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Nabil EL BOUSAADI
Après les chefs d’Etat du Mali et du Burkina Faso, ces deux pays qui, en plus d’avoir été minés par les attaques des groupes terroristes inféodés à l’Etat islamique et à Al-Qaïda, furent secoués, en 2020, par des coups d’Etat militaires, vint le tour du président du Niger, Mohammed Bazoum, qui a été évincé par un putsch fomenté, ce jeudi, par le chef de la garde présidentielle, le général Abdourahamane Tchiani.
S’étant, immédiatement, présenté dans une allocution télévisée, comme étant le président du « Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie » (CNSP), le général Abdourahamane Tchiani a justifié son coup d’Etat par « la dégradation de la situation sécuritaire » du Niger car bien que le pays était fortement malmené par la violence des groupes jihadistes qui amenait « son lot de morts, de déplacés, d’humiliation et de frustration », le président Bazoum s’acharnait à vouloir faire croire, à ses compatriotes, que tout allait pour le mieux alors qu’il n’en était rien « en dépit des lourds sacrifices consentis par les Nigériens et du soutien appréciable et apprécié des partenaires extérieurs » dont notamment la France et les États-Unis qui y déploient respectivement 1 500 et 1 100 soldats.
Le nouvel homme fort du pays, qui commandait la garde présidentielle depuis sa nomination, en 2011, par l’ancien président Issoufou Mahamadou (2011-2021), a saisi cette occasion pour demander « aux partenaires et amis du Niger, en cette étape cruciale de la vie [du pays] de faire confiance aux Forces de défense et de sécurité, garantes de l’unité nationale » et s’est interrogé sur « une approche sécuritaire » qui « exclurait toute véritable collaboration avec le Burkina Faso et le Mali », deux pays voisins du Niger, désormais aux mains des militaires et frappés par la violence djihadiste.
En déplorant, dans le communiqué publié après cette intervention, que « certains anciens dignitaires (qui se sont) terrés dans des chancelleries en collaboration avec ces dernières » soient « dans une logique de confrontation », la junte au pouvoir a mis en garde contre « toute intervention militaire étrangère ».
Après les incidents survenus, le jour-même, à Niamey, au cours d’une manifestation qui était destinée à les soutenir et durant laquelle des drapeaux russes étaient brandis par les manifestants qui scandaient des slogans anti-français, les putschistes ont appelé « la population au calme » et annoncé « la suspension jusqu’à nouvel ordre des activités des partis politiques ».
Mais malgré son interdiction, par la junte rassemblant tous les corps de l’armée, de la gendarmerie et de la police qui, après s’être emparé du pouvoir, a suspendu les institutions, fermé les frontières terrestres et aériennes et instauré un couvre-feu de 22 h à 5 h (21 h à 4 h GMT), une nouvelle manifestation a eu lieu le lendemain, à l’appel d’une coalition de partis d’opposition au président Bazoum, qui « tout en désapprouvant (dans un communiqué) tout changement par la force, soutient les motivations » des putschistes.
Ainsi, en marchant dans les pas du Mali et du Burkina Faso qui s’étaient tournés vers la Russie après avoir exigé le départ des soldats français de leur territoire, c’est donc au tour du Niger de leur emboiter le pas car à en croire un message diffusé, jeudi soir, par une organisation russe liée au groupe Wagner mais dont l’authenticité n’a toujours pas été confirmée, Evgueni Prigojine, le leader du groupe paramilitaire précité, aurait affirmé que les évènements du Niger entrent dans le cadre de « la lutte du peuple nigérian contre les colonisateurs qui essaient de lui imposer leurs règles de vie ».
Il y a lieu de signaler, néanmoins, qu’en dépit de sa séquestration, avec les membres de sa famille, dans la résidence présidentielle, le président déchu a pu s’entretenir, au téléphone, avec plusieurs chefs d’Etat étrangers, dont le président français Emmanuel Macron qui devait présider, samedi, un Conseil de défense et de sécurité nationale consacré au Niger.
Au cours de cet entretien téléphonique, le président français a condamné « avec la plus grande fermeté », le putsch ayant évincé le président Bazoum et exigé, depuis la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la libération de ce dernier au motif que « ce coup d’Etat est parfaitement illégitime et profondément dangereux pour le Niger et pour toute la région ».
Un communiqué publié, par la suite, par le ministère français des Affaires étrangères a indiqué que la France « ne reconnaît pas les autorités » issues du putsch.
Et si, par ailleurs, de Nairobi, le président kényan, William Ruto, a estimé qu’avec ce coup d’Etat, « l’Afrique a subi un sérieux revers dans ses avancées démocratiques » et que l’ONG Human Rights Watch a considéré que les droits humains sont « menacés », le chef de la diplomatie européenne Josep Borell s’est dit prêt, de son côté, à suspendre « tout appui budgétaire » aux nouvelles autorités du pays.
De quoi donc demain sera-t-il fait au Niger alors que ce putsch a été vivement condamné par la majorité de ses partenaires occidentaux, que la France a suspendu son aide financière, que l’Union africaine a exigé un retour à « l’autorité constitutionnelle » dans un délai maximum de 15 jours et que la CEDEAO, qui a lancé un ultimatum à la junte pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions, n’exclut pas un recours à la force ?