Hausse vertigineuse des tickets d’autocar à la veille de l’Aïd Al Adha
Karim Ben Amar
À la veille de l’Aïd Al Adha, les tarifs de transport par autocar ont connu une hausse vertigineuse. Dans les gares routières des grandes villes du Royaume, le stress des voyageurs est palpable. C’est le cas aussi à Tanger, où dès l’approche de l’entrée principale de la gare, les rabatteurs scandent haut et fort les destinations. Certains pour les bus, d’autres pour les taxis ou encore les véhicules touristiques et particuliers reconvertis pour l’occasion.
L’essentiel pour les voyageurs étant d’être à destination le jour de l’Aïd, tous les moyens sont bons pour y parvenir. Une fois dans le hall de la gare routière de Tanger, c’est un réel tohu-bohu qui s’offre à nous. Des gens se dirigent dans toutes les directions, les guichets sont bondés, et le personnel de la gare en première ligne, pour fluidifier le hall et guider les voyageurs. Même son de cloche au niveau des quais, où les voyageurs attendent patiemment «le bus de la délivrance». À destination de Errachidia, Targuist ou encore Meknès, les voyageurs ne cachent pas leur mécontentement quant à la flambée du prix du ticket ainsi que les retards imputés aux bus.
C’est le cas de Hassan, originaire d’Errachidia, ce père de famille, comme tous les ans, rejoint sa ville natale pour passer l’Aïd Al Adha avec ses proches. Sauf que cette année, d’après lui, le voyage se complique. «L’an dernier, j’ai payé 160 dhs le ticket que je paie aujourd’hui à 270 dhs. De plus, c’est un tarif fixe, que vous allez à Zaïda, Meknès, ou Errachidia, le prix est le même tout au long du trajet. C’est une réelle aberration».
«Et comme si nous n’étions pas au bout de nos peines, nous constatons beaucoup de retard sur les départs. J’ai acheté mon ticket pour le lundi 26 juin à 17H. Comme vous pouvez le constater, il est plus de 18H30 et nous n’avons toujours pas démarré. Le trajet durera 12 heures, nous ne sommes donc pas au bout de nos peines».
La destination de Targuist n’est pas non plus de tout repos puisqu’en plus de la hausse du prix du ticket, qui est passé de 90 à 120 dhs, des retards sont à signaler. En réponse à une question de l’équipe d’Al Bayane, Ali, un chauffeur de bus opérant sur la ligne Tanger-Targuist réfute catégoriquement le fait que les hausses soient imposées par les sociétés de transport. «C’est le ministère du Transport qui a instauré cette hausse pour la période précédant l’Aïd Al Adha, et pour cause, les bus supplémentaires reviennent vides. Ainsi, pouvons-nous revenir à Tanger au plus vite pour acheminer d’autres voyageurs à Targuist».
Fidèle à la tradition d’Al Bayane, et par souci de livrer à nos lecteurs une investigation équilibrée, nous avons demandé à rencontrer les responsables de la gare routière de Tanger. Reçu par le chef des guichets et chef de caisse, Tajeddine Taher explique que «les seuls bus à appliquer la hausse sont les bus supplémentaires. Cette hausse est plafonnée et s’étend de 20 à 30% au maximum». Et de préciser, «la décision de cette hausse a naturellement été prise au niveau du ministère de tutelle et ne concerne que les bus supplémentaires».
«Rappelons que la gare routière de Tanger est la première au niveau national en termes de bus supplémentaires toutes destinations confondues. Pour la destination d’Agadir ou de Errachidia, ce n’est pas moins de 13 bus supplémentaires quotidiens pour la période allant du 25 au 28 juin en plus des trois bus réguliers qui eux, ne sont pas soumis aux hausses. Pour les destinations de Khénifra, Béni-Mellal, Khémisset ou encore Taza, c’est entre 7 et 10 bus supplémentaires par jour qui sont programmés».
«Cependant, il est vrai que durant cette période de fête religieuse, tous les bus pratiquent les mêmes prix. Qu’ils soient de 1ère, 2nde ou 3ème catégorie, le trajet vous reviendra au même montant compte tenu de la demande qui explose littéralement».
«Pour le transport routier des voyageurs, l’Aïd Al fitr et l’Aïd Al Adha riment avec «haute saison». Ceci dit, signalons que les bus supplémentaires appartiennent aux sociétés de transport routier. Quant à nous autres, employés de la gare routière de Tanger, nous sommes sur le qui-vive 24h durant les périodes des deux fêtes religieuses majeures», a conclu le jeune trentenaire.
La question de la hausse des prix du ticket de voyage a d’ailleurs été soulevée par le groupe parlementaire du PPS. Dans une question orale adressée au ministre du Transport et de la Logistique, la députée et vice-présidente du Parlement, Nadia Touhami, a déploré qu’«après la hausse vertigineuse des prix de produits de consommation essentiels, les citoyens sont confrontés aujourd’hui à la flambée des prix des billets de transport à l’approche de l’Aïd Al Adha. Cette hausse se produit, alors que depuis mars 2022, le gouvernement a accordé un soutien financier aux professionnels du transport routier pour atténuer l’impact de la hausse des prix du carburant sur leurs coûts».
Pour sa part, l’Association professionnelle du transport routier a déclaré que « la hausse des prix des billets est due au coût des voyages qui a doublé par rapport aux trois dernières années. La tarification définie par le ministère de tutelle via ses directions provinciales remonte à des années alors que le marché a connu de grandes mutations liées essentiellement à la hausse des prix du carburant ».
L’argument du patronat ne tient finalement pas la route puisque le secteur est subventionné par l’État afin de pallier la hausse du prix du «fioul» justement. Si les prix des bus supplémentaires ont augmenté, c’est pour la simple et unique raison qu’ils reviennent au point de départ déchargés de passagers et que les sociétés avec l’aval du ministère de tutelle, compensent ce manque à gagner par une hausse de 20 à 30% sur le prix du ticket. La transparence, c’est toujours plus audible.
Quant au gouvernement, mis à part amputer un peu plus le pouvoir d’achat du Marocain, qui plus est à la veille de l’Aïd Al Adha, tout porte à croire qu’il est encore et toujours à court d’idées…