Interview croisée entre Dr Anwar CHERKAOUI, Dr Asmaa EDDAL et Dr Hachem TYAL

La ville du détroit, Tanger, a accueilli les 24 et 25 fevrier 2023, le 13eme congrès national des psychiatres de santé publique.

Un constat qui doit interroger les décideurs politiques dans notre pays : la démence et la dépression menacent les personnes âgées aujourd’hui et dans les prochaines années, indique Dr Hachem Tyal, psychiatre et président de la Fédération Nationale de santé mentale (FNSM).

Et ces deux maladies sont le chef de fil des troubles psychiatriques qui ont été  développées lors du 13eme congrès national de l’association marocaine des psychiatres de santé publique qui s’est tenu à Tanger les 24 et 25 Février 2023. Sa présidente, Dr Asmaa EDDAAL souligne l’urgence de s’intéresser aux maladies mentales de nos seniors

Cette rencontre nationale de formation continue en psychiatrie a été  également une occasion pour revenir sur le plaidoyer de la Fédération Nationale pour la santé mentale (FNSM) qui se décline en 60 points pour une amélioration des soins psychiatriques au Maroc.

Cet échange entre Dr Anwar CHERKAOUI, Dr Asmaa EDDAL et Dr Hachem TYAL éclairent davantage sur ces pathologies qui guettent nos Ba Sidi et nos Mi La La

Dr Anwar CHERKAOUI:  Sur quoi peut on se baser pour dire que la société marocaine commence à vieillir ?

Dr Hachem Tyal : La population mondiale vieillit et continue de vieillir rapidement.

De 2015 à 2050, la proportion de personnes de plus de 60 ans va pratiquement doubler, passant de 12% à 22%.

Selon les résultats de la dernière enquête nationale de la population au Maroc (EMPSF 2018) le pourcentage des personnes âgées de 60 ans et plus est 11,1%.

Les troubles neurologiques et mentaux chez les adultes âgés représentent 6,6% des incapacités totales dans ce groupe d’âge. Environ 15% des adultes âgés de 60 ans et plus souffrent d’un trouble mentale

Heureusement que la psychiatrie du sujet âgé est en plein développement. Elle a permis de mieux appréhender des pathologies psychiatriques avec leurs spécificités sémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques.

Les psychiatres marocains aussi bien du secteur public que libéral accordent de plus en plus d’intérêt pour cet aspect de la psychiatrie moderne, précise Dr Hachem TYAL.

Dr Asmaa EDDAL: Il faut préciser que chez le sujet âgé, une maladie psychiatrique peut se manifester sous des formes atypiques et peut être difficile à différencier du vieillissement ou d’une maladie somatique.

Les principales pathologies rencontrées chez la personne âgée sont la dépression, le délire tardif, l’anxiété, l’hystérie, la confusion, la manie et la démence.

La dépression est en tête de liste de ces pathologies psychiatriques de la personne âgée.

L’anxiété a aussi des présentations propres à la personne âgée et a des liens étroits avec la dépression. Non traitée, ses conséquences sont très dommageables. L’hystérie l’est aussi avec l’âge et le niveau culturel.

La confusion, très fréquente à cet âge, y est souvent multifactorielle, mais les causes psychosociales ne doivent pas être sous-estimées.

Dr Anwar CHERKAOUI: Que représente la démence dans les pathologies psychiatriques de la personne âgée ?

Dr Hachem TYAL: La  démence peut aussi être abordée sur un plan psychopathologique, en particulier dans sa dimension étiopathogénique où on lui reconnaît désormais des facteurs de risque psychosociaux.

La démence est un ensemble de symptômes dans lequel on observe une dégradation de la mémoire, du raisonnement, du comportement et de l’aptitude à réaliser les activités quotidiennes.

Bien que la démence touche principalement les personnes âgées, elle n’est pas une composante normale du vieillissement.

On compte 50 millions de personnes atteintes de démence dans le monde et il apparaît chaque année près de 10 millions de nouveaux cas.

La maladie d’Alzheimer est la cause la plus courante de démence et serait à l’origine de 60-70% des cas.

La démence est l’une des causes principales de handicap et de dépendance parmi les personnes âgées dans le monde.

La démence a des conséquences physiques, psychologiques, sociales et économiques pour les personnes atteintes de la maladie mais aussi pour les personnels en charge des soins, les familles et la société en général.

Dr Anwar CHERKAOUI: la Fédération Nationale de santé mentale a développé récemment un plaidoyer pour améliorer les soins psychiatriques dans notre Pay, en quoi consiste ce plaidoyer ?

Dr Hachem TYAL: Ce plaidoyer est constitué de 60 points pour l’amélioration des soins psychiatriques au Maroc. 

Et lla prise en charge optimale d’une personne atteinte d’une maladie mentale et plus particulièrement chez la personne âgée exige un environnement spécifique qui est un facteur indispensable dans le processus thérapeutique.

Nous avons publié ce plaidoyer pour sensibiliser toutes les parties prenantes à la problématique des maladies psychiatriques au Maroc y compris celles touchant les personnes âgées.

Ce plaidoyer est décliné en 60 points exposant les aspects médicaux, juridiques, sociaux et de prévention de la maladie psychiatrique au Maroc.

Les grandes lignes de ce plaidoyer sont, en plus de la lutte contre la stigmatisation de la maladie mentale, une meilleure accessibilité aux soins, aussi bien dans le secteur public que privé, l’humanisation des soins psychiatriques en préservant la dignité des patients et leurs familles et une réelle amélioration de la qualité de la prise en charge.

Cette amélioration de la qualité des soins devrait se faire en renforçant les possibilités d’accès à des activités thérapeutiques spécifiques ( l’ergothérapie), à des groupes de parole et à la psycho-éducation et à la psychothérapie.

Cette approche de la maladie mentale s’impose du fait que le traitement médicamenteux ne constitue qu’un volet de la prise en charge globale de la maladie mentale.

Mais, une prise en charge optimale de la maladie psychiatrique à un coût.

C’est pour cette raison que le plaidoyer de la fédération nationale pour la santé mentale (FNSM), rejoint la position de tous les professionnels de la santé pour demander une revalorisation de la tarification nationale de Référence concernant les soins psychiatriques,