Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
L’onde de choc de la guerre qui fait rage en Ukraine s’est propagée jusqu’en Asie de l’Est si bien que nombreux sont les Taïwanais qui craignent d’être les prochaines victimes dès lors que, depuis sa venue aux commandes de la Chine, le président Xi Jinping n’a eu de cesse de déclarer que la « réunification » de Taïwan avec la Chine continentale est un impératif « qui doit être réalisé et qui le sera » tôt ou tard, soit de manière pacifique soit par la force s’il en est besoin.
Pour rappel, ce concept de « Chine unique », qui n’est pas nouveau, avait été formulé, pour la première fois, en 1979, par Deng Xiaoping, l’ancien secrétaire du Parti Communiste Chinois, lorsque celui-ci avait lancé sa « politique de réunification pacifique » articulée autour du concept « un Etat, deux systèmes ».
Aussi, est-ce pour cette raison que des avions de chasse de l’Armée populaire de libération (APL), armée régulière de la République Populaire de Chine, font, très souvent, des incursions dans la Zone d’identification de défense aérienne (ADIZ), l’espace aérien, de Taïwan.
Mais en considérant que l’offensive russe en Ukraine pourrait servir de baromètre qui permettrait à la Chine d’évaluer le coût du recours à la force militaire pour « récupérer » Taïwan, il serait fort peu probable que cette dernière opte pour un tel schéma puisqu’à la différence de la Russie qui s’est trouvée acculée par le temps et par la proximité des forces de l’OTAN, la Chine dispose du temps nécessaire pour faire jouer, à sa guise et selon les circonstances, toutes les facettes de la guerre – juridique, psychologique ou encore économique – et de n’user, qu’en dernier recours, de la force militaire.
Autre difficulté et non des moindres, en étant une île et, de surcroît, bien armée du fait de l’important soutien que lui apportent les Etats-Unis – dont elle est le 9ème partenaire commercial avec 105,9 milliards de dollars de biens et services – et le Japon, Taïwan est, d’un point de vue militaire, beaucoup plus difficile à envahir que l’Ukraine, car la mise en œuvre d’une telle opération mettrait la Chine dans l’obligation d’organiser une invasion amphibie sophistiquée et très coûteuse.
En outre, si, en évoquant Taïwan, Joe Biden a toujours réaffirmé l’engagement de son pays à défendre « l’île rebelle », force est de reconnaître que lorsqu’il s’est agi de l’Ukraine, le président des Etats-Unis a tenu à préciser, dans une déclaration qui ne souffre aucune équivoque, qu’aucun soldat américain ne foulera le sol ukrainien pour le défendre contre l’invasion russe.
L’autre différence entre la Russie et la Chine réside dans le fait que si pour réorganiser le système international qu’elle remet en question, la Russie a opté pour l’usage des armes, l’Empire du milieu vise, quant à lui, à modifier le système international en vigueur par la mise en place de nouvelles normes et de nouvelles institutions qui soient conformes à son appréhension, sa vision du monde, ses valeurs et ses intérêts. La nouvelle route de la soie en est un parfait exemple.
Aussi, en ayant à l’esprit que la Chine serait plus intéressée par la fluidité des échanges économiques lesquels ont besoin de stabilité et non pas d’un conflit qui risquerait d’être un coup de pied dans une fourmilière, il est quasiment certain qu’à l’heure actuelle Pékin ne va pas prendre le risque d’imiter Moscou quand bien même la population de l’île rebelle est inquiète mais attendons pour voir…