Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
Si, en Iran, la contestation ne cesse de grandir depuis que, le 16 septembre dernier, Mahsa Amini, une jeune femme de 22 ans, est morte trois jours après son arrestation par la police des mœurs pour n’avoir pas porté correctement le voile qui lui a été imposée par la Révolution islamique de 1979, il a fallu attendre le 3 Octobre et la mort de 92 personnes – chiffres officiels – pour que le Guide suprême iranien, l’Ayatollah Ali Khamenei, sorte de sa réserve et fasse sa première déclaration publique.
En prenant la parole à l’occasion d’une cérémonie de remise des diplômes à la dernière promotion des officiers issus de l’académie militaire de Téhéran, le dirigeant iranien, dont « le cœur » aurait été « brisé par la mort de la jeune fille », estime que « ce qui n’est pas normal, c’est que certaines personnes, sans preuve, ni enquête, rendent les rues dangereuses, brûlent le Coran, retirent le hijab des femmes voilées et mettent le feu aux mosquées et aux voitures » et affirme « clairement que ces émeutes et l’insécurité sont l’œuvre de l’Amérique, du régime sioniste usurpateur [entendez par-là, Israël] et de leurs agents avec l’aide de certains iraniens traîtres à l’étranger ». Cette analyse ne pouvait que conduire Ali Khamenei à affirmer – même si la ficelle est trop grosse – que les manifestations qui secouent l’Iran depuis près de trois semaines ne sont pas « liées à la mort d’une jeune fille ou au port du hijab » mais qu’elles sont le fait d’un complot ourdi par des « traîtres iraniens à l’étranger » ; ce qui, bien entendu, a mis la police au-devant de la nécessité « de tenir tête aux criminels et d’assurer la sécurité de la société ».
En affirmant, par ailleurs, que le fait d’«affaiblir la police» reviendrait à « renforcer les criminels et (que) celui qui attaque la police laisse le peuple sans défense contre les criminels, les voyous et les voleurs », le Guide suprême iranien a appelé les autorités judiciaires à juger « les émeutiers proportionnellement au niveau de leur participation aux destructions et aux atteintes à la sécurité ».
S’agissant du soutien apporté aux manifestants par certaines personnalités sportives et artistiques, ayant demandé aux autorités iraniennes de donner suite aux revendications du peuple, l’Ayatollah Ali Khamenei a signalé qu’à ses yeux les déclarations faites par les intéressés ne revêtent « aucune importance » et que c’est à la justice qu’il appartient de déterminer « s’il s’agit d’actes criminels ».
Qualifiant de « mensonge » le « regret » manifesté par les Etats-Unis après la mort de Mahsa Amini, qu’elles ont utilisé comme prétexte « pour provoquer des incidents », le Guide suprême iranien, s’en prenant à la « presse internationale » s’est demandé pour quelles raisons quand il y a des soulèvements populaires en Europe et ailleurs dans le monde, les « médias de masse affiliés au capitalisme américain et à leurs mercenaires, comme certains gouvernements de la région, notamment les saoudiens » ne se rangent pas du côté des émeutiers comme ils le font lorsqu’il s’agit de l’Iran.
Enfin, si avant le début d’un match amical de foot-ball qui opposait l’équipe nationale iranienne à son homologue sénégalaise, pour manifester leur solidarité avec les personnes tombées sous les tirs des forces de l’ordre durant les émeutes qui secouent le pays depuis près de trois semaines, les joueurs iraniens avaient porté des maillots « noirs » au-dessus du « maillot officiel » pendant la diffusion de l’hymne nationale, c’est que le combat qui oppose les iraniens au régime des Mollahs est là pour durer mais attendons pour voir…