Mohamed Benmoussa
Le NMD est totalement absent du programme gouvernemental
Dans son intervention, Mohamed Benmoussa s’est penché sur la portée du nouveau modèle de développement dont les réformes et les projets sont malheureusement absents dans le programme et les préoccupations du gouvernement actuel.
Pour les auteurs du rapport du NMD, le démarrage réussi de ces réformes est tributaire en grande partie des premières initiatives prises par le gouvernement lors du lancement de ce chantier d’envergure, qui couvre une période allant jusqu’en 2035, a-t-il affirmé.
Malheureusement, le gouvernement ne s’inscrit pas dans cette perspective, à l’exception de quelques chantiers dont le suivi est d’ailleurs assuré par l’institution monarchique, comme c’est le cas de la généralisation de la couverture sociale ou celui de la réforme du système de l’éducation nationale.
Dans l’esprit des experts du NMD, la réalisation des réformes structurelles est capitale pour la réussite de tout le chantier, qui se propose en dernier ressort la libération de toutes les énergies et le développement du pays sur tous les plans.
Selon Benmoussa, les projections retenues par le gouvernement se situent dans une autre direction que celle définie dans le NMD pour permettre de dépasser la crise de confiance dans le pays et la restaurer.
Le NMD insiste en effet sur l’impératif de combattre l’économie de rente et les zones occultes de contrôle de l’économie nationale, de promouvoir la moralisation de la vie publique et politique et de procéder à le réforme du système fiscal, du secteur bancaire, des établissements et entreprises publics et de la politique monétaire.
Il préconise aussi la refonte de la mission principale de Bank Al Maghrib.
Aujourd’hui BA ne dispose que de ce qu’on appelle un mandat unique, au lieu d’un mandat dual, qui doit lui permettre de s’occuper aussi de la supervision de la croissance de l’économie, de la préservation de l’emploi et de la réduction du taux de chômage. Bank Al Maghrib se contente à présent de maitriser l’inflation et la valeur du dirham.
Selon Benmoussa, le péché originel, qui empêche ce gouvernement de s’inscrire dans la perspective du NMD, trouve son explication dans les conflits d’intérêts dans lesquels il est empêtré depuis sa formation.
C’est pourquoi, il est fort à craindre que le NMD risque de rester lettres mortes, a-t-il dit.
Le cas SAMIR
Abordant le cas de la SAMIR, Pr. Benmoussa, membre très actif au sein du « Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole », une initiative lancée en juillet 2018, a indiqué que la faillite de ce bijou de l’industrie marocaine fondé au lendemain de l’indépendance, est imputable de manière directe à sa mauvaise gestion ( Baamir, le directeur général et Al Amoudy, l’actionnaire). En sont également responsables de manière indirecte les représentants de l’Etat qui supervisaient le contrôle de la mise en œuvre et de l’application des clauses du contrat de privatisation. Aucun des ministères en charge de ces dossiers n’a dénoncé les dérives de l’investisseur et les défaillances commises, a-t-il rappelé.
A présent, la solution du problème de la SAMIR est purement politique, a-t-il avancé.
Des acteurs politiques et associatifs dont le PPS ont présenté deux propositions de loi, la première pour le transfert des actifs de la SAMIR à l’Etat pour sa sauvegarde et sa remise en service et la seconde pour le plafonnement des prix et des bénéfices.
L’ancien gouvernement Otmani comme l’actuelle équipe Akhennouch refusent même d’en discuter et permettre aux auteurs de ces deux propositions de loi d’exposer leurs arguments, a-t-il dit, affirmant que cette attitude constitue une violation flagrante de la Constitution et de l’esprit démocratique.
Et en sa qualité de militant au sein du parti de l’Istiqlal, il a adressé un appel au Secrétaire Général de son parti, Nizar Baraka l’invitant à honorer l’engagement qu’il avait pris à l’égard des Marocains au cours de la dernière campagne électorale. Le SG de l’Istiqlal avait notamment déclaré que le marché des hydrocarbures est marqué par l’arrogance des sociétés et qu’il va œuvrer, s’il est désigné au sein du gouvernement, pour le plafonnement des prix et des bénéfices.
Il est temps pour le gouvernement d’agir dans ce sens pour plafonner les prix des carburants et les bénéfices des sociétés qui accumulent des profits énormes et remettre en service la SAMIR, dans le but d’assurer l’indépendance du pays en la matière ou au moins l’atténuer, a-t-il ajouté.
A présent, a-t-il expliqué, le Maroc dépend doublement de l’étranger: une fois des pays exportateurs de pétrole et une fois des pays qui réalisent son raffinage, d’où il importe à présent ses besoins (Espagne, Portugal, France, Italie, des pays non producteurs de pétrole).
Lahcen Oulhaj
L’économie nationale a des atouts mais également beaucoup de servitudes
Lahcen Oulhaj, membre du CESE, a consacré son intervention à la situation présente et les perspectives de l’économie marocaine, jusqu’à fin mars 2022.
La crise Covid et ses répercussions marquent profondément l’évolution de la situation. Partout dans le monde le produit intérieur brut a reculé en moyenne de 4% et de 6,3 % au Maroc en 2020 par rapport à 2019, a-t-il dit.
L’année 2020 a été marquée aussi par une situation de sécheresse terrible dans le pays, qui s’est ajoutée au confinement.
Il a également fait état de nombreux autres chiffres, qui font état du recul du PIB et de l’augmentation des déficits commercial et budgétaire et de l’endettement public à 92%.
Pour 2021, l’évolution a été positive, a-t-il ajouté, tout en illustrant ses propos par une série de chiffres concernant les importations et les exportations.
Le déficit courant s’est aussi aggravé et les transferts des Marocains à l’étranger ont augmenté, a-t-il encore dit.
Abordant les perspectives, il a affirmé que l’économie marocaine a beaucoup d’atouts mais également des servitudes.
Les atouts du pays ont trait notamment aux infrastructures de bon niveau (autoroutes, TGV, ports, Tanger-Med, Dakhla, aéroports).
L’économie marocaine a aussi un secteur bancaire relativement solide et le pays semble avoir fait de bons choix en matière d’énergies renouvelables et de mobilisation des ressources hydriques (la solution est le dessalement de l’eau de mer).
Il y a aussi un nouveau repositionnement géostratégique du Maroc avec la réorientation vers l’Afrique subsaharienne.
Pour ce qui est des servitudes, elles sont connues, selon lui. Elles concernent en premier lieu les équilibres macroéconomiques à établir, la faiblesse du capital humain et l’existence d’un environnement des affaires, qui n’est pas favorable à la création des entreprises.
Abdeslam Seddiki
La mise en œuvre du NMD n’est pas dans l’intérêt du gouvernement
Prenant la parole, Pr. Abdeslam SEDDIKI, également membre du BP du PPS, a souligné que l’actuel gouvernement ne cache plus la couleur. A travers sa déclaration, son programme et ses actions, il a administré la preuve qu’il est au service des lobbies et des grandes sociétés des hydrocarbures dont il défend bec et ongles les intérêts et n’a pas l’intention et encore moins la capacité à mettre en chantier le nouveau modèle de développement, qui place l’homme au cœur de l’œuvre de développement.
Pour ce qui est de la situation internationale, elle est marquée par de grands changements qui touchent tous les pays dont le Maroc, qui doit s’y préparer dès maintenant, a-t-il affirmé.
Malheureusement, le Maroc n’a pas réussi à gagner le pari du développement industriel, comme l’avait annoncé l’ancien ministre en charge du secteur. D’après le ministre, le secteur devait voir sa part de participation au PIB augmenter de 13% à 20%. Au contraire, cette part a diminué, a-t-il dit.
Pire encore, les chiffres officiels concernant la croissance et le chômage et autres ne reflètent pas la réalité.
Parler d’un taux de croissance de 4% de l’économie ne signifie rien si cette croissance ne profite pas équitablement à tout le monde et à toutes les régions. C’est ainsi que 10% des Marocains les plus aisés détiennent 16 fois plus que la catégorie des 10% les plus pauvres.
Pour ce qui est du chômage, les chiffres officiels annoncés sont loin de la réalité, puisque l’on avance que le taux de chômage par exemple en milieu rural est de 4%.
Selon lui, le taux de chômage en milieu rural serait en réalité de 40%. Dans leurs enquêtes, les sondeurs du Haut Commissariat au Plan se contentent de questionner les échantillons couverts.
Ces taux de chômage ne seront connus de manière précise, qu’après la mise en place d’un régime d’indemnité pour chômage comme c’est le cas ailleurs. A chaque fin de mois, il sera possible dans ce cas d’établir le bilan des demandes d’allocations sociales.
Après avoir fait savoir que le rapport du NMD comporte des réponses satisfaisantes à de nombreuses problématiques, il a indiqué que le problème qui se pose actuellement est de savoir qui va mettre en œuvre ce rapport.
L’actuel gouvernement a fait preuve de sa faiblesse et de son incapacité à assumer cette tâche. Ceux qui sont aux commandes ont leurs propres intérêts qui sont en contradiction avec les intérêts des citoyens, a-t-il martelé. En dépit du fait qu’ils ne croient pas au changement, ils n’hésitent pas à se servir du slogan de l’Etat social dans l’espoir d’embellir leur image.
Il a par ailleurs estimé que la guerre en Ukraine sera peut être longue et que la période à venir sera marquée par quatre grands changements dont en premier l’avènement d’un nouvel ordre mondial pour remplacer celui mis en place au lendemain de la deuxième guerre mondial. La guerre en Ukraine n’est en fait qu’un épisode dans le cadre de ces transformations, après le recul du rôle des Etats Unis et leur retrait d’Afghanistan outre l’émergence de nouvelles puissances mondiales.
Quant au deuxième facteur déterminant qui pointe à l’horizon, il est lié aux changements climatiques qui affectent déjà l’ensemble de la planète et qui sont à l’origine notamment des périodes de sécheresses toujours plus longues et plus sévères comme c’est le cas au Maroc. Malgré cela, les pays signataires de l’accord de Paris sur la réduction des gaz à effet de serre refusent d’honorer leurs engagements.
Et ce sont malheureusement les pays d’Afrique subsaharienne qui seront les plus touchés par ces catastrophes qui provoqueront des milliers de morts et de réfugiés du climat qui vont tenter d’émigrer vers le nord pour y survivre en passant par le Maroc.
C’est pourquoi, de nombreux observateurs indiquent qu’il faudra s’attendre à l’avenir à une nouvelle épidémie beaucoup plus dévastatrice que la Covid-19 et qui devra évidemment paralyser toutes les filiales de production et autres.
Il a également affirmé qu’une crise financière mondiale pointe à l’horizon, compte tenu du recul de la confiance dans le dollar et de sa domination des transactions internationales. De nouvelles devises internationales ont en effet émergé.
Compte tenu de toutes ces données, a-t-il dit, il ne faut pas s’étonner de voir que la mondialisation économique va reculer au profit d’autres systèmes qui apparaitront sous formes de compléments régionaux des économies nationales, chose à laquelle le Maroc doit se préparer à travers la restructuration de ses relations et l’ouverture sur des pays et ensembles économiques nouveaux.
Il a également souligné la nécessité pour le Maroc de tirer les leçons qui s’imposent des dernières évolutions concernant notamment le renforcement de la souveraineté des pays dans tous les domaines dont en premier lieu la santé, l’énergie, l’eau, l’alimentation, l’industrie, etc…