L’artiste plasticien Djimi El Imam se distingue, depuis longtemps, par sa vocation indéfectible pour les arts rupestres. Sa passion pour cette branche qui relève du patrimoine et de l’identité historiques est telle qu’il s’y met corps et âme au point que cet exercice devienne sa raison d’être.
Son nom est désormais lié à cet attachement sans frontières. Pour lui, les arts rupestres ne sont pas seulement un choix artistique, mais également un engagement, une militance et un combat sans répit pour la préservation de cette originalité de la terre contre le pillage et la démolition.
Actuellement, dans l’espace de la Chambre de commerce, d’industrie et des services d’Agadir, il tient un impressionnant salon des arts rupestres, avec un aménagement splendide et raffiné, adapté à l’environnement des matières rupestres. Depuis plus d’une semaine, cette exposition qui sort de l’ordinaire, fait sensation par l’authenticité des trouvailles ancestrales des signes et des expressions qui remontent à des ères très reculées dans l’histoire. Cette invitation, qui draine nombre de visiteurs curieux de s’identifier à ces richesses du patrimoine immatériel, admire à la fois cette recherche civique et son auteur qui excelle dans cet art et son apport.
L’effort de l’artiste-militant ne se limite pas à ce domaine de l’art plastique, mais aussi à l’art dans sa globalité, au niveau de sa dimension pédagogique et éducative, en tant que professeur des arts plastique, de sa contribution à la promotion des arts plastiques, à travers des expositions individuelles et collectives dans les galeries marocaines et étrangères et de son apport associatif par son implication dans des structures génératrices des arts plastiques.
Cependant, les arts rupestres demeurent, pour lui, un magnétisme tout à fait particulier, car il est synonyme de lutte contre les ravageurs de l’histoire nationale, à travers des périodes séculaires.
Saoudi El Amalki
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Arts rupestres au Maroc
A l’échelle mondiale, le Maroc constitue l’une des régions les plus riches en représentations rupestres. Les arts rupestres au Maroc s’étendent, chronologiquement, des périodes préhistoriques jusqu’au temps subactuel. Ce type de patrimoine exceptionnel se caractérise par une grande diversité et un grand symbolisme ancré dans l’Histoire ancienne des communautés nord-africaines. Les arts rupestres du Maroc sont le reflet de différents modes de vie des populations anciennes.
La situation géographique du Maroc, entre le grand Sahara et la Méditerranée occidentale, a fait de cette zone de l’extrême nord-ouest africain un espace historico-culturel de convergence et de brassage de cultures matérielles les plus diversifiées depuis les temps préhistoriques les plus reculés. Les régions arides et semi arides du Sud du Maroc représentaient les marges sahariennes de refuge pour les communautés pré et protohistoriques du Sahara. L’occupation des espaces était toujours rythmée par l’évolution climatique du Grand Sahara et les modes de productions des sociétés de chasse et d’élevage. Quand l’aride gagne du terrain au centre du Sahara, on assiste à une grande intensité de sites archéologiques sur les ceintures marginales. Alors que les espaces arides redeviennent humides, sous influence de températures des océans, la redistribution des sites archéologiques devient équilibrée et le long des cours d’eau et autour des grands lacs sont occupés avec une activité anthropique très intense. La répartition géographique des sites rupestres au Maroc retrace parfaitement ces phénomènes, particulièrement durant l’Holocène, dont les changements climatiques sont chronologiquement proches de nous.
Les arts rupestres marocains appartiennent à la grande zone historico-culturelle du Sahara et du Nord de l’Afrique. Développés en deux grandes phases (arts des chasseurs et arts des éleveurs-chasseurs), les arts rupestres au Maroc reflètent au moins quatre aspects culturels :
- Un style prénéolithique, probablement le plus ancien, rare, mal étudié et très mal documenté, représenté par des miniatures divulguées par les nouvelles techniques de photographie et technologie de photogrammétrie;
- Un style dit Tazina, des chasseurs néolithiques et chalcolithiques dont les sites sont répartis sur tout le territoire au Sud du Haut Atlas;
- Un style dit Bovidien des éleveurs néolithique, chalcolithiques et âge du bronze, réparti sur le territoire du Haut Atlas et tout le Sud Marocain;
- Un style dit Libyco-Amazigh des héritiers du bovidien,éleveurs transhumants de l’âge du bronze et de toute la période postérieure, réparti pratiquement sur tout le territoire marocain.
Sur les altitudes et au long des anciens cours d’eau au Maroc, les chefs-d’œuvre artistiques de nos ancêtres pré et protohistoriques se rencontrent surtout sur les rochers en plein air. Les découvertes récentes de quelques abris peints dans les régions de Tan-Tan et à Jbel Bani à Zagora viennent d’élargir le corpus marocain en sites de peintures rupestres. Depuis plus d’un siècle, ces témoignages, d’une importance scientifique majeure, se multiplient à travers les découvertes de nouvelles parois peintes ou de roches gravées.
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Impressions de Désert
Face aux œuvres picturales d’El Imam Djimi, le regard devient étonnement et hébétude; mais également exaltation et extase. Il suffit que l’on soit habitué à l’idée de l’Histoire en tant que temps à revisiter et à interroger en permanence, et voilà que l’on est comblé. Avec Djimi, l’art se fait conquête et défi. Il donne à voir des non-dits visuels, des figures venues d’un passé lointain et qui n’ont rien perdu de leur éclat. Il est un exemple de bravoure technique et réflexive dans l’arène des lignes et des couleurs.
A regarder ces toiles, l’on est saisi par de multiples questions liées à l’histoire; notamment à cette partie du passé que l’on retrouve sous formes de traces gravées ou dessinées sur les pierres et les parois des grottes. L’impression immédiate à première vue est que ces œuvres sont le résultat d’une communion forte avec ces objets énigmatiques légués par la civilisation du désert du Sahara.
Mais ces objets subissent ici une refiguration. C’est dire qu’ils renaissent dans l’espace présent de la toile. Traces du présent ! Voilà donc une œuvre entièrement engagée dans une approche originale de l’être dans son rapport avec son environnement spatial et temporel. Les gravures rupestres que Djimi tente de traduire et de transmuer font partie du patrimoine de l’humanité. Elles voyagent dans une transhumance incertaine, cependant assurées d’une seconde vie ; d’une vie multiple pourrait-on dire.
Dans les tableaux, le regard est pris de fascination pour ces figures qui rappellent des histoires très anciennes. Des danses sans doute ou des célébrations de rites anciens. Des règnes en symbiose totale : l’humain et l’animal, surtout. Ces toiles disent le constat des découvertes scientifiques. Le Sahara était bel et bien une forêt vierge.
Djimi n’est pas un archéologue. C’est un enfant du désert. Il est aussi un enquêteur humain. Il assène au sable et aux pierres des interrogatoires longs, complexes, mais in fine assez conséquents pour s’offrir la voie d’une œuvre inédite. Un parti pris rupestre prometteur.
A. Ajbour
(Université d’El Jadida)