Avortements clandestins
Ouardirhi Abdelaziz
Le problème des avortements clandestins dans notre pays a toujours suscité un débat houleux, mettant face à face ceux qui défendent le droit des femmes à disposer de leurs corps, et ceux pour qui un tel acte est Haram.
Pendant ce temps, plus de 800 avortements clandestins sont pratiqués chaque jour au Maroc, c’est ce qu’a confirmé le professeur Khalid Ait Taleb, ministre de la Santé et de la protection sociale, lors d’une séance de questions orales au parlement, le mardi 9 janvier 2024.
Qu’est-ce qu’un avortement ?
Un avortement est une interruption prématurée d’une grossesse. Si l’interruption intervient spontanément, on parle d’une fausse couche. Si elle se fait artificiellement pour des raisons strictement médicales, on dit que c’est un avortement provoqué ? S’il s’agit de raisons non exclusivement médicales, on parle alors d’une interruption volontaire de grossesse(IVG). Elle est généralement pratiquée si la poursuite de la grossesse met la vie de la mère en danger ou si l’enfant risque d’être victime d’une maladie particulièrement grave ou incurable. Lorsque l’avortement est fait de façon clandestine en dehors de tout contrôle médical, on parle alors d’avortement provoqué clandestin.
Une pratique dangereuse
Des femmes mariées ou divorcées, des veuves et même des jeunes filles parfois mineures qui se retrouvent enceintes n’hésitent pas un seul instant à se faire avorter n’importe où au mépris de toutes les conditions sanitaires qu’exige la pratique médicale.
Ces femmes ont souvent recours à l’avortement clandestin, une pratique dangereuse que pratiquent certains médecins peu scrupuleux, et des charlatans malhonnêtes qui n’hésitent pas à charcuter ces femmes et ces jeunes filles pour s’enrichir au détriment de leur détresse.
Il est vrai que dans une société comme la nôtre, il est impensable et malsain d’avoir des enfants en dehors des liens du mariage. Pour beaucoup, l’honneur reste une question primordiale, et entre le déni et la stigmatisation sociale, tous les moyens sont bons pour sauver son honneur même au détriment de sa santé. On comprend mieux dès lors pourquoi l’avortement clandestin est si courant chez nous, et pourquoi celui-ci a de beaux jours devant lui.
Ampleur du problème
La question des chiffres des avortements clandestins qui sont pratiqués chaque jour dans notre pays, est très vague. Il n’y a aucune étude digne de ce nom, qui peut se targuer de disposer de données chiffrées, tout au plus on retient le chiffre de l’association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin, qui avait déjà en 2010 estimé
que chaque jour, pas moins de 800 avortements clandestins sont pratiqués par des réseaux spécialisés dans les avortements. Ces réseaux font appel pour leurs sales besognes à certaines sages-femmes peu scrupuleuses, à quelques médecins et infirmiers véreux.
Ces avortements sont réalisés soit au niveau du cabinet médical, à domicile et parfois dans des arrière-boutiques ou des endroits désaffectés où il n’existe aucune hygiène.
Donc les chiffres qui sont aujourd’hui avancés, peuvent avoir subi quelques modifications. Mais le problème réside toujours, avec ses conséquences, ses complications, ses drames …..
Éviter les tragiques conséquences d’une grossesse non désirée
La question de l’avortement reste parmi les sujets les plus sensibles au Maroc. Bien qu’il existe ce qui pourrait être qualifié de « circonstances atténuantes », la méfiance et l’incompréhension demeurent prépondérantes dans l’équation « réalités sociales/réalités scientifiques ».
Actuellement, il faut mettre un terme à cette hypocrisie qui perdure, nous sommées au 21ème siècle, la médecine évolue, les moyens de communications sont présents dans tous les foyers, les citoyens sont beaucoup plus réceptifs dès lors qu’il est question de leur santé et de leur bien-être. La parole se libère chaque jour un peu plus, même au sein des foyers conservateurs, et toutes les questions qui touchent de près ou de loin à l’avortement clandestin, sont connues, analysées, et il serait vain de vouloir ignorer cette vérité qui constitue une plaie infectée. Pour beaucoup, des jeunes et moins jeunes, des hommes et des femmes, les grossesses non désirées ou les mères célibataires, sont celles qui ont souvent recours à l’avortement clandestin, avec tous les dangers, tous les risques que cette pratique illégale peut entrainer pour la femme (hémorragies-infections-septicémie-choc-coma-mort).
Mettre fin à une hypocrisie qui perdure
13% de ces cas de décès sont liés à l’avortement, selon l’Organisation mondiale de la santé. Dés lors, on peut dire que l’avortement clandestin est un réel problème de santé publique, un drame humain qui ne peut laisser personne indifférente. C’est aussi un phénomène social très complexe. Sa prévalence en termes de cas et de complications inhérentes à cette pratique est telle qu’aucune femme ne sort indemne à la suite d’un avortement clandestin. Les séquelles de l’avortement clandestin sont lourdes tant sur le plan psychologique que sur le plan physique. Par ailleurs, il faut savoir qu’un avortement mal pratiqué est la cause directe de la stérilité de la femme.
On a plus le droit de feindre cette réalité, de continuer à faire comme si il n’y a rien de grave, de se complaire dans une hypocrisie délétère, mortifère. En effet, au regard des chiffres que le ministre de la Santé et de la protection sociale, a déclaré au niveau du parlement, et qui font état de 800 avortements clandestins pratiqués chaque jour au Maroc, il est loisible de dire que l’avortement s’impose comme une réalité bien concrète, avec son contingent de femmes mutilées, de complications, et de cicatrices indélébiles physiques et psychiques.
Au lieu de tourner le dos à ce grand problème de santé publique, de rester enfermé dans un attitude stérile, nous devons tous agir, chacun à son niveau, les parents, l’école, les médias.
Nous parlons très peu de l’avortement, il est donc grand temps de faire connaître davantage cette cause en organisant des journées d’études, sur la problématique.
Les autorités compétentes doivent s’impliquer davantage en planifiant et en organisant des rencontres, des conférences, des émissions de sensibilisation, d’information et d’éducation destinées à notre jeunesse , pour que chacun puisse bien comprendre ce qu’est un avortement clandestin, et connaitre les causes qui mènent certaines femmes ou jeunes filles vers cette voie dangereuse. Nous avons toutes les compétences requises pour nous éclairer encore plus sur ce phénomène de société. Il suffit de réunir nos médecins, les juristes, oulémas et sociologues, ainsi que d’autres membres de la société civile, notamment des ONG, pour mieux agir contre l’avortement à risque.
Nous ne cherchons nullement à encourager la liberté des mœurs sexuelles, mais seulement à agir en amont afin d’éviter les tragiques conséquences de l’avortement clandestin et parallèlement, celui des grossesses non désirées, ainsi que celui des mères célibataires.
Il nous faut un débat courageux, serein, honnête pour que plus jamais nous ayons à apprendre que de jeunes victimes sont décédées suite à cette pratique dangereuse …..