PANEL I : La question démocratique dans le processus de développement
Abdelhamid Jmahri : « Quitter la zone de confort idéologique »
A l’ouverture de ce panel, Abdelhamid Jmahri, de la direction de l’USFP (Union socialiste des forces populaires) a rappelé que l’exercice de la politique au Maroc a été l’œuvre de la gauche marocaine et du mouvement national, qui l’assument toujours.
Il s’est ensuite interrogé sur les tenants et aboutissants du blocage de la situation actuelle, lequel blocage ne profite qu’aux parties qui ne croient pas à la démocratie.
Tout en appelant à la réhabilitation de la politique, il importe de ne pas perdre de vue qu’elle peut constituer aussi un obstacle à l’œuvre de développement, a-t-il dit, estimant nécessaire de faire en sorte que cette reprise se réalisée de manière assurée et non anarchique.
Jmahri s’est également arrêté sur un certain nombre de pratiques anticonstitutionnelles qui nuisent au processus (nominations, lutte contre la prévarication, les ententes et les pratiques anticoncurrentiels).
Pour ce qui concerne l’Etat social, son exécution a été malheureusement confiée à ceux qui ne croient pas la justesse d’un tel projet, appelant les partis de la gauche à se remettre en question et quitter leur zone de confort idéologique.
Mohamed Hafid : « La transition démocratique trébuche toujours »
Pour Mohamed Hafid, de la direction de la fédération de la gauche démocratique, la politique et la démocratie sont intimement liées et vont ensemble, rappelant qu’en dépit du fait que le Maroc dispose d’une constitution avancée depuis 2011, la démocratie est toujours en projet.
La démocratie pour lui signifie que c’est le peuple, qui se gouverne par le biais de ses élus.
Oui, le Maroc s’est doté d’une infrastructure avancée (TGV, tram, etc…), mais il continue toujours de parler de la démocratie en tant que projet, a-t-il noté, estimant que la transition démocratique trébuche toujours, nonobstant l’aspect avancé de la Constitution de 2011.
Il s’est ensuite arrêté sur le problème « inquiétant » de l’enrichissement (douteux) d’aucuns, de la répartition inéquitable des richesses et de leur gaspillage, de l’accumulation du pouvoir et de la richesse (conflit d’intérêts) et évidemment de l’injustice sociale, entre autres.
Pr. Abdelhafid Adminou : « Renouveler l’engagement politique »
Pour le Pr. Abdelhafid Adminou, la démocratie représentative et la démocratie participative se renforcement mutuellement.
Pour certains c’est une condition au développement, alors que pour d’autres, non. Pour ce dernier, le cas de la Chine où la démocratie est absente est révélateur, a-t-il dit, précisant que c’est enfin de compte le modèle démocratique comme condition au développement qui s’est imposé et a été adopté au Maroc.
Ce modèle, qui puise ses fondements dans le libéralisme, n’a pas abouti aux résultats escomptés au Maroc pour différentes raisons qu’il importe de chercher dans l’écosystème mis en place, en vertu de la Constitution de 2011, a-t-il dit, notant notamment que les partis politiques n’ont pas la constance requise du point de vue des croyances.
La recherche de gagner des sièges risque de transformer les partis politiques en entreprises dont le rôle se limite à remporter les élections, a-t-il ajouté, notant qu’au sein des partis politiques, il est temps de procéder à une certaine moralisation de leur fonctionnement pour qu’ils renouvellent l’engagement politique.
Sara Soujar : « Pas de démocratie sans liberté »
Pour sa part, Sara Soujar, activiste et défenseure des droits de l’homme, a affirmé que les citoyens et en particulier les jeunes tournent de plus en plus le dos à la politique, parce qu’ils refusent qu’elle soit pratiquée comme elle l’est maintenant.
Ils rejettent tous ces comportements politiques déshonorants, a-t-elle estimé, appelant au respect des valeurs de liberté, de vérité et de responsabilité qui sont de plus en plus occultées, en particulier depuis 2011.
Pour elle, le débat autour des valeurs est indispensable pour redonner à la politique toute sa valeur, ajoutant qu’il ne peut pas y avoir de démocratie sans liberté, alors qu’aujourd’hui, même pour un twitter on risque d’être arrêté et poursuivi. Et ce sans parler des irrégularités électorales.
Rien ne justifie d’ôter à quelqu’un sa liberté pour avoir exprimé son idée, a-t-elle martelé, estimant que sans liberté d’expression, il n’est pas possible d’aller loin en matière de démocratisation.
Elle a également indiqué qu’il ne peut y avoir démocratie sans partis politiques démocratiques, indépendantes et en mesure d’agir de manière civilisée pour faire valoir leurs points de vue.
Said Fekkak : «Unifier les rangs de la gauche »
De son côté, Said Fekkak, membre du BP du PPS a rappelé que le processus démocratique connait une trajectoire rectiligne, ajoutant que les partis marocains n’échappent pas à cette évolution.
C’est ainsi qu’au moment des consens et des ententes, le pays avance et réalise ses objectifs. C’est ce que le pays a connu avant et après son l’indépendance, dans les années 75, à la sortie des années de plomb à travers l’œuvre relative à la réconciliation nationale et à l’avènement du gouvernement de l’alternance.
Aujourd’hui, on est devant un processus hautement marqué par le conflit des classes, les crises inflationnistes, l’incapacité du gouvernement d’y faire face et les problèmes actuels relatifs à l’édification de l’Etat social, a-t-il souligné.
Pour les prochaines échéances, a-t-il dit, le défi est réfléchir sur la manière d’unifier les rangs de la gauche autour d’un programme commun pour faire face aux défis que se posent.
Pour lui, l’actuel gouvernement est incapable de gouverner à travers des politiques claires et transparentes, alors que ses membres ne sont pas tous issus d’écoles politiques connues.