Intérim: entre précarité et insertion professionnelle?

noureddine-melgouL’intérim a vu le jour au début du siècle dernier aux Etats-Unis et un peu plus tard au Royaume-Uni, des pays ayant clairement adopté le modèle économique libéral.

Cette forme d’emploi a voyagé au-delà des frontières et s’est transposée en Europe vers le début des années 50 par l’implantation d’entreprises américaines du secteur en dépit des réticences et des refus des syndicats qui redoutaient une menace sur le modèle de l’emploi permanent.

Sur le plan des institutions internationales, la Conférence générale de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) a institutionnalisé l’activité de l’intérim dans le cadre de l’adoption, en juin 1997, de la convention qui sera dénommée «Convention sur les agences de l’emploi privé,1997», qui stipule qu’entre autres prestations, les agences d’emploi privé offre «les services  consistant à employer des travailleurs dans le but de les mettre à la disposition d’une tierce personne physique ou morale, désignée- L’entreprise utilisatrice -, qui fixe les tâches et en supervise l’exécution».

Au Maroc,l’emploi par intérim a débuté vers la fin des années 1990 par l’installation de multinationales du secteur et des entreprises locales de tailles plus ou moins petites, en dehors de tout cadre juridique et réglementaire.

Il a fallu attendre l’adoption de la loi n°99-65, relative au nouveau Code du travail (promulgué par Dahir n° 01-03-194, du 14 Rejeb (11 septembre 2003), pour voir réglementée l’activité de l’intérim,dans le cadre du titre relatif à l’intermédiation en matière de recrutement et d’embauchage.

Pour rappel, l’intérim est une relation triangulaire qui fait intervenir trois acteurs, à savoir l’agence de l’emploi privé, le salarié intérimaire et l’entreprise utilisatrice.

Les situations susceptibles d’être couvertes par l’intérim, prévu par le Code du travail, portent sur le remplacement d’un salaire pendant son absence, ou suspension de son contrat de travail, l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, l’exécution de travaux à caractère saisonnier, et les travaux pour lesquels il est de coutume de ne pas recourir à des contrats de travail à durée indéterminée en raison de la nature du travail.

S’agissant de la durée, elle correspond à la durée d’absence ou de suspension dans le premier cas de 3 mois dans le cas d’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, renouvelable une seule fois, et de 6 mois pour les autres cas.

La présence de l’intérêt  grandissant pour l’intérim par les entreprises au Maroc, ou à travers le monde est motivée par la réponse aux besoins des entreprises en matière de flexibilité associée à la compétitivité, la facilité et la rapidité d’embauche par les entreprises en cas d’accroissement  de l’activité et par l’offre aux demandeurs d’emploi de solutions temporaires face aux difficultés croissantes d’insertion dans le marché du travail.

Cet intérêt pour l’intérim est aussi partagé par les pouvoirs publics, suite aux crises économiques successives ayant amplifié le taux  de chômage des jeunes ou des moins jeunes, en raison des possibilités  offertes par l’emploi intérimaire dans l’insertion sur le marché du travail.

Dans la pratique, certaines entreprises font appel d’une manière importante aux services des intérimaires, pour passer outre des contraintes   du code du travail, ou pour des motifs de facilités de résiliation de contrat de travail, sachant que le remplacement d’un intérimaire est simple et il n’est pas subordonné au paiement d’une quelconque indemnité.

S’agissant des durées réglementaires fixées par le code du travail, elles ne sont que peu respectées des entreprises. Des intérimaires travaillent en permanence pour un employeur  à travers une succession de missions illimitées dans le temps, sans qu’ils soient insérés dans le statut des permanents.

En outre, le travail dans le cadre de l’intérim est associé à des tâches peu qualifiées et  de faibles perspectives professionnelles.

Eu égard aux cas observés, ou ceux racontés par les intérimaires eux mêmes, la multiplication des missions courtes, sans engagement à long terme, rendent l’insertion professionnelle à travers l’intérim peu probable, et amplifie la précarité des emplois temporaires.

Toutefois, rendre l’intérim un vecteur déterminant en terme de développement économique, et social par la réponse à la flexibilité recherchée par les entreprises, et sa fonction d’insertion des demandeurs d’emplois, exige la reconstruction de ses fondements.

Pour ce faire, il est pertinent d’accroître les durées des missions permettant un véritable apprentissage et un développement de l’employabilité, de procéder à l’élargissement des cas de recours à l’intérim  et la création d’un cadre réglementaire spécifique de formation visant le développement des expériences acquises  du personnel intérimaire, qui aujourd’hui est exclu du cadre de la formation continue de l’OFPPT.

En guise de conclusion, nous estimons que l’intérim doit être revu en tant que porte d’entrée sur le marché du travail, plutôt qu’une solution pour échapper au chômage, accompagné d’un cadre de contrôle plus stricte de la part des pouvoirs publics quant au respect des dispositions réglementaires y afférant.

Noureddine Melgou

(Directeur- Consultant à Inte Consulting)

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