Nouveau rebondissement dans l’affaire de l’Ecole supérieure d’architecture de Casablanca. Les étudiants architectes et lauréats de l’établissement expriment leur ras de bol. Près de 13 ans après sa création sur la base d’un partenariat entre l’Etat et des architectes, l’établissement n’est toujours pas en mesure de délivrer de diplôme reconnu à ses lauréats. Conséquence, pour ces étudiants, leur avenir est ainsi compromis, les maintenant dans une position de salariés au lieu d’exercer à titre privé. Depuis la semaine dernière, les étudiants et lauréats de l’établissement se mobilisent pour réclamer la reconnaissance et l’équivalence de leur diplôme avec celui décerné aux lauréats de l’Ecole nationale d’architecture (ENA). Retour sur les détails de ce dossier.
Le 13 mars, les 50 lauréats et 250 étudiants de l’Ecole supérieure d’architecture ont entamé une deuxième semaine de grogne après celle de la semaine dernière. L’objectif : réclamer l’équivalence de leur diplôme qui tarde depuis 2010, date de sortie de la première promotion de l’établissement créé en 2004. Au niveau de l’établissement, les étudiants désertent les classes et comptent aller bien plus loin : exprimer leur grogne devant les locaux du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Les étudiants et lauréats de l’école d’architecture réclament, notamment la reconnaissance officielle du diplôme par les pouvoirs publics, le droit d’exercer le métier d’architecte et «le port du titre d’architecte en notre nom propre», peut-on lire dans un communiqué de l’association des étudiants et lauréats de l’école (ALEEAC).
En effet, c’est en 2004 que l’école d’architecture de Casablanca a été fondée sur initiative gouvernementale (appel d’offre). Dans son conseil d’administration, siègent l’Université Hassan II et le Groupe Al Omrane, en tant que représentants de l’Etat. Si au tout début, tout roulait comme sur des roulettes, en 2010, à l’issue de la première promotion de l’école, le problème lié aux diplômes s’est posé. L’établissement n’était pas en mesure de décerner des diplômes reconnus par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, permettant aux lauréats d’avoir le titre d’architecte et de faire partie du Conseil de l’ordre des architectes.
Malgré l’accréditation de l’EAC obtenue le 19 décembre 2011 suite au Décret n° 2-09-717 du 17 mars 2010 et l’arrêté ministériel du 16 juillet 2010, les diplômes de l’école ne sont toujours pas reconnus. En 2010, l’établissement n’a alors accordé que des attestations à ses lauréats. Sept ans plus tard, la situation n’a pas encore été régularisée, d’où la grogne des étudiants contre le retard dans la reconnaissance de leurs diplômes.«Nous avons doublement le problème : les lauréats qui sont sortis et sont sur le marché de l’emploi et les étudiants qui sont encore à l’école et qui ne savent pas comment ça se fait que l’école ne soit pas reconnue par le ministère de tutelle», confie à Al Bayane Mouhcine Sadiq, secrétaire général de l’ALEEAC. Aujourd’hui, les lauréats de l’établissement travaillent certes comme salariés dans des cabinets très reconnus au niveau international, dans le secteur de l’immobilier. Toutefois, à cause de l’absence de diplôme, « on ne leur donne pas la valeur qu’ils méritent. Ils ne sont pas en mesure d’exercer en tant qu’architectes et indépendants », déplore Mouhcine Sadiq. Pour les lauréats et étudiants de l’école, la situation est d’autant plus difficile puisque les frais de scolarité de l’école sont de l’ordre de 75000 dirhams voire plus par an.
Un si long chemin
En effet, en 2014, le parlement a adopté l’amendement de l’article 4 modifiant la loi 16.89 relative à l’exercice de la profession d’architecte et à l’institution de l’ordre national des architectes, ouvrant ainsi la voie à la régularisation du statut des diplômés et leur permettant de porter le titre d’architecte à titre privé. Etant sous la tutelle de deux ministères, à savoir le ministère de l’Urbanisme et de l’aménagement du territoire et le ministère de l’Enseignement supérieur, le département de l’Urbanisme a validé la loi offrant l’accès à l’exercice de l’architecture à titre privé. L’école est toujours dans l’attente de l’octroi de l’équivalence du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Il s’agit d’«une reconnaissance du ministère de l’enseignement supérieur que la formation dispensée à l’école supérieure d’architecture est équivalente à celle de l’ENA», explique à Al Bayane le secrétaire général de l’ALEEAC.
En novembre 2016, dans le cadre du processus de reconnaissance du diplôme décerné par l’EAC, une commission de contrôle de l’école a émis des recommandations et observations «qui ont été prises en compte en par l’établissement», déclare l’association. Par ailleurs, l’association déclare que des commissions diligentées par l’ENA ont évalué les formations dispensées au sein de l’école. Celles-ci auraient jugé ses enseignements conformes aux normes nationales et internationales de l’enseignement de l’architecture». Toutefois, la reconnaissance et l’équivalence du diplôme de l’école se font attendre. L’Association dénonce un manque de dialogue avec le ministère de l’enseignement public. Contacté par un média, le ministère de l’Enseignement supérieur a déclaré que «ce problème est le même pour tous les établissements privés qui veulent être reconnus. Il faut respecter un cahier de charges afin de garantir une qualité de la formation». Ce que l’EAC confie avoir déjà fait. Si le résultat de cette procédure est positif, confie la source au ministère, il faudra attendre qu’un décret soit publié au bulletin officiel pour que l’équivalence soit effective, ce qui prendra encore certainement du temps.
A noter qu’un deuxième mandat a été accordé par la commission de l’enseignement supérieur pour la filière architecture de l’établissement jusqu’en 2022 à la suite d’évaluations.
Danielle Engolo