Débat sur la campagne de vaccination contre la Covid-19 à la Chambre des Conseillers
M’Barek Tafsi
Le Maroc fait partie des pays qui ont pris des mesures proactives pour endiguer la propagation de la pandémie du Covid-19 et lutter contre ses répercussions. Il a été aussi l’un des premiers pays à avoir annoncé sa commande de vaccins du géant pharmaceutique chinois Sinopharm pour vacciner «25 millions» d’habitants de sa population, au terme d’une campagne, dont le lancement avait été prévu pour le 11 Décembre dernier, a indiqué le Conseiller parlementaire, Me Abdellatif Ouammou, citant des propos du ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb.
Dans une contribution écrite, en son nom et en celui du Conseiller Addi Chajri (groupement du PPS), au débat autour de « la stratégie nationale de vaccination contre la Covid-19 », thème retenu pour la séance mensuelle des questions relatives à la politique générale adressées au chef du gouvernement, du Mardi 19 Janvier à la Chambre des conseillers, Me Ouammou a rappelé les mesures proactives salutaires prises au départ pour lutter contre la pandémie, tout en s’arrêtant sur « la stratégie de vaccination anti-covid », annoncée en novembre dernier par le ministre de la Santé.
Selon le ministre, a-t-il dit, cette stratégie couvre toutes les régions du pays. Elle se propose de vacciner en premier les professionnels de santé, les autorités, les enseignants, les personnes âgées et les porteurs de maladies chroniques durant une période estimée à 12 semaines devant prendre fin au début du mois de mars prochain, alors que le lancement avait été prévu pour le 11 Décembre dernier.
Dans un exposé présenté devant la Commission des secteurs sociaux à la Chambre des représentants, le 15 décembre 2020, le ministre de la Santé avait en effet fait état de la mobilisation de 25.631 personnes pour cette opération (14.423 en milieu urbain, 11.208 en milieu rural) avec la possibilité de faire appel aux médecins du secteur privé, aux étudiants des facultés de médecine, aux établissements des professions d’infirmerie, au Croissant Rouge et aux Organisations de scoutisme.
Tout en s’arrêtant sur les autres éléments présentés par le ministre de la Santé, Me Ouammou s’est félicité de tous ces efforts, qui dénotent la prise de conscience gouvernementale des exigences de l’étape actuelle qui requiert la mobilisation de toutes les possibilités nécessaires, techniques et logistiques, des capacités scientifiques et des ressources humaines nécessaires pour la réussite de cette opération.
Mais, depuis l’annonce de cette stratégie, beaucoup de temps s’est écoulé. Le pays attend toujours la livraison des vaccins promis. Ce retard a ouvert la voie à toutes les spéculations, aux fake-news, aux rumeurs et à la désinformation, une situation aggravée le manque de communication du gouvernement pour donner à l’opinion publique des informations fiables à ce sujet.
Empressement et excès d’optimisme
Et le Conseiller Ouammou d’interroger le chef du gouvernement au sujet de l’objectif de l’annonce précoce, selon laquelle le Maroc sera l’un des premiers pays dans le monde, devant même des pays développés, à bénéficier de ce vaccin.
Mais quel est le secret de cet empressement et de cet excès d’optimisme, à un moment où même les résultats des essais cliniques n’étaient pas connus et durant lequel l’Organisation mondiale de la santé n’avait approuvé aucun vaccin, s’est il encore interrogé.
Mais pourquoi avait-on annoncé le lancement de cette opération le 11 décembre 2020, alors que le pays ne disposait même pas des moyens logistiques nécessaires, s’est-il encore demandé.
Partant de ce qui précède, a-t-il dit, il est légitime aussi de s’interroger même sur la fiabilité des indicateurs actuels au sujet aussi bien en ce qui concerne les tests de dépistage et leur cadence qu’en ce qui concerne les nouveautés et la nature du vaccin ou des vaccins qui doivent être approuvés. Il s’est interrogé, en particulier, sur les causes du retard flagrant qu’accuse le lancement de l’opération de vaccination, compte tenu des délais annoncés précédemment.
Il a invité aussi le chef du gouvernement à assumer pleinement sa responsabilité dans la communication transparente avec l’opinion publique nationale pour lui donner une image claire à propos de ce retard et fournir les réponses requises aux interrogations croissantes des citoyennes et citoyens afin de mettre fin à la propagation des doutes, des interprétations et des rumeurs à ce sujet.
Selon le Conseiller, le Maroc doit se rendre à l’évidence qu’il ne fait pas partie des premiers pays à avoir lancé la campagne de vaccination de ses habitants. Il doit également bien comprendre qu’il ne dispose d’aucune garantie sur le fait qu’il va le faire à moyen terme, alors qu’au départ, il avait annoncé que cette opération, dont le lancement avait prévu le 11 décembre 2020, devait prendre fin au début du mois de Mars prochain.
Mais ce qui est encore plus préoccupant, d’après Ouammou, c’est la faible communication du gouvernement avec l’opinion publique sur tous les plans, à commencer par les accords conclus avec les pays producteurs et en passant par la nature des engagements des uns et des autres en cas de complication de la situation des personnes soumises aux expériences et jusqu’à la livraison, le stockage et la distribution des vaccins.
Ce black out laisse évidement la voie libre aux doutes, à l’heure de la domination des réseaux sociaux sur la communication et aux déclarations approximatives des responsables gouvernementaux, a-t-il dit, soulignant qu’il est temps pour le ministère de la santé d’associer tous les acteurs au chantier de redressement de l’ensemble du système national de santé, soumis à toutes les pressions.
La farce de l’immunité collective
A travers cette vaste campagne de vaccination promise, le ministère s’est en effet fixé pour objectifs de réaliser une immunité collective pour stopper la propagation du coronavirus, atténuer la pression sur les services de réanimation et sur le système de santé en général et réduire par conséquent le nombre des décès causés par la pandémie, a-t-il rappelé. Ce qui devra contribuer évidemment à la relance de l’économie après la levée de toutes les restrictions sur la libre circulation des personnes, a-t-il ajouté, notant que l’annonce de l’efficacité des vaccins développés contre la pandémie a redonné l’espoir de sortir de cette situation de paralysie et de crise dans le monde entier.
En attendant, le Maroc n’a pas encore reçu les vaccins commandés, a-t-il dit, rappelant que le pays dispose heureusement d’une longue culture de vaccination, qui devra en principe faciliter le déroulement de l’opération dans son ensemble et contribuer à sa réussite, sachant qu’il s’agit d’une vaste opération qui vise à l’immunisation collective de la population.
Malheureusement, a-t-il ajouté, le nombre des doses produites jusqu’à présent dans le monde ne suffit pas à satisfaire toutes les commandes.
Ce qui requiert du Maroc de redéfinir ses priorités, a-t-il dit, émettant l’espoir que la mise en œuvre de cette stratégie se déroule loin de tout clientélisme et népotisme et que le vaccin soit gratuit comme initialement prévu.
Cette campagne de vaccination doit bénéficier en premier, a-t-il proposé, à ceux qui sont dans la ligne de front mais également et surtout à toutes les personnes vulnérables (13% de la population), les vieillards et les porteurs de maladies chroniques.
Quant au gouvernement, a-t-il dit, il est tenu d’assumer ses responsabilités non seulement en ce qui concerne la mobilisation des moyens logistiques nécessaires, mais également et surtout en ce qui a trait à la communication sereine, transparente et responsable avec l’opinion publique, pour restaurer la confiance des citoyens en leurs institutions et aider à la réussite de la campagne de vaccination collective prévue.
Au cours de cette campagne de communication, il est notamment recommandé de s’appuyer sur une approche scientifique et d’utiliser les langues arabe et amazighe sans oublier le dialecte Hassani pour faire parvenir aux citoyens de manière précise, facile, et accessible à tous les messages officiels qu’il faut.
Otmani : « nous continuons d’espérer »
Au cours de cette séance, le Chef du gouvernement Saad Dine El Otmani a en effet convenu que le pays ne dispose pour le moment d’aucune visibilité, se contentant d’avancer que «nous avons l’espoir de recevoir le vaccin prochainement».
Et pourtant le pays a mobilisé tous les moyens financiers, humains et logistiques nécessaires, a-t-il dit, notant que le gouvernement suit de près l’affaire de livraison au Maroc du vaccin par les fournisseurs.
Il a rappelé au passage que le pays avait conclu deux accords pour s’approvisionner en vaccins anti-Covid-19 avec le laboratoire chinois Sinopharm et le laboratoire suédo-britannique AstraZeneca.
Il a également rappelé que cette opération de vaccination s’appuie sur quatre piliers: transparence, volontariat, gratuité et solidarité.