Dans un contexte marqué par le lancement des banques participatives et la convertibilité du dirham, la société de Bourse du Groupe Crédit du Maroc passe en revue l’état des lieux du secteur bancaire marocain. Othmane Benassila, analyste financier sénior chez Crédit du Maroc Capital (CDMC) répond à nos interrogations.
Al Bayane: D’après vous, comment peut-on définir une banque participative?
Othmane Benassila: Les banques participatives sont un outil de financement de la production et de la consommation à travers la participation à l’investissement et aux risques de contrepartie qu’elle engage ou par l’achat-revente de biens et d’équipements. Dans ce sens, la banque réalise un produit net bancaire à travers sa marge commerciale.
Avez-vous une idée sur le potentiel/impact de ce marché au Maroc?
Il s’agit de rappeler la détermination du Maroc pour le lancement définitif de ce marché dont, notons-le, les potentialités sont jugées attractives. De ce fait et en vue de développer la Finance participative, la banque centrale a procédé à la mise en place d’un cadre institutionnel, législatif et réglementaire régissant le secteur.
Dans cette lignée, le développement des banques participatives est jugé indispensable dans un contexte où le Maroc aspire à devenir un Hub financier régional avec le développement de Casablanca Finance City et, par conséquent, l’attrait des capitaux des pays du Golfe vers l’Afrique subsaharienne dont les besoins de financement son importants. De plus, la branche participative devrait favoriser l’accroissement du taux de bancarisation du pays en captant le potentiel d’épargne échappant encore au circuit bancaire pour des raisons religieuses.
Comment se comporte, actuellement, le secteur bancaire au Maroc?
A fin décembre 2016, le secteur bancaire national affiche des créances sur la clientèle en accroissement de 3,8% à 754,9 milliards de DH après la baisse constatée à la clôture de l’année 2014.
Dans ce sens, les différentes catégories des crédits bancaires s’orientent positivement hormis la promotion immobilière qui continue à inscrire son évolution dans le rouge. En effet, les banques ont préféré prioriser d’autres catégories de crédits telles que les crédits destinés aux particuliers et le crédit à l’équipement. Les crédits à l’équipement se redressent aussi en 2016 après deux années consécutives de baisse. Cette embellie tient compte de l’amélioration de la croissance des activités non agricoles, notamment le secteur secondaire. Les créances douteuses et litigieuses (CDL) continuent de croître et se hissent, en 2016, à 62,8 milliards de DH et ce, malgré l’amélioration de la conjoncture économique. Le taux de contentieux du système bancaire national évolue suivant un trend haussier accéléré reflétant, ainsi, la hausse de la contentialité de certaines branches phares de l’économie marocaine. La politique de couverture des banques ne cesse de se renforcer dans un rythme d’accroissement des CDL plus rapide que le niveau d’évolution des créances brutes sur la clientèle.
S’agissant des ressources, les dépôts de la clientèle modèrent le rythme de leur croissance. A ce niveau, les comptes à vue poursuivent leur tendance haussière alors que les dépôts à terme accusent une baisse, en 2016, après les performances enregistrées auparavant. Par ailleurs, les comptes d’épargne subissent une décélération de leur rythme de progression en lien, essentiellement, avec la baisse des taux de rémunération.
Quelle analyse faites-vous de la situation actuelle du marché de change ?
Il s’agit de noter que le rattachement de la monnaie a fourni à l’économie marocaine un ancrage nominal utile par le passé. Un régime de change plus flexible favoriserait davantage la diversification en cours des flux commerciaux et financiers, contribuerait à préserver la compétitivité et faciliterait l’absorption des chocs extérieurs.
De plus, l’état des lieux du régime de change actuel fait ressortir les deux limites suivantes. Bank Al Maghrib subvient à l’ensemble des besoins en devises des opérateurs économiques, sans limite et sans aucun ajustement sur les taux de change.En période de crise, les réserves de change du Maroc subissent de fortes pressions à la baisse (Cas de 1983: Programme d’ajustement structurel, Rééchelonnement de la dette etc…).
Par ailleurs, il faut noter que le dirham est fortement corrélé à l’euro du fait des pondérations du panier d’ancrage (80% avant 2015et 60% en avril 2015) et donc beaucoup plus volatile contre le dollar US ;
Plaidez-vous en faveur de la convertibilité du dirham ? Est-ce le moment opportun?
La présente réforme du marché de change marocain intervient dans un contexte économique favorable, marqué, principalement, par l’amélioration des perspectives d’évolutions des principaux indicateurs macroéconomiques (surtout au niveau du déficit du Trésor, du niveau d’endettement public, des réserves de change et du niveau d’inflation).
Quel est selon-vous le processus qui sera adopté dans ce sens?
Le processus de flexibilisation du taux de change permettra d’aboutir à un régime de change où les prix des différentes devises contre le dirham seront déterminés par le marché à travers l’offre et la demande de devises. Les ajustements se feront par les prix et non par les volumes. Il est prévu, également l’étalement du processus en plusieurs phases afin de permettre aux différents intervenants de marché de s’adapter à cette évolution et de les accompagner dans cette transition. Et finalement, le passage d’une phase à l’autre conditionné par la satisfaction des pré-requis.
Kaoutar Khennach