La réforme du régime de change ne relève pas de Bank Al-Maghrib

Les réactions et les interprétations ont fusé de toutes parts depuis le report sine die de la conférence d’annonce de la date d’entrée en vigueur de la réforme du régime de change. En fin de semaine dernière, le chef du gouvernement a justifié cet ajournement par la nécessité de réaliser les études nécessaires avant de prendre une décision finale. Objectif: déterminer l’impact de cette réforme sur le pouvoir d’achat des citoyens ainsi que sur l’activité économique.

Pourtant, le gouverneur de Bank Al-Maghrib n’a cessé d’affirmer que toutes les études nécessaires ont été réalisées et que la réforme n’aura pas d’impact sur l’économie. S’agit-il d’une volonté du chef du gouvernement de reprendre en main la réforme? Abdelouahed El Jai, professeur universitaire et ancien directeur à la Banque centrale, ne répond pas définitivement à la question, mais critique toutefois la gestion de ce dossier. «Ce n’est pas à Bank Al-Maghrib de prendre la décision de passer à un régime de change flexible. Elle ne peut agir ni en tant que concepteur ni en tant que demandeur d’une réforme», dit-il. El Jai précise que la Banque centrale ne peut gérer que le volet opérationnel de la réforme, à savoir l’exécution et le suivi, conformément à son statut, et plus particulièrement l’article 8, qui précise que le régime de change est fixé par voie réglementaire, c’est-à-dire par un texte préparé et validé par le gouvernement.

Techniquement, la Banque centrale gardera la main sur l’évolution des prix des devises étrangères, que ce soit à la hausse ou à la baisse, avec les adjudications comme principal instrument d’intervention. Les ajustements se feront via l’injection de devises sur le marché de change ou l’adjudication d’un montant de devises prédéterminé (en euros ou en dollars) pour les céder aux banques les plus offrantes.

«Mais tout n’est pas aussi transparent», de l’avis de Abdelouahed El Jai qui regrette le fait que les objectifs n’aient pas été fixés avant de passer à ce nouveau régime. Ainsi, le risque de dévaluation du dirham avant la flexibilisation n’est pas à écarter, même si le wali de BAM a donné des gages dans ce sens. Même la bande de fluctuation, dont la largeur a été fixée à 5%, à raison de 2,5% de chaque côté, «pourrait évoluer au fils du temps». Pour l’heure, le taux fixé reste prudent, estime l’ancien cadre de BAM.

Peu importe, la réforme a été mise en stand-by en attendant les «derniers réglages», comme l’a annoncé El Othmani. Tout porte à croire que la Banque centrale a été prise de court par ce report. Surtout que l’entrée en vigueur de la réforme était attendue pour début juillet. Pour le chef du gouvernement, le passage à un régime de change plus flexible n’est pas une décision urgente. Son adoption ne sera actée que si le doute sur les éventuelles conséquences sur le pouvoir d’achat et l’économie nationale est levé.

Hajar Benezha

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