Par Naoufal Enhari – MAP
Hyper-motivée et dévouée à son travail de recherche, Bouchra Taib est une jeune scientifique marocaine, qui s’est fixée comme ambition de percer les mystères du cerveau comme régulateur du métabolisme énergétique du corps humain.
Un objectif d’une grande importance pour le développement de la médecine et la prévention de certains problèmes de santé les plus répandus de notre temps, à l’instar de l’obésité qui induit à des maladies chroniques et difficiles à traiter comme le diabète.
En effet, l’épidémie d’obésité, due en partie à une consommation excessive de nutriments riches en calories, représente un fardeau socio-économique mondial majeur, y compris au Maroc.
« Ceci appelle de toute urgence à une meilleure compréhension des causes sous-jacentes de l’augmentation de la prise de poids et de ses comorbidités métaboliques associées, telles que le diabète sucré de type 2 », souligne, dans une interview à la MAP, Bouchra Taib, qui a notamment mené des recherches postdoctorales à l’École de médecine Perlman à l’université de Pennsylvanie (UPENN).
Dans le cerveau humain, il est désormais bien établi qu’une région qui porte le nom de l’hypothalamus joue le rôle de centre d’intégration crucial pour le contrôle de l’homéostasie énergétique, explique la scientifique marocaine, qui a aussi travaillé comme chercheure associée au Département d’endocrinologie, diabètes et métabolisme à l’École de médecine de la prestigieuse Johns Hopkins University.
Mais le système nerveux reste l’un des organes les plus complexes du corps humain, qui abrite plusieurs milliards de neurones, ce qui rend la compréhension et l’explication de son fonctionnement « un défi pour la recherche fondamentale en neurosciences ». A cela s’ajoute la finalité thérapeutique qui consiste à mieux comprendre le cerveau pour mieux soigner les maladies cérébrales, relève-t-elle.
Bouchra fait observer aussi que des populations de cellules distinctes, au sein de l’hypothalamus, détectent l’état nutritionnel de l’organisme et intègrent les signaux des hormones périphériques, y compris l’insuline dérivée du pancréas ainsi que d’autres hormones dérivés de tissus, notamment l’intestine et le tissu adipeux pour réguler l’apport calorique, le métabolisme des nutriments et la dépense énergétique.Ces cellules de l’hypothalamus sont aussi connectées à diverses régions cérébrales extra hypothalamiques, permettant une réponse comportementale coordonnée.
Selon elle, les expérimentations menées en laboratoire sur des rongeurs ont beaucoup aidé à mieux comprendre la régulation dépendante du système nerveux central de l’homéostasie énergétique, mais « le chemin est encore long et beaucoup de mécanismes restent encore à découvrir pour mieux comprendre comment la dérégulation de ces réseaux neuronaux impliqués peut conduire à la surnutrition induisant obésité et diabète ».
« Par conséquent, le fait d’améliorer notre compréhension de ce processus pourrait ouvrir la voie au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques, que ce soit pour l’obésité ou le diabète », soutient Bouchra, qui a récemment décidé de rentrer au Maroc afin de contribuer au développement de la recherche scientifique dans son pays natal, notamment au sein de l’université Ibn Tofail de Kénitra, tout en restant active au sein du Réseau des compétences maroco-américaines aux États-Unis (AMCN).
« Je dois avouer que j’ai été agréablement surprise par l’encouragement et le soutien que le président de l’université Ibn Tofail apporte particulièrement au développent de la recherche scientifique au sein de cet établissement », tient-elle à préciser.
Évoquant sa « passion » pour la recherche sur le rôle du cerveau dans le contrôle de la prise alimentaire et du métabolisme énergétique, Bouchra Taib confie l’avoir contractée d’abord lors de ses études doctorales au Canada au sein du Centre de recherche du diabète de Montréal, sous la direction du Dr Thierry Alquier « qui a su me transmettre cette passion qu’il a pour la recherche en neuroendocrinologie ».
Ensuite, son passage aux Universités de Pennsylvanie et de Johns Hopkins lui ont permis d’enrichir ses connaissances, étant donné qu’elle a pu se frotter et collaborer avec des experts multidisciplinaires incluant des chercheurs en recherche fondamentale, transnationale, des cliniciens et des épidémiologistes, « ce qui permettait d’avoir une démarche complète allant du banc de laboratoire à la clinique », explique-t-elle.
S’agissant de la recherche scientifique au Maroc, Bouchra note que face à la pression et la concurrence croissantes au sein des institutions de recherche scientifique du monde entier, « le Maroc, ses chercheurs et scientifiques, ont besoin maintenant plus que jamais, de démontrer leurs résultats de recherche, de générer de la visibilité et de surveiller l’impact de leurs travaux ».
Selon elle, « les responsabilités des scientifiques ne découlent pas simplement du fait que leurs recherches sont financées directement ou indirectement par le public, mais parce qu’elles sont menées au nom des besoins de la société et ses priorités pour assurer son développement ».
Faire en sorte qu’il soit facile pour les chercheurs d’entrer en contact, de partager et d’accéder à la production scientifique, aux connaissances et à l’expertise augmentera le travail collaboratif et générera plus de bourses de collaboration pour les chercheurs, ce qui peut réduire les coûts et éviter de perdre du temps et de l’argent sur certaines hypothèses déjà testées, fait valoir la jeune scientifique.
Car, pour elle, « seule une approche pareille permettrait le développement de la recherche scientifique au Maroc ».
Évoquant, par ailleurs, son action au sein de l’AMCN, Bouchra Taib confie avoir rejoint ce Réseau de compétences maroco-américaines « d’abord en raison de sa structuration originelle qui contourne toute forme de barrière géographique ou de domaine d’expertise ».
L’AMCN, explique-t-elle, est un réseau virtuel qui fournit une plate-forme pour rassembler les compétences marocaines des quatre coins des États-Unis couvrant une grande variété d’expertises et de connaissances complémentaires pour contribuer au développement de leur pays d’origine, le Maroc, et promouvoir et faire progresser les efforts de la communauté marocaine en Amérique.