«La femme marocaine n’est pas encore très présente dans le management»

Jihane Benslimane, Fondatrice de Hera Consulting Group, se veut un très bon exemple de la femme marocaine qui a détruit les stéréotypes pour s’imposer dans le monde des affaires et du management. Diplômée de l’université Paris Dauphine, de l’institut Français de Gestion Paris et de l’université Georgetown, la jeune entrepreneure de 34 ans a mené 13 ans de carrière dans différentes structures (Nouvelles Technologies, Conseil, Télémarketing,…) en Europe où elle a occupé le poste de Directrice Administrative et Financière et Directrice de développement Afrique. Sur les postes divers qu’elle a occupés, elle a pu encadrer des équipes de commerciaux, d’acheteurs, de comptables, de salariés «service support», de consultants, mais également de fournisseurs. Elle a fortement contribué à l’optimisation des coûts et des flux d’informations, à la mise en place du développement durable ainsi qu’à un accompagnement de la dynamique de différents pôles. De retour au Maroc depuis quelques années, elle a pris en charge les responsabilités de Directrice générale de la société Hera Consulting, cabinet de conseil et de formation professionnelle. Elle intervient sur des missions de stratégie générale, de communication stratégique et institutionnelle, marketing stratégique dans différentes structures au Maroc, en France, en Tunisie et en Algérie, notamment dans le secteur aéronautique, secteur hôtellerie et restauration, le secteur industriel, etc. Partant de son expérience, Jihane Benslimane nous parle des aptitudes majeures que doivent avoir une femme dans l’univers marocain de l’entreprenariat.

Al Bayane : Comment avez-vous eu l’idée de lancer votre cabinet de management ?

Jihane Benslimane : Tout d’abord, j’ai toujours rêvé d’un poste de direction. Même petite fille, je préférais les jeux en équipe où je pouvais être reconnue comme «chef» ou «mobilisatrice». Ensuite, j’ai compris tout au long de mon parcours de vie, universitaire et professionnel à l’étranger que je souhaitais me lancer un jour dans l’entrepreneuriat au Maroc. En 2012, j’ai pris le temps de réfléchir à mon projet à distance et j’ai réalisé une étude de marché terrain dans le secteur du conseil en stratégie au Maroc. J’avais en effet bien conscience que mon installation au Maroc, après avoir grandi en France, ne serait pas une simple affaire. Cependant, j’étais portée par l’amour de mon pays, la volonté de participer ne serait-ce qu’un peu dans son développement, les valeurs reçues dans mon éducation et surtout les encouragements de ma famille. Dans mes premiers pas, j’ai eu l’opportunité de décrocher mes deux premières missions. Les résultats probants de celles-ci, la reconnaissance et l’encouragement de ces deux chefs d’entreprise m’ont poussée à croire davantage à mon projet et à créer un cabinet de conseil en stratégie et conduite du changement Hera Consulting Group. La découverte de la société et du monde de l’entreprise marocaine avec un œil neuf et positif fût pour moi un véritable tournant dans ma carrière. Depuis, je redécouvre mission après mission la passion de mon métier et je tente de la transmettre aux étudiants dans les séminaires que j’anime dans les universités ou grandes écoles.

Quelle est la place des femmes dans le management au Maroc?

La femme marocaine n’est malheureusement pas encore très présente dans l’économie marocaine et donc par conséquent dans le management. De mon opinion, la femme a les mêmes possibilités d’évolution qu’un homme dans le secteur public comme privé. Cependant, j’ai souvent eu l’occasion dans mes missions de discuter avec des femmes compétentes refusant ces évolutions, des responsabilités ou plus d’heures de travail à fournir. Celles-ci ont peur d’évoluer car elles se focalisent davantage sur la croissance des contraintes et des risques que leur propre développement personnel et professionnel. Pour que ces mentalités évoluent et que l’expérience entrepreneuriale au féminin se développe, il est essentiel que plus de dispositifs d’aide à la création d’entreprise naissent et que le soutien de l’entourage soit plus important.

Avez-vous constaté une évolution dans l’entrepreneuriat féminin chez nous?

Le monde de l’entreprise marocaine change très rapidement. C’est une véritable opportunité pour les entrepreneurs de manière générale. L’environnement entrepreneurial actuel est bien plus accueillant qu’auparavant. Ceci pousse davantage les femmes à créer leurs projets d’entreprise. Cependant, encore beaucoup de femmes s’imposent des freins ou se créent des barrières personnelles. Certaines études ont démontré que les femmes qui créent leur entreprise au Maroc sont en moyenne moins éduquées que l’ensemble de la population. D’ailleurs, beaucoup d’entre elles travaillent dans le secteur de l’informel.

De plus, lorsque la création d’entreprise se fait suite à une expérience professionnelle, la femme entrepreneur se retrouve en difficulté par manque de maîtrise managériale ou des obstacles dans l’accès au financement. Ceci explique que le soutien de l’environnement familial est primordial dans l’entrepreneuriat féminin. Les femmes marocaines entrepreneures sont soutenues généralement par leurs familles. Pour ma part, j’ai été et je suis encore encouragée par mes parents, mon frère et mes amis.

En revanche, j’ai pu rencontrer des femmes entrepreneures marocaines se plaignant du manque de support de leurs conjoints, ce qui leur cause des contraintes supplémentaires. Dans cette aventure entrepreneuriale, le conjoint a un rôle de facilitateur.

Ces exemples non constructifs dans notre société n’encouragent pas forcément des femmes à se lancer dans leur idée entrepreneuriale. Selon moi, les responsables et l’entourage familial doivent aider les femmes à développer leur expérience managériale, à accepter les responsabilités, développer leur créativité, leur autonomie incluant les contraintes que cela peut engendrer. Les entreprises peuvent également proposer un incubateur de projets innovants pour aider et soutenir leurs salariées à développer leur potentiel managérial entrepreneurial.

Propos recueillis par Kaoutar Khennach

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