Le prix Daniel Pearl 2017 pour le courage et l’intégrité dans le journalisme a été remis, vendredi à Chicago, à Souad Mekhennet, correspondante internationale du Washington Post, qui devient ainsi la première femme musulmane à recevoir cette distinction prestigieuse, lors d’une cérémonie organisée par la Chicago Journalists Association (CJA) et rehaussée par la présence de l’Ambassadeur de Sa Majesté le Roi à Washington, Lalla Joumala Alaoui.
La consécration de cette jeune journaliste qui revendique avec fierté une triple culture marocaine, turque et allemande, a été recommandée par les parents de Daniel Pearl, le journaliste américain du Wall Street Journal qui avait été assassiné au Pakistan par Al Qaïda.
Cette cérémonie, qui marque le 78è diner annuel de la CJA, a vu également la consécration de Rob Stafford, présentateur de télévision à la chaine NBC5 et de l’éditorialiste du Chicago Sun-Times, Michael Sneed, devant un parterre de personnalités représentant les mondes académique, des médias, des arts et de la politique, notamment le révérend Jesse Jackson et l’ambassadeur Michael Moskow et ancien Président Directeur Général de la Réserve fédérale de Chicago, outre des membres du Chicago Council on Global Affairs.
Dans une allocution prononcée à cette occasion, Souad Mekhennet a tenu à souligner que l’Islam dont elle s’était imprégnée durant sa plus tendre enfance au Maroc était «celui qui met en avant les valeurs d’altérité et du vivre ensemble que nous avons en partage», en rappelant à l’audience que les Marocains de confessions juive et musulmane avaient lutter côte-à-côte pour débarrasser le Maroc du joug de la colonisation.
“Je ne suis pas seule à croire, a-t-elle poursuivi, que l’Islam est une religion de paix qui recommande de lancer des passerelles entre les différents cultures et civilisations, combien même les détenteurs des idées radicales cherchent-ils à dévoyer les préceptes de cette religion à des fins politiques”.
Dans son message de recommandation, la Fondation Daniel Pearl affirme être fière de se joindre à la CJA afin d’ »honorer Souad Mekhennet dans ses efforts visant à percer l’opacité entourant les membres de l’Etat islamique », notant que la lauréate de cette année « illustre bel et bien l’esprit de courage et d’intégrité de Daniel, ainsi que son engagement intransigeant envers la recherche de la vérité ».
De son côté, le président de la CJA, Allen Rafalson, s’est dit honoré de décerner ce prix chaque année à des journalistes comme Souad Mekhennet qui « sont attachés aux normes élevées du journalisme que Daniel Pearl défendait de son vivant ».
La distinction, créée en 2002 en hommage à Daniel Pearl, récompense le courage et l’intégrité dans le journalisme. Parmi les récipiendaires du Prix figurent notamment le journaliste vedette de la chaine d’information en continu CNN, Wolf Blitzer, et la non moins célèbre Martha Raddatz (ABC), ainsi que Lara Logan de la chaine CBS.
En plus de son travail pour le Washington Post, Melle Mekhennet, née d’un père marocain et d’une mère turque, a déjà fait des reportages pour le compte du New York Times et Der Spiegel, ainsi que d’autres publications. Elle est diplômée notamment du Harvard’s Weatherhead Center for international Policy, de la John Hopkins School of Advanced International Studies, and du Geneva Center for Security Policy.
Souad Mekhennet est très connue pour ses reportages sur le terrorisme et plus particulièrement pour son best seller international « I was Told to Come Alone: My Journey Behind the Lines of Jihad » (Edition Henry Holt, juin 2017).
Dans cet ouvrage, qui se lit comme un thriller, l’auteure prend des risques personnels pour aller au-delà des sentiers battus et des conforts des rédactions en sondant, au gré de ses récits de première main au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Europe, l’esprit de ces jeunes, qui constituent la proie des recruteurs des groupes terroristes.
De ses pérégrinations, l’on retiendra un travail d’investigation minutieux qui a permis de divulguer l’identité de « Jihadi John », ce bourreau qui se pavanait devant les caméras et exhibait l’exécution barbare de personnes qui avaient le tort de ne pas partager sa vision exécrable du monde.
Avec son dernier ouvrage, Souad Mekhennet a apporté une contribution qui souligne la nécessité d’un débat profond et bien informé sur le fléau du terrorisme, sa nature, ses causes et ses implications tout en veillant à poser les vraies questions et à placer ce débat dans son véritable contexte, tout en prenant soin de battre en brèche les raccourcis et les clichés réducteurs.
(MAP)