Ahmed Assid, président de l’Observatoire amazigh des droits et libertés
Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef
Une année blanche pour l’amazighe. En effet, en 2971, les acteurs et institutions concernés sont invités à se pencher sur plusieurs chantiers à savoir l’enseignement, et sa généralisation, sans oublier bien entendu les medias et l’administration.
Pour ce qui est de la reconnaissance du Nouvel An amazigh comme fête nationale et jour férié, Ahmed Assid, activiste et président de l’Observatoire amazigh des droits et libertés, affirme « qu’il n’y a plus aucune raison valable pour continuer à ignorer cette revendication, dont tous les facteurs favorables sont réunis actuellement : la reconnaissance constitutionnelle depuis 2011, l’adoption de la loi organique depuis 2019 ». Les détails !
Al Bayane : Pourquoi «Yennayer» ? Au-delà de la portée historique et symbolique, est-il temps de reconnaitre le Nouvel An amazigh comme fête nationale et jour férié?
Ahmed Assid : Parce qu’il n’y a plus aucune raison valable pour continuer à ignorer cette revendication, dont tous les facteurs favorables sont devenus réunis actuellement : la reconnaissance constitutionnelle depuis 2011, l’adoption de la loi organique depuis 2019, ceci s’ajoute à la reconnaissance du Nouvel An amazigh en Algérie comme fête nationale et jour férié. En plus, au niveau national et socioculturel, il y a le facteur le plus fortement visible, qui est les festivités populaires que le Maroc connaît dans toutes ses régions du Nord au Sud, qui sont des célébrations menées par des familles, par la société civile et même des élus locaux.
Ce qui indique la profondeur historique et l’enracinement de cette tradition ancestrale dans la culture nationale. L’absence persistante d’une reconnaissance officielle de la part des décideurs est un entêtement incompréhensible, en plus d’être une violation de la constitution et de la loi organique, et un mépris de l’histoire et de la réalité marocaines.
Cette année est presque blanche pour l’amazighe. Quel bilan faites-vous de la situation amazighe dans les domaines de l’enseignement, des médias et du paysage culturel ?
C’est le blocage total, rien n’a été réalisé depuis des années, même quand il s’agit de quelques postes budgétaires consacrés à quelque dizaines d’enseignants de l’amazighe chaque rentrée scolaire, cet acquit se vaporise quand on affecte ces enseignants issus de centres de formation pour enseigner la langue arabe. Sans parler de paysage médiatique où l’amazighe a connu un revers majeur depuis 2011, c’est à dire depuis que l’amazighe est devenue «officielle».
Et malgré que le chef du gouvernement actuel avait adressé une note à tous les responsables d’institutions publiques en leur suggérant de commencer la mise en œuvre du caractère officiel de l’amazighe, son initiative semble tomber dans l’oreille d’un sourd.
L’année de 2970 a été marquée par le débat qui a suivi le projet de loi N°04.20 relatif à la Carte nationale d’identité électronique (CNIE). En outre, comme vous le savez, le projet de loi organique 26.16 visant la généralisation de la langue amazighe comme langue officielle prévue dans la nouvelle Constitution avait été adopté, en juillet 2019, par la Chambre des représentants. A votre avis, quels sont les grands chantiers sur lesquels il faut se pencher en 2971 ?
C’est d’abord le chantier de l’enseignement, car sans la généralisation de l’enseignement de l’amazighe cette langue ne sera jamais réellement une langue d’institutions. Dans la loi organique, il est mentionné que la généralisation de l’amazighe dans le primaire devrait s’effectuer en 5 ans, voici déjà un an qui s’est écoulé sans que rien ne soit fait. Et puis bien sur le 2ème chantier, c’est les medias et puis les tribunaux et l’administration… et pour respecter les délais de la loi organique ; il a fallu commencer la réalisation de ses articles depuis octobre 2019.
Aujourd’hui, il y a ce grand débat sur le nouveau modèle de développement. A votre avis, quelle place occupera l’amazighe dans ce nouveau modèle de développement ? Et quelles sont vos propositions pour que cette composante importante de notre identité ait la place qui lui revient ?
Plusieurs mémorandums ont été faits et présentés à la commission, que ça soit par l’IRCAM ou par les organismes civils, et je crois que tout le monde a souligné la nécessité de commencer sérieusement la mise en œuvre du statut officiel de l’amazighe dans tous les secteurs de la vie publique sans exception. Ce qui fera de la langue et de la culture amazighes un véritable vecteur du développement local, et aussi une langue vivante et productive.