, sincère et naturel, et me dit, dans les yeux : Je t’aime Papa!
Parles-nous des livres que vous déjà lus et qui ont marqué vos pensées.
J’aime toujours qu’on me pose une question sur mes lectures car cela me permet de présenter ces amis dignes de ce nom ; ces amis que je fréquente au quotidien tels que René Char, Emil Cioran, Mircea Eliade, Franz Kafka, Stéphan Zweig, Annie Arnoux, Philippe Roth, Ernest Hemingway, Garcia Marquez, Brogés, Sara Mago… pour ne citer que ceux-ci. Tous les livres m’ont marqué, sans exception : de Germinal de Zola (mon premier roman de chevet) à 4321 de Paul Auster (ma lecture la plus récente) en passant par le Coran et la Bible ! Mes lectures s’inscrivent à la croisée des disciplines : la littérature, la philosophie, la science et l’histoire de l’art. Je crois qu’un bon écrivain se doit d’être un lecteur boulimique qui lit et ne cesse de lire. En lisant, on s’imprègne des autres et on fuit l’ennui de l’acte d’écrire qui s’empare souvent de nous quand on s’y adonne. Lire c’est se déniaiser, se défaire de la naïveté intellectuelle à même de nous plonger dans un ego faussement hypertrophié.