Législatives françaises
« Reddition », « naufrage », « infamie sans nom »: chez plusieurs élus socialistes mais aussi écologistes, l’accord électoral noué avec la France insoumise ne passe toujours pas. « Un Tout sauf Mélenchon est en train de se construire », a assuré dimanche l’ex-Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis.
« Un Tout sauf Mélenchon est en train de se construire parce qu’il ne s’est pas mis en situation d’être au centre de la gauche. Cet accord ne sera pas durable et ne tiendra pas », a estimé M. Cambadélis sur radio J, au lendemain de la Convention actant la naissance à gauche de la « Nouvelle union populaire écologique et sociale » (Nupes) menée par la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon.
Alors que le leader insoumis, fort de ses 22% à la présidentielle, a réussi à réunir sous une bannière commune les écologistes d’EELV, les communistes et le PS, M. Cambadelis se dit « hostile depuis le premier jour à cet accord » qui signifie « la sortie de l’Europe, la sortie de l’Otan et la sortie de l’OMC » ce qui transformerait selon lui la France en « Corée du Nord ».
« Le PS a perdu son âme pour un plat de lentilles » en acceptant de « brader nos convictions pour quelques circonscriptions », regrette M. Cambadélis.
Plusieurs figures historiques, à commencer par François Hollande, ont critiqué ces derniers jours l’accord LFI-PS.
Samedi, l’ex-Premier ministre Bernard Cazeneuve, qui a déjà rendu sa carte du PS, a enfoncé le clou: « Nous n’avons rien à faire avec cette manière d’aborder les choses, cette violence, cette insulte, toujours présente à la commissure des lèvres. Ce n’est pas la gauche humaniste », a-t-il déclaré à France Bleu Cotentin.
Dans une interview à Ouest-France dimanche, il a dit vouloir pour sa part « essayer de participer à une réflexion de fond » avec « la constitution d’une structure qui soit plus qu’un club et moins qu’un parti » afin de « refonder une pensée ».
De son côté, la maire PS de Vaulx-en-Velin Hélène Geoffroy, cheffe du courant minoritaire opposé à l’accord avec LFI, a déploré sur Europe 1 une « reddition » voire même un « naufrage » et « une forme d' »escroquerie », avec « un certain nombre de candidats de La France insoumise » qui seront « parachutés » sur des terres socialistes.
Le maire PS de Villeurbanne, Cédric Van Styvendael, a, à cet égard, accusé de parachutage Gabriel Amard, conseiller régional La France insoumise et gendre de Jean-Luc Mélenchon, ce que l’intéressé dément, assurant à BFMTV retourner « au bercail familial ».
L’investiture confirmée dimanche du journaliste militant Taha Bouhafs dans la 14e circonscription du Rhône a également fait grincer des dents.
Au même moment, l’ancien Premier ministre Lionel Jospin est venu apporter un soutien remarqué à la socialiste Lamia El Aaraje, selon lui « candidate légitime » dans la 15e circonscription où elle envisage de se présenter en dissidence contre l’Insoumise Danielle Simonnet, déjà investie.
Sur la défensive, le patron du PS Olivier Faure a déclaré dans le Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI: « Il faudrait qu’on arrête d’être dans cette guerre de tranchées » qui a « lassé tout le monde ».
Mais chez les écologistes aussi, la grogne monte. Dans une tribune au Monde samedi, trois anciens députés européens, Jean-Paul Besset, José Bové et Daniel Cohn-Bendit accusent, avec des mots très durs, les dirigeants des Verts de trahir les valeurs fondatrices d’EELV.
« Qui vous a donné le droit de disposer de nos consciences, au nom d’obscures tractations électorales ? », « n’avez-vous pas honte ? », demandent-ils en exprimant leur « colère » et leur « dégoût » face à ce qu’ils appellent une « escroquerie » et une « infamie sans nom ».
Pour le politologue Pascal Perrineau, interrogé sur franceinfo, « toutes les unions sont fragiles, mais celle-ci le sera particulièrement » car « c’est le mariage de la carpe et du lapin ».
Dans la majorité on se gausse: « Véritable pétaudière », « salmigondis idéologique », a raillé le président LREM de l’Assemblée nationale Richard Ferrand dans l’émission Dimanche en politique sur France 3.
Jean-Luc Mélenchon assume, lui, une certaine radicalité en déclarant sur France Inter/Franceinfo/Le Monde: « Les modérés, une fois arrivés (au pouvoir), ils passent leur temps à avoir peur de leur ombre et ne changent rien. » Et espère que « cette réconciliation sera sincère et que les gens prendront goût à être ensemble. »