Abdeslam Ammor, Président de l’Alliance de l’enseignement privé au Maroc
Abdeslam Ammor, Président de l’Alliance de l’enseignement privé au Maroc, estime que le secteur de l’enseignement privé subit une pression sans précédent en faisant l’objet d’une campagne systématique de dénigrement. Notre interlocuteur souligne l’idée selon laquelle l’implication des associations des parents d’élèves dans les négociations a eu des effets pervers, en voulant imposer leur solution.
Al Bayane : Quelles sont les causes de la grève nationale des établissements de l’enseignement privé?
Abdeslam Ammor : Le secteur de l’enseignement privé subit une pression sans précédent. En fait, nous faisons l’objet d’une campagne systématique de dénigrement, sachant que nous ne ménageons aucun effort pour contribuer aux efforts entrepris par l’Etat dans le secteur et offrir un service de qualité qui répond aux attentes des parents d’élèves. Nous estimons qu’on a détourné le débat au lieu de s’attaquer aux questions de fond qui portent sur le secteur entier. Nous avons décidé d’entamer cette grève préventive pour faire cesser les attaques qui portent atteinte à l’honneur voire la dignité de l’ensemble du staff des établissements privés. Les manifestations qui ont eu lieu la semaine dernière ne représentent pas la majorité des parents. Si on nous avait écoutés lors de l’envoi de la lettre au gouvernement, on aurait pu éviter ce litige.
Il faut relever que le débat s’est focalisé uniquement sur l’aspect matériel des choses d’autant plus que le secteur de l’enseignement privé n’a fait qu’exécuter les mesures prises par le département de tutelle dans le cadre du confinement sanitaire, visant à garantir la continuité pédagogique. Il ne faut pas omettre qu’il y avait une intervention du ministère de l’éducation nationale qui a chargé les académies régionales en tant qu’organe de médiation pour régler le différend opposant les parents aux établissements de l’enseignement privé. Ainsi, nous avons fait preuve de bonne foi et les réunions se sont déroulées dans des conditions optimales. Ce qui a débouché sur la prise de plusieurs décisions importantes qui servent les intérêts des parents d’élèves.
Les parents d’élèves vous taxent d’intransigeance, partagez-vous cet avis?
Je rappelle que notre priorité consiste à remplir convenablement notre mission. Ceux qui nous accusent d’intransigeance ont tort. Loin de là, nous avons affiché une attitude compréhensive à l’ensemble des revendications des parents d’élèves. Il y a des parents qui ont été exonérés à 100%. Pour d’autres, la mensualité a été revue à la baisse à la hauteur de 20% ou encore 50% selon la situation financière de chaque parent. J’affirme que nous sommes disposés à examiner chaque dossier selon le principe du cas pas cas. Malheureusement, les associations des parents d’élèves ont voulu nous imposer leur propre loi en exigeant une baisse générale de 50 %. Une telle revendication a vidé de substance tous les efforts déployés pour faire aboutir ce dossier. Soulignons dans ce sens que la santé financière des établissements privés n’est pas toujours reluisante. Comme quoi, il y a des établissements qui arrivent à peine à couvrir leurs charges financières.
N’estimez-vous pas qu’il y ait un problème qui porte essentiellement sur le contrat qui vous lie aux parents d’élèves?
Je dois clarifier que l’apprentissage à distance ne peut jamais se substituer à l’enseignement présentiel. Tous les experts et pédagogues sont d’accord sur ce point. Nous étions obligés d’appliquer les consignes du ministère de l’éducation nationale car il y a va de l’intérêt des élève. Sans omettre le cas de force majeur. Donc, c’est aux instances étatiques notamment le gouvernement et le parlement que doivent se diriger les parents d’élèves pour avoir des réponses claires.
Il faut mettre l´accent sur le fait que l’implication des associations des parents d’élèves a eu des effets pervers, en voulant imposer leur solution. On ne peut pas être en même temps juge et partie. Nous nous sommes engagés à assurer la continuité pédagogique à tous les élèves sans exception. En plus, nous avons décidé d’annuler les frais de transport, entres autres, pour toutes les familles. Il se pourrait qu’il y ait des dérapages mais ça restent des cas isolés qui sont d’ailleurs inacceptables. Qui plus est, force est de constater que certains milieux veulent surfer sur la vague pour instrumentaliser ce différend en ayant des visées purement électorales ou autres.
Quelles sont exactement vos revendications?
Nous voulons que l’Etat nous apporte son soutien dans cette crise qui n’a d’ailleurs épargné aucun secteur pour que les établissements privés puissent continuer convenablement leur mission. En termes plus clairs, nous demandons la mise en place d’un plan de relance et mettre à notre disposition un fonds à l’instar de «Damane oxygène», contenant des facilités de crédit plus incitatives. Aussi, souhaitions-nous un prolongement de délais du paiement des taxes, impôts et des cotisations sociales, soit six mois ou même plus. Notre seule source, c’est les mensualités et rien d’autres. Nous sommes un secteur comme les autres, qui paie les impôts et contribue aux efforts de la politique publique de l’enseignement menée par l’Etat.
Comment évaluez-vous la gestion gouvernementale de ce dossier?
Je dois souligner que le gouvernement est appelé à nous livrer sa vision quant à la prochaine rentrée scolaire, une vision contenant les modalités à suivre et les mesures préventives…Qui plus est, nous appelons à la mise en place d’un cadre juridique régissant l’enseignement à distance et l’accélération du processus de la mise en œuvre de la loi-cadre qui va régler certainement des problèmes cruciaux . Nous voulons qu’une nouvelle loi voit le jour portant sur le fonctionnement et le rôle de l’association des parents d’élèves, une loi adaptée au secteur privé. Bref, le secteur de l’enseignement privé se positionne comme un véritable partenaire de la politique de l’Etat dans la réforme du secteur.