Manipuler le consommateur, credo de la publicité subliminale!

Salima Jazi, responsable de la filière marketing à ENCG de Settat

Par Karima El Otmani (MAP)

Faire passer un message sans le formuler de manière explicite, c’est la finalité de la publicité subliminale, une technique pour orienter de manière inconsciente le comportement du consommateur. Étant le rêve sublime de tout marketeur, intégrer entièrement un consommateur est le credo même de cette pratique publicitaire.

Un message subliminal est un stimulus qui est perçu en dessous du niveau de conscience mais intégré par le cerveau, il s’agit d’un agent susceptible de provoquer un changement de comportement chez une cible. Le cerveau, qui effectue sans cesse un tri des informations, n’applique pas le même filtre à tous les niveaux de conscience, ainsi certaines informations peuvent influencer les émotions sans que le cerveau conscient y ait eu accès.

L’objectif étant d’influencer à son insu le comportement du consommateur, la publicité subliminale fait de l’art de la persuasion son arme par excellence, elle trouve son fondement dans la psychanalyse, qui a su démontrer que nos rêves, nos pulsions et notre comportement s’expliquent par l’action de notre inconscient. La technique de la publicité subliminale consiste à manipuler le consommateur et le pousser à l’acte de l’achat, sans que celui-ci sache même que le produit lui avait été présenté. Le message peut être visuel ou auditif.

«Le mot +subliminal+ vient du latin, sub limen, ce qui signifie +sous le seuil+. Un message subliminal est donc une information sous le seuil de conscience ou à la limite du seuil perceptuel. Donc par définition si on expose un groupe à un message subliminal on devrait avoir 50/50. 50% de gens qui ont perçu le message et 50% qui n’ont rien perçu», a expliqué, Salima Jazi, responsable de la filière marketing et action commerciale à l’École nationale de commerce et de gestion (ENCG) de Settat.

Le seuil de détection des messages subliminaux, a-t-elle souligné, varie selon les personnes, et dépend également du fait que l’on soit informé de sa présence ou pas. «En cinéma, 24 images défilent par seconde. La publicité subliminale consiste à insérer une 5ème image hors contexte, qui ne s’affichera que 0,04 seconde». Selon la professeure en Marketing, le message subliminal peut être sonore, dans ce cas il est à peine audible, ou compréhensible et on ne peut le détecter qu’en accélérant ou ralentissant la vitesse de défilement de la bande. Et enfin, il peut être visuel, dans ce cas le message subliminal n’est pas perçu au premier coup d’œil car rarement placé au premier plan.

Il est à souligner que l’histoire de la publicité subliminale remonte à 1956 lors de la diffusion d’un film dans une salle de cinéma à New Jersey. Durant les 6 semaines de projection du film, et à l’initiative de James Vicary, (un chercheur et consultant en marketing et par ailleurs inventeur du terme «subliminal advertising») des images incitant à la consommation de deux produits ont été insérés. Il affirme obtenir des résultats remarquables et que la vente de ces deux produits a augmenté de façon remarquable. Depuis, un mythe est alors né.

Peu de temps après, a poursuivi Mme Jazi, des expériences d’autres chercheurs ont démontré que l’effet de la publicité subliminale avancé par Vicary est loin de la réalité, amenant ce dernier à revenir sur ses conclusions et à avouer publiquement qu’il avait trafiqué les chiffres pour promouvoir son agence. Et pourtant la polémique persiste toujours.

Dans le système publicitaire marocain, la publicité subliminale est utilisée mais c’est très difficile d’en cerner les contours et encore moins d’avoir des chiffres concernant son ampleur, a fait savoir la professeure, notant qu’on est dans un pays ouvert sur le commerce international, et que le consommateur marocain est soumis par la force des choses à la publicité subliminale de plusieurs multinationales présentes sur place ou qui commercialisent leurs produits sur le marché marocain.

L’enjeu majeur que représente ce type de publicité, a précisé Mme Jazi, est l’absence d’un cadre juridique clair qui régit ce type de publicité ainsi que la faiblesse de nos associations de consommateurs et leur incapacité à surveiller et cadrer de plus près les publicitaires qui utilisent ce type de publicité. Et d’ajouter que l’usage des différents supports de communication proposés aujourd’hui par internet complique la tâche de ces associations ainsi que de la Haute autorité de communication audiovisuelle (HACA).

Le législateur marocain n’a pas légiféré expressément sur cette pratique contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays, a-t-elle fait observer, soulignant que ce type de publicité est interdit par la loi marocaine puisque cette dernière interdit toute manœuvre (action ou omission) qui amène le consommateur à acheter un produit sans consentement.

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