Barid Al Maghrib: L’histoire d’une permanente renaissance depuis 1854…

La poste marocaine a connu trois grandes périodes depuis sa création. Il y a eu la poste avant le protectorat, la poste sous le protectorat et enfin la poste depuis l’indépendance. Aujourd’hui, avec plus d’un siècle d’existence, l’histoire de la poste poursuit son cours, en relevant de nouveaux défis, afin de développer l’activité postale.

L’histoire de la poste marocaine commence avant le protectorat, où elle s’est constituée à partir des bureaux étrangers. La France fut le premier pays à mettre en place un réseau postal en 1854 avec un bureau à Tanger. Elle a été vite suivie par les autres puissances européennes, dont l’Espagne en 1865, l’Angleterre en 1872 (en profitant de son établissement à Gibraltar, elle créa des bureaux à partir de Larache et Rabat). Et enfin, l’Allemagne en 1899. Ces dernières ne tardèrent pas à asseoir leur présence postale.

Ces bureaux de poste étrangers acheminaient essentiellement des correspondances entre les métropoles et les villes marocaines et ce, au détriment du courrier relevant du régime intérieur. En effet, la majeure partie des villes côtières et de l’intérieur se trouvaient fort mal desservies si bien que les commerçants étaient obligés de recourir à des «Bacha- Amar», chefs de caravanes dont les convois ne dépassaient guère 40 km par jour, ce qui rendait les délais d’acheminement trop longs (une à deux semaines). Pour remédier à cette situation, les liaisons privées ne tardèrent pas à faire leur apparition grâce à des initiatives individuelles, dont la plupart étaient créées par des sujets juifs.

La première initiative privée fut créée en 1891 par Isaac Brudo qui reliait Marrakech à Mazagan (actuelle El Jadida). Brudo est le premier qui eut l’idée de créer ce service pour assister les négociants étrangers en l’absence de service postal organisé au Maroc, très ouvert à l’époque au commerce extérieur, Mazagan étant le port le plus important au Maroc sur l’océan. La ville comptait près de 16.000 habitants dont 300 Européens environ. Marrakech, quant à elle, comptait 80.000 habitants avec peu d’Européens. Les courriers du service Isaac Brudo parcouraient 205 km, passant par Sidi Bennour, Smira et Souinia.

L’affranchissement avait été fixé à 25 centimes pour les lettres ordinaires et pour les imprimés ne dépassant pas 100 grammes. Le premier timbre portait la légende «Mazagan à Maroc» (Maroc dans le sens de Marrakech). Le service était d’abord hebdomadaire, puis augmenta progressivement de fréquencegrâce au succèsqu’il rencontra, si
bien qu’il finit par
devenir quotidien
dans les deux sens.
Cette nouvelle organisation a permis la réduction du tarif à 10 centimes en septembre 1892. Isaac Brudo dirigeait son bureau depuis Mazagan là où il résidait. Son correspondant à Marrakech s’appelait Jacob Hazan. Devant le succès de la ligne Mazagan- Marrakech, Brudo créa un autre service entre Marrakech et Safi. Son ami Joseph André s’occupa de l’organisation et de la direction. La multiplication des liaisons privées ne laissa pas indifférent l’Etat chérifien qui ne tarda pas à réagir en essayant de construire son propre réseau.

Quand le Sultanfait son entrée

Face à la multiplication des réseaux postaux étrangers et pour mettre fin à l’anarchie qui marquait l’activité postale à l’époque, le Sultan Moulay El Hassan Ier décida de doter le Maroc d’un véritable réseau postal. Il donna ses ordres aux responsables des ports pour organiser la poste marocaine «Maghzen», qui a été créée le 22 novembre 1892. La création de cette poste s’inscrivait dans le cadre des efforts du Souverain pour le maintien de l’intégrité territoriale du Maroc qu’il voulait doter d’un moyen de communication moderne, véritable trait d’union entre le Sud et le Nord du Royaume. Cette organisation englobait 13 bureaux de 13 villes marocaines, qui étaient reliées par des lignes définies chacune par des cachets spécifiques. Le service proposé par le Sultan était la centralisation-dispersion du courrier entre le Gharb et le Haouz.

Rabat constituait le noyau du réseau postal chérifien conçu par le Sultan. Les différentes liaisons composant le réseau se présentaient comme suit: liaisons du Haouz, liaisons du Gharb, et enfin liaisons particulières. Le transport du courrier ordinaire était confié aux «Rekkas», des facteurs piétons qui parcouraient environ 90 km par jour, qui travaillaient sous l’autorité des «Oumana» des postes placés dans les principales villes (Tanger, El Ksar, Fès, Safi, Essaouira et Marrakech). Ces «Oumana» devaient rendre compte semestriellement à l’Etat chérifien par l’envoi d’un état des recettes et des dépenses.

Les «Oumana» des postes et leurs agents étaient rémunérés par le «Maghzen» dans les ports. Bien avant la création de l’Office Chérifien des PTT, il y a eu d’abord le projet de réorganisation lancé par le Sultan Moulay Abdelhafid en 1911 et qui permit la création en 1912 de la «Direction Chérifienne de la Poste, du Télégraphe et du Téléphone» qui va émettre le premier timbre marocain le 22 mai de la même année (Ce fut une série de six timbres-poste portant des couleurs et des valeurs faciales différentes). A cette époque, la direction remplacera ainsi les «Rekkas» (qui sont devenus fonctionnaires de l’Etat) par des chevaliers pour la poste rapide, et améliorera le service postal, en distribuant le courrier quotidiennement. Cette Direction Chérifienne des PTT sera vite remplacée, en octobre 1913, par «l’Office Chérifien des Postes, des Télégraphes et des Téléphones», regroupant les services français et marocains. Simultanément, le Maroc adhéra à l’Union Postale Universelle, mettant son réseau en continuité avec celui des autres pays du monde.

Une nouvelle ère s’annonce

Après l’indépendance en 1956, les services de la poste et des télécommunications se repositionnèrent sous la tutelle du «ministère de la Poste, du Télégraphe et du Téléphone». Cette dernière procède dans les années qui suivent à la marocanisation de la poste, à l’intégration de la zone de Tanger au réseau postal marocain, et enfin au rétablissement d’un équilibre financier des PTT. En 1970, le «musée national des Postes et Télécoms» fut créé pour conserver le patrimoine postal et des télécommunications. Dix années plus tard, l’amélioration du service postal figurait parmi les préoccupations de la poste, il fallait mettre à la disposition du citoyen marocain un service de qualité, facilement accessible. D’où, la création de «l’Office National des Postes et Télécoms» en 1984, qui engendrera par la suite de très bons résultats, tels que la réduction des délais d’acheminement (80% des envois confiés à la poste en 1990 sont mis en distribution le lendemain de leur dépôt), l’extension du réseau postal (le nombre de points de contact est passé de 391 à la veille de l’indépendance à 1.278 en 1990) et enfin l’augmentation du nombre de tournées de distribution qui est passé de 497 en 1960 à 1275 en 1991.

En 1998, la poste marocaine connut un très grand changement avec la création de «Barid Al Maghrib» (BAM), un établissement public soumis à la tutelle de l’Etat, suite à l’entrée en vigueur de la loi et la séparation des secteurs poste et télécommunication. Depuis sa création, BAM a tenu à concilier entre des missions de services publics, à savoir, la couverture du territoire, la péréquation tarifaire, l’accessibilité aux services et la performance d’une entreprise commerciale. Ainsi, il a été appelé à participer efficacement aux politiques d’aménagement du territoire et du développement régional pour moderniser les échanges et assurer à toutes les couches de la population un service postal de qualité.

BAM crée la banque

Une première étape a été franchie à travers le lancement de la double bancarisation et le transfert d’argent de compte à compte à l’adresse de la communauté marocaine résidant

en France. Cette étape vise à offrir un service rapide, sécurisé et moins onéreux que le cash à cash par mandat ou transfert électronique. La finalité est aussi d’augmenter le taux de ban- carisation des MRE de France. Un dispositif commun a été mis en place, avec le détachement de quatre à sept conseillers de Poste Maroc au niveau du réseau de la Banque postale en France. Le partenariat entre les deux institutions, signé en 2005, s’est étendu à d’autres produits et services avec pour ambition, à terme, la création d’une Banque postale marocaine. L’objectif était d’initier les Marocains non bancarisés aux comptes chèques, cartes bancaires, découverts et aux crédits à la consommation, mais avec un esprit différent, basé sur l’accessibilité. 2007, quant à elle, a été marquée par plusieurs événements stratégiques concernant la restructuration et la gestion de Poste Maroc: la séparation des comptes avec la Trésorerie générale du Royaume, la modernisation des réseaux d’agences pour renforcer l’identité visuelle,

la prise  participation de 35% de Sofac Crédit, et l’élaboration du bilan de compétences pour l’ensemble du personnel. Trois années plus tard, la poste se lance dans le secteur bancaire en créant une filiale baptisée «AlBarid Bank». Cette filiale renforce ainsi la mission du service universel de BAM, rendant possible l’accès au plus grand nombre à une gamme de produits bancaires plus étendue et mieux adaptée. «AlBarid Bank» a ainsi pu accélérer la bancarisation de la population marocaine de13 points supplémentaires dès son lancement. Cette même année, BAM a développé une plateforme numérique «Barid e-Sign», érigeant «Barid Al Maghrib» en tant qu’acteur de référence en matière de certification électronique pour les échanges dématérialisés. Le groupe s’investit également dans le marché de la vente à distance et du commerce électronique, en étant partenaire principal dans le «Plan Maroc Numéric 2013» qui vise le développement des services «e-gov» dans notre pays. Toujours en 2010, BAM a pu concrétiser la transformation de son statut en Société Anonyme. Une mesure, qui permettra à BAM d’accélérer le processus de modernisation de l’entreprise.

Poste Marocbientôt dans la téléphonie mobile?

Aujourd’hui Poste Maroc s’apprête à vivre un autre grand tournant de son histoire, en renouant avec ses anciennes amours, à savoir les télécoms. En effet, à terme un 4ème opérateur devrait faire son entrée dans le secteur. Il s’agit de Poste Maroc. Cette dernière s’apprête tout simplement à opérer en tant qu’opérateur virtuel de téléphonie mobile. Ainsi, elle n’aura pas besoin de disposer de la lourde infrastructure que demande un investissement dans le réseau classique des télécommunications. Sans même avoir de spectre de fréquences propre, elle se limitera à contracter des accords avec les sociétés déjà installées sur le marché pour l’exploitation de leurs réseaux en achetant des forfaits d’utilisation afin de les revendre à ses clients sous sa propre marque. Le principe est simple: elle procédera à l’acquisition en gros de minutes de conversation à des prix moins élevés que ceux pratiqués sur le marché du détail et ensuite les commercialisera au détail sous plusieurs formes. Si l’idée n’est pas nouvelle, il n’en reste pas moins que si le projet venait à se concrétiser, Poste Maroc serait le tout premier opérateur MVNO «Mobile Virtual Network Operator» opérant sur le sol marocain.

Soumayya Douuieb

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